La Presse Pontissalienne 171 - Janvier 2014

DOSSIER

23 La Presse Pontissalienne n° 171 - Janvier 2014

ARGENT

La mauvaise surprise Prêts en devises : “Ah si on avait su…” Le franc suisse a beaucoup évolué ces cinq dernières années. Avec de lourdes conséquences pour ceux qui ont souscrit un prêt immobi- lier en devises. Les banques les avaient-elles bien informés des risques ?

P our les frontaliers qui ont ache- té et donc emprunté notam- ment sur la période 2008-2010, une question se pose forcément aujourd’hui si ce n’est malheureuse- ment déjà fait : que se passera-t-il si je perds mon travail en Suisse ou si, en cas de divorce par exemple, je devais revendre ma maison ? La réponse est simple comme le confirme SergeMaître, juriste à l’A.F.U.B. (association de défen- se des usagers des banques) : “Ça peut coûter très cher !” La faute à un franc suisse qui à l’époque s’échangeait à près de 1,50 contre 1 euro, et environ 1,20 aujourd’hui. “Autrement dit, pour simplifier les calculs, si vous avez emprunté à l’époque 450 000 francs suisses, cela correspondait à 300 000 euros. Aujourd’hui, votre mai- son vaut certainement moins au vu du marché immobilier, et pourtant c’est bien 450 000 divisés par 1,20 soit 375 000 euros qu’il faut rembourser à la banque.” Depuis novembre 2011, les autorités suisses étant intervenu, on ne pourra plus arriver à une parité totale et donc, pour ces emprunteurs, l’hémorragie

est stoppée. Mais tout de même. “Le code monétaire et financier met en cau- se ce type de pratique qui peut s’appa- renter à de l’indexation déguisée et qui met aujourd’hui des familles dans de graves difficultés, y compris certaines qui n’avaient aucun lien professionnel avec la Suisse et à qui on a quandmême vendu de tels prêts” fustige le juriste qui évoque sans détour l’attitude des banques : “On peut effectivement par- ler de défaut de l’obligation de conseil des banques. Mais de là à obtenir gain de cause devant un tribunal…” Pour- tant, preuve sans doute des lacunes

À ce jour, l’A.F.U.B. estime le nombre de familles concernées à 25 000. Des milliers de clients qui aujourd’hui peu- vent opter pour un long et incertain combat devant les tribunaux ou plus sagement selon le spécialiste, “sous- crire à une assurance perte d’emploi et pourquoi pas renégocier son crédit.” En prenant garde cette fois d’être bien informés comme ce devrait toujours être le cas. Comme le confesse un cour- tier installé sur le Haut-Doubs, ainsi n’entendrait-on plus des emprunteurs dire “Ah si on avait su.” Car justement, dans lamajorité des cas, ils ne savaient. “Les banques expliquaient les risques liés au taux variable… mais pas la variabilité de la valeur du franc suis- se. Preuve qu’un prêt n’est pas qu’une simple question de taux et de men- sualité comme le croit malheureuse- ment le grand public.” Nuance subti- le mais essentielle. Alors une autre question tout aussi subtile s’impose : si un emprunteur bien informé en vaut deux, combien vaut un emprunteur mal informé ? Cher, très cher. Car au final, ce sera bien à lui de payer la fac- ture.

du système et de l’exis- tence du problème, le législateur est interve- nu à l’été 2013 pour ren- forcer l’obligation de conseil et lamise en gar- de que doivent faire les banquiers avant la signature de tels enga- gements. “Si on insiste tant là-dessus aujour- d’hui, c’est bien qu’il y avait une lacune hier” poursuit Serge Maître.

Attaquer ou négocier ?

Serge Maître, juriste de l’A.F.U.B., estime à 25 000 le nombre de familles concernées par ces prêts contestés…

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