La Presse Pontissalienne 171 - Janvier 2014

DOSSIER

La Presse Pontissalienne n° 171 - Janvier 2014

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FISCALITÉ 224 millions d’euros dus en 2012 Retard de paiement de la France sur l’impôt frontalier En réponse à Pierre Moscovici qui s’indignait du traitement accordé par le canton de Vaud à quelques dizaines de frontaliers n’ayant pas régularisé leur situation, Pascal Broulis le conseiller d’État Vaudois a tenu à rappeler l’immobilisme de Bercy en retard d’une rétrocession. Entretien.

L a Presse Pontissalienne: Les tensions fiscales sont particulièrement vives en ce moment entre la France et la Suisse? Pascal Broulis: Je tenais juste à rappe- ler en préambule que je suis toujours favorable à l’espace transfrontalier le plus calme, le plus grand possible. J’ai été président de la C.T.J. de 2008 à juin 2013. Il reste une solution à trou- ver sur cette question d’impôt fronta- lier. Cela ne va pas remettre en cau- se la communauté de destins qui se construit depuis dix ans autour de cet- te dynamique du travail frontalier. Il me semble crucial de pacifier ces ani- croches pour continuer à grandir ensemble.

L.P.P.: Pouvez-vous nous rappeler le principe de cet impôt frontalier? P.B.: Genève est le seul canton qui pra- tique depuis les années soixante-dix l’imposition à la source. En compen- sation, elle en rétrocède 3,5 % aux com- munes frontalières françaises. Un autre dispositif a été mis en place en 1983 sur l’Arc jurassien. Cette fois-ci, c’est Bercy qui rétrocède à la Confédéra- tion 4,5 % sur le salaire brut du fron- talier. On appelle cela l’impôt fronta- lier. Il était convenu que ce versement survienne au plus tard le 30 juin de l’année suivante. On déplore malheu- reusement quelques dérapages au calendrier.

L.P.P.: De quel ordre? P.B.: La France n’a toujours pas réglé la facture pour 2012. Cela représente une somme de 300 millions de francs suisses. Si l’on ajoute le même mon- tant pour 2013, on arrive à plus d’un demi-milliard d’euros. Il y a dix ans, cet impôt frontalier était bien infé- rieur. Cet argent est ensuite redistri- bué aux communes où travaillent les frontaliers. L.P.P. : Ce retard de paiement pénalise donc certaines communes suisses? P.B.: Jeannine Raynaud, syndic de la commune du Chenit, m’a récemment indiqué que cette rétrocession corres- pondait à une somme de 6 millions de francs suisses, soit un tiers de son bud- get communal. Faute de l’avoir reçu, elle a dû emprunter trois millions de francs en deux fois pour boucler son exercice. L.P.P.: Il y a donc urgence à payer l’addition? P.B. : Il faudrait que les règles soient respectées. Bercy traîne des pieds. On attend donc rapidement la régulari- sation de l’impôt frontalier 2012, sachant que la France a jusqu’au 30 juin 2014 pour payer la rétrocession 2013. L.P.P.: Qu’en est-il de cette affaire de double imposition dénoncée par le ministre de l’Économie française? P.B.: Rappelons que seul le canton de Genève applique l’imposition à la sour- ce. La notion de frontière a disparu à partir des années 95 avec les accords bilatéraux. L’accélération des besoins de main-d’œuvre en Suisse a attiré des travailleurs de toute la France. Du coup, beaucoup de gens ont pris un

Tableau comparatif des rétrocessions fiscales Suisse/France

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P.B.: Non, ce serait une catastrophe pour tout le monde. Pour les frontaliers, ce serait une nouvelle terrible car l’impôt sur le revenu est plus élevé en Suisse qu’en France. Cela inciterait les fron- taliers à demander des augmentations de salaires aux employeurs suisses. Si l’on considère que la masse salariale brute imposable est de 10 milliards de francs suisses, alors c’est 1,5 milliard d’impôts qui n’iraient pas dans les caisses de Bercy. Les communes fron- talières seraient contentes mais Ber- cy hurlerait. Côté suisse, la gestion de cette fiscalisation générerait un sur- croît de travail considérable. Pour moi, le système en place depuis 1983 fonc- tionne très bienmême si le taux de pré- lèvement de 4,5 % pourrait être légè- rement relevé. Propos recueillis par F.C.

double domicile en vivant la semaine dans le Haut-Doubs et en repartant chaque week-end dans leur résidence principale. Certains peuvent ainsi se retrouver à plus d’1h30 de leur lieu de travail et cela, Bercy l’admet. On examine ces cas bizarres de travailleurs qui n’ont pas régularisé leur situation. Cela représente tout au plus environ 70 personnes. Le seul moyen coercitif consistait à les taxer à la source. Une bonne quarantaine de ces cas sont en cours de régularisation. On est en train de négocier ce dossier avec Paris. Signa- lons qu’il n’y a aucun lien de cause à effet entre l’impôt frontalier et ces cas litigieux de domicile principal situé à plus d’1h30 du lieu de travail. L.P.P. : Seriez-vous d’accord de généraliser l’impôt à la source?

Pascal Broulis

réprouve le principe de généraliser l’imposition à la source de tous les frontaliers.

MIGRATION

Une population étrangère en hausse Plus de Français s’installent en Suisse frontalière La population étrangère augmente dans la plupart des communes frontalières suisses qui ont longtemps été sur le déclin démographique. L’effet proximité travail.

L a population française à Neuchâtel a progressé de 30 % en cinq ans, pas- sant ainsi de 1529 à 1995 personnes entre 2008 et 2013. Les raisons du phénomène n’ont pas encore été analysées mais il n’est pas interdit de penser qu’il s’agisse pour partie d’un rapprochement vers le lieu de travail. Hypothèse plausible car la plupart des villes frontalières gagnent en habitants. Avec 132 nouveaux Loclois en 2012, la mère commune enregistre même sa plus forte hausse de population depuis 10 ans. Alors que les départs sont dans la moyenne avec 628 sorties, le nombre d’arrivées constitue également un record décennal avec 835 entrants. La ville du Locle comptait 10206 habitants fin 2012. Cette croissance s’accompagne d’une augmentation des rési-

dents étrangers. Ils représentent 26,2 % de la population locale. Les Français forment la troisième com- munauté étrangère derrière les Portugais et les Italiens mais devant les Espagnols. La tendance se confirme aussi au Val-de- Travers. Si le solde naturel est toujours négatif, la migration vient compenser cet essoufflement démographique dans cette commune. “Il est difficile de déterminer la part des frontaliers dans ce flux migratoi- re” , note Thierry Michel, conseiller com- munal, en rappelant qu’une politique d’accueil des nouveaux arrivants et des frontaliers a été mise en place depuis l’été 2012. Tout laisse à penser à une poursuite de cette dynamique. Venant de plus en plus loin, les nouveaux frontaliers seront peut-

être moins réticents à vivre au plus près de leur lieu de travail. Ils n’auront pas ce sentiment d’être perdants par rapport à leur situation antérieure. Les cadres sont également plus enclins à vivre en Suisse. De confortables revenus assortis du risque de perdre plus que les autres avec cette cotisation C.M.U. proportionnelle aux salaires, voilà de quoi les convaincre de vivre à l’heure suisse et sans les soucis d’embouteillage.

De nouveaux programmes immobiliers participent à l’attractivité du Locle qui gagne en population.

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