La Presse Pontissalienne 171 - Janvier 2014

DOSSIER

La Presse Pontissalienne n° 171 - Janvier 2014

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MOBILISATION Pacifistes mais déterminés Raphaël Borne :

“On n’est pas des casseurs” Nouveau venu sur le front de la contestation, le groupement “Frontaliers et citoyens, soyons solidaires” fait ses classes dans le militantisme. Des bonnes intentions, des actions médiatiques mais cela suffira-t-il ? Éléments de réponse avec le fondateur Raphaël Borne.

L a Presse Pontissalienne: Comment est né votre mouvement? Raphaël Borne: Cela remonte à troismois. Tout est parti du fait qu’on ne se recon- naissait pas dans les associations de défense des frontaliers.Au départ, j’étais seul. J’ai créé le groupe “Frontaliers citoyens, soyons solidaires” sur Face- book. Lemouvement rassemble aujour- d’hui plus de 1 000 membres et on a enregistré jusqu’à 85 inscriptions par jour. Les adhésions proviennent de tou- te la bande frontalière, du Haut-Doubs bien sûr mais aussi Annemasse, Bel- fort, le Pays de Gex… Au départ, on fonctionnait avec lemouvement des bon- nets rouges frontaliers mais ce n’est plus le cas. L.P.P.: Pourquoi cette rupture? R.B. : On s’est rendu à Annemasse le 21 décembre pour leur prêter main-for- te sans savoir que l’opération de bloca-

en avoir un. On a dû négocier avec le secrétaire du préfet et le commandant de gendarmerie. Je ne m’étais jamais prêté à l’exercice.C’est surprenant quand on vous annonce à quoi vous vous expo- sez. Pour ce type d’opération, on risque jusqu’à 4500 euros d’amende et deux mois de prison. L.P.P.: Le mouvement dans lequel vous vous engagez nécessite-t-il d’être mieux organisé? R.B.: Oui, on est obligé de se structurer. On s’était réuni le 7 décembre dernier avec les représentants des autres villes frontalières. Le principe était demettre en place un bureau syndical à Pontar- lier avec des représentants de chaque localité. L.P.P.:Cela signifie-t-il que d’autres actions vont être conduites? R.B.: Oui, mais on ne peut pas en dire plus car tout n’est pas finalisé. L.P.P.: Pourquoi avoir appelé au boycott de cer- tains commerces pontissaliens? R.B.: C’était juste un coup de gueule. On avait demandé aux commerçants de baisser leurs rideaux cinq minutes en guise de solidarité. Dans le cas contrai- re, on avait annoncé qu’on les boycot- terait àNoël. Lamenace n’a pas été exé- cutée. On a d’ailleurs eu l’occasion de rencontrer la présidente des commer- çants du centre-ville. Il n’est pas ques- tion de les pénaliser. Au contraire, on cherche plutôt à sauver notre commer- ce. Notre cause dépasse le simple cadre frontalier. Tout le monde est concerné.

té sur l’action? R.B.: On forme un groupe pacifiste et apolitique. Tout est basé sur l’action de terrain mais on n’est pas des casseurs. On tient à faire les choses dans les règles et pour ceux qui n’acceptent ces prin- cipes, ce n’est pas grave. L.P.P.: Pourquoi vous manifestez-vous si tardi- vement sur ce dossier? R.B.: On faisait trop confiance aux asso- ciations censées défendre nos intérêts. Jusqu’au jour où l’on a compris que leurs actions ne nous correspondaient pas. On avait plutôt l’impression qu’ils orga- nisaient des voyages et des rencontres à caractère festif. On en avait marre des négociations qui n’aboutissent pas. L.P.P.:Êtes-vous satisfait des actions déjàmises en place? R.B.: Pour nous,l’opération escargot orga- nisée en novembre sur la rocade de Pon- tarlier est un vrai succès. J’attendais une cinquantaine de voitures. Il y en a eu le triple. Pour une première, ce n’est pasmal. J’estime aussi que l’occupation de la C.P.A.M. de Pontarlier est une réussite même si on a mobilisé seule- ment une soixantaine de personnes. On peut aussi s’en satisfaire sachant que cela se passait unmercredi après-midi. Pour information, la mascotte de notre mouvement sera désormais un escar- got. L.P.P.: Vous avez été contraint de raccourcir le blocage de la douane de la Ferrière prévu ini- tialement sur quatre jours? R.B.: C’était pour faire pression.On avait annoncé quatre jours de blocage pour

Même s’il a rompu les amarres avec les bonnets rouges frontaliers, Raphaël Borne reste solidaire avec tous les mouvements dénonçant le ras-le-bol fiscal.

rer les autres associations. C’est dom- mage qu’on ne parvienne pas à faire un truc en commun. Chaque mouvement agit de son côté. On peut déplorer un énorme problème de solidarité. On a beaucoup de sympathisants mais pas toujours quand on appelle à la mobili- sation. L.P.P.: Avez-vous beaucoup de soutiens? R.B.: Du côté des élus, c’est assez miti- gé. Ils comprennent le sens de nos reven- dications sans savoir s’il est pertinent ou pas de nous soutenir avec les échéances électorales qui approchent. On a un peu le sentiment d’être isolé mais on se battra quand même en res- tant toujours dans un cadre légal.

loi avec précisions. Vous en savez plus? R.B.: Non. On est même complètement dans le flou. Pour moi, si la loi passe, cela ne vaudra plus guère le coup d’aller travailler en Suisse. Si l’on ajoute les menaces d’imposition à la source, c’est pratiquement un quart du salaire qui disparaît. L.P.P.: N’avez-vous pas l’impression que tout est fait? R.B.: Non. Le décret devrait être signé en février. Les gens croient que la loi est déjà votée. Ils se trompent. L.P.P.: Dommage aussi que les contestataires ne s’expriment pas d’une seule et même voix? R.B.:On regrette que les nouveaux fron- taliers venant d’autres régions n’adhèrent pas au mouvement. On aimerait fédé-

ge n’était pas autorisée. On a été un peu pris en otage. Après avoir fait le planton pendant trois heures sur un parking, on a finalement décidé de se désolidariser de ce mou- vement. Une vingtaine de voitures avait pourtant fait le déplacement depuis le Haut-Doubs. Quand on a vu comment cela se pas- sait, on a demandé à par- tir. On a été escorté jus- qu’à la douane suisse puis retour sur Pontarlier.

“On aimerait fédérer les autres associa- tions.”

Propos recueillis par F.C.

L.P.P.: On a du mal à connaître le contenu de la

L.P.P.: Êtes-vous toujours por-

ORGANISATION

Fluidifier l’enregistrement La Sécurité sociale se prépare à intégrer les frontaliers Les bureaux de la Sécurité sociale vont s’organiser de manière

à intégrer dans les meilleures conditions les frontaliers. L’opération devrait s’étaler sur un an à compter du 1er juin.

L es services de la Sécurité socia- le n’ont pas totalement arrêté lesmodalités d’enregistrement des travailleurs frontaliers. Le mode opératoire sera précisé une fois publié le décret d’application qui son- nera la fin du droit d’option. Ce ne serait qu’une question de jours. En attendant, plusieurs scénarios ont été échafaudés pour que l’accueil des futurs assurés à la couverture mala- die universelle (C.M.U.) se fasse dans lesmeilleures conditions. “Nous ferons tout notre possible pour que cela se passe bien” assure la Sécurité socia- le qui devra absorber plus de 25000 frontaliers enFranche-Comté,sachant qu’environ 10 % cotisent déjà à l’assurance-maladie française. Une organisation spéciale doit être mise en place dans les bureaux situés sur la frontière comme ceux de Mor- teau et de Pontarlier afin de facili-

ter l’enregistrement des travailleurs frontaliers. “Nous allons mettre les moyens nécessaires pour répondre à ce public sans perturber l’accueil actuel. Plusieurs frontaliers sont déjà venus se renseigner. Nous ne pou- vons pas leur répondre en l’absence du décret qui va fixer les modalités pratiques.” Sans que l’on connaisse les détails du plan, il semble que des

ment élargis dans le cadre de ce vas- te chantier qui va s’étendre sur plu- sieurs mois. On apprend encore qu’une plateforme téléphonique dédiée devrait être activée et que la délivrance de la carte Vitale pour les frontaliers ne se ferait pas for- cément dans les agences. La Sécurité sociale s’est fixée com- me objectif de rendre le plus fluide possible l’intégration des futurs assu- rés. “Il faut anticiper au maximum pour faciliter la création des dos- siers. L’enregistrement se fera sans doute au fil de l’eau, à partir du 1 er juin 2014.” Les frontaliers rejoin- draient donc la Sécurité sociale au fur et à mesure que leur contrat d’assurance privé arrive à échéan- ce. À ce rythme, le chantier d’intégration s’achèverait en juin 2015. T.C.

moyens humains et techniques spéci- fiques seront déployés afin de ren- forcer les bureaux de la Sécurité sociale situés sur la frontiè- re. Ceux de Morteau et Pontarlier comptent une vingtaine d’agents. Les effec- tifs seront probable-

“Plusieurs frontaliers sont déjà venus se ren- seigner.”

Les bureaux de la Sécurité sociale de Pontarlier et Morteau devraient être dotés de moyens techniques et humains supplémentaires.

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