La Presse Pontissalienne 171 - Janvier 2014

MOUTHE - RÉGION DES LACS

La Presse Pontissalienne n° 171 - Janvier 2014

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TOURISME Deux fermetures en 2013 Crise hôtelière en rive

gauche du lac Saint-Point Absence de repreneurs, coût des mises aux normes, manque de rentabilité, rien ne va plus dans les hôtels qui ferment les uns après les autres avec souvent pour unique perspective d’être transformés en programme immobilier.

L’hôtel Monnot à Saint-Point- Lac est en vente depuis quelques mois.

A ux mêmes causes, les mêmes effets. La vague de fermetures amorcée depuis une dizaine d’années dans l’hôtellerie du Haut-Doubs est toujours acti- ve. Deux établissements autour du lac : l’hôtel Monnot à Saint- Point et l’hôtel des Deux Lacs à Labergement vont mettre la clef sous la porte ou sont sur le point de le faire. Conséquence en rive gauche, il ne restera plus que l’hôtel des Sapins et du Lac. “Ce qui fait le plus de mal, c’est de se sentir seul” , redoute Didier Reinero, le gérant déjà engagé dans la transformation de sa structure en résidence hôteliè- re. Une façon comme une autre de se projeter vers une alter- native immobilière si la formu- le ne donne pas les résultats escomptés. L’hébergement hôtelier se concen- trera donc sur Malbuisson et à l’Auberge duCoude.Il s’agit pour l’essentiel d’établissements de standing, exploités en famille

depuis plusieurs générations et qui peuvent s’appuyer sur une cuisine gastronomique de qua- lité très appréciée par la clien- tèle suisse. Avec le poids des normes, la hausse des charges et la baisse du pouvoir d’achat des touristes, l’activité hôteliè- re voit ses marges se réduire. “On est aussi confronté autour du lac au problème du nivelle- ment par le bas du prix des chambres hôtelières. On propo- se des tarifs dérisoires, ce qui diminue encore la rentabilité” , estime Eugène Letoublon de l’Auberge du Coude. La crise économique frappe plus durement les derniers arrivés qui sont encore dans le rem- boursement des prêts. “On enre- gistre une baisse de 10 % du chiffre d’affaires depuis quelques années. On fonctionne actuelle- ment avec un taux de remplis- sage de 44 % et il faudrait plu- tôt être à 55 % pour s’en sortir” , analyse Ludovic Miroudot de l’hôtel des Deux Lacs qui a fer-

mé son établissement en fin d’année pour y aménager 12 appartements. Certains professionnels du tou- risme estiment que les collecti- vités ont trop tardé à s’engager dans la réalisation de nouvelles infrastructures comme le com- plexe nautique, la station de Métabief ouencore l’hypothétique Voie Verte. Gérard Dèque, mai- re de Métabief et responsable du développement touristique à la communauté de communes Mont d’Or-Deux Lacs reconnaît que la situation est difficile. “L’hôtellerie est confrontée aux problèmes des 35heures,du recru- tement, du rendement. Tout s’additionne. Avec cette manne de locations à l’année liée au tra- vail frontalier, onmanque de lits touristiques.Sans compter la pro- blématique des lits froids qui sont occupés seulement quelques semaines par an. La commu- nauté de communes n’a pas pour autant vocation à faire le pom- pier de service. On a une vraie

politique de développement tou- ristique qui va se concrétiser dans l’aménagement du centre nau- tique de Malbuisson et la réha- bilitation des plages autour du lac.On va également investir près de 400000 euros sur la randonnée pédestre.Tout est fait pour redon-

ner de l’attractivité au secteur même s’il faut bien prendre en compte des délais de réalisation de plus en plus longs.” Une chose est sûre, les candi- dats ne se bousculent pas pour reprendre les hôtels en vente dans leHaut-Doubs. “Les affaires

qui arrêtent sont rarement en faillitemais on ne trouve plus de repreneurs” , constate Élisabeth Contejean,ladirectrice des offices de tourisme de Pontarlier,Méta- bief et Mont d’Or-Deux Lacs.

F.C.

Oye-et-Pallet “L’impression d’être le dernier des Mohicans” L a vie suit son cours tranquille à l’Hôtel des Sapins et du Lac qui abrite 10 chambres. “On fonctionne avec une bonne clientèle qui revient d’année en année. Je ne me plains pas” , apprécie Didier Reinero qui a repris en 1995 les rênes de cette affaire exploitée depuis trois générations par la même famille. Quand il n’est pas au fourneau, ce cuisinier devient maçon. Depuis une dizaine d’années, il a entrepris de transformer son établissement en résidence de vacances. “Au final, on aura 13 appartements qui seront loués à la semaine, à la quinzaine ou au mois mais pas plus. Je tiens à rester dans une dynamique touristique. Avec cette réalisation, je serai en

capacité d’accueillir un bus complet.” L’hôtelier a pris son parti des normes qui évoluent tout le temps. Depuis 10 ans, il constate un effritement de la clientèle touristique qu’il a pu compenser en rece- vant davantage d’ouvriers. “On note aus- si des changements d’habitudes. Les clients viennent plus souvent mais réduisent la durée des séjours.” Son projet de résidence est conçu pour offrir plus d’indépendance à la clientèle et s’affranchir ainsi des contraintes de disponibilité qui pèsent sur les hôteliers. “Si vraiment cette formule ne fonctionne pas, ce sera facile de tout transformer en appartements” , conclut un hôtelier qui redoute plus que tout de se sentir isolé. “J’ai l’impression d’être le dernier des Mohicans.”

“Si vraiment cette formule de résidence ne fonctionne pas, ce sera facile de tout transformer en appartements” annonce Didier Reinero qui tient avec son épouse l’hôtel des Sapins et du Lac.

Labergement-Sainte-Marie 18 chambres en moins, 12 appartements en plus L udovic Miroudot aura finalement tenu une quinzaine d’années avant de jeter l’éponge. Il y croyait pourtant en reprenant l’hôtel des Deux Lacs qui appartenait auparavant à la famille Robe. De l’énergie, ce bricoleur en a dépensé en refaisant pratiquement à neuf cet hôtel comprenant 18 chambres avec une capacité 140 places en restauration. “On a inves- ti environ 100 000 euros par an” , poursuit l’hôtelier qui était à la tête d’une équipe de six per- sonnes. Tout n’a pas été sombre. Il y a eu les belles années entre 2005 et 2010. “On restait tou- jours dans cette problématique de faire du revenu pour amortir l’investissement.” La donne a changé avec la crise qui pénalisait davantage cette bonne table familiale moins axée sur la clientèle suisse. “On subit une baisse de 10 % du chiffre d’affaires depuis quelques années. À cela s’ajoute le problème du turn-over du personnel pas toujours facile à gérer.”

Ludovic Miroudot regrette que le dévelop- pement touristique soit si tardif. “Je ne tien- drais peut-être pas le même discours si on avait fait les choses en temps et en heure. C’est dommage de s’être autant battumais je compte bienrebondir.” Sadécisiond’arrêter n’est pas nouvelle. L’hôtel des Deux Lacs était en vente depuis deux ans. Faute de repreneur, il a finalement opté pour un changement d’activité en aménageant 12 appartements dans le bâtiment dont il est propriétaire. “On entame les travaux en début d’année.Les premiers logements seront disponibles dans une année” , confie celui qui compte bien faire beaucoup par lui- même.

Ludovic Miroudot a tenu 15 ans avant de se résigner à fermer l’hôtel des Deux Lacs.

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