La Presse Pontissalienne 168 - Octobre 2013

LA PAGE DU FRONTALIER 50

La Presse Pontissalienne n° 168 - Octobre 2013

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ASSURANCE-MALADIE Un contre-exemple L’argumentaire d’un frontalier à la C.M.U. Thomas Dornier-Guibelin est un jeune frontalier. Frappé d’une lourde maladie il y a quelques années, aujourd’hui guéri, il a dû se résoudre à souscrire à la C.M.U. Pour lui, le droit d’option est un privilège qu’il n’est pas injuste de supprimer. Son long argumentaire est ici reproduit sans son intégralité pour ne pas risquer de le galvauder. L’Amicale des frontaliers répond.

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D epuis l’annonce du pro- jet de loi il y a au sein des frontaliers, une sor- te de pensée unique sur le sujet qui me révolte, les lob- bies d’assurances font un excel- lent travail de propagande, à en voir l’opposition suscitée. Beaucoup de ces frontaliers auraient pourtant un avis bien différent s’ils connaissaient les éléments de vérité que je vais vous livrer. Je suis moi-même frontalier depuis 2006 et pourtant coti- sant à la C.M.U. explique Tho- mas Dornier-Guibelin. Non par choix, tout du moins pas au début (je ne suis pas un mécè- ne et j’estime comme beaucoup payer déjà suffisamment d’impôts). J’ai seulement été atteint à 23 ans (en 2004) d’un cancer, aujourd’hui guéri. Je suis aujourd’hui un sujet dit “à risque” qui n’intéresse aucune assurance privée dont le but est de faire du bénéfice.Mais je suis loin d’être le seul, voir tous les sujets atteints de maladies chro- niques, de la thyroïde, du dos, etc. Aucune assurance privée ne voulant me prendre en charge, je ne bénéficie donc pas de ce droit d’option si cher aux asso- ciations de frontaliers. Pour- tant, aucune de ces associations ne s’est jamais émue de mon sort : je suis contraint d’être à la C.M.U. - 250 euros par mois pour une couverture de 70 % - et tant pis pour moi. En ajou- tant 38 euros pour une complé- mentaire je débourse presque 300 euros par mois, alors que ça serait le tiers en assurance pri- vée. Depuis le début, beaucoup de ceux qui connaissentma situa- tion trouvent cela honteux, dis- criminatoire, etc. Il est amusant aujourd’hui d’observer que ces personnesmilitent généralement pour lemaintiendudroit d’option, signent des pétitions, etc. Pour ma part, j’ai toujours trouvé logique d’être “exclu” des assu- rances privées et j’ai toujours clamé que c’est le droit d’option pour les seuls frontaliers qui est un privilège injuste à l’égard des autres travailleurs français. J’ai également toujours rétorqué que ce n’est pas moi qui cotise trop, mais les assurés privés qui ne payent pas le prix normal. Je dis toujours que si je gagnais lemême salaire en France,ma cotisation serait la même. Expliquez-moi une fois pour toutes comment on peut assurer tout le monde avec des cotisations fixes, sans sélection selon l’état de santé, tout en étant accessibles à tous quel que soit son salaire ? C’est de l’utopie ! L’excellente renta- bilité des assurances privées est souvent évoquée par certains pour dénigrer le “trou de la Sécu” et glorifier les assurances pri- vées. Encore heureux qu’une assurance santé qui choisit sa clientèle est rentable ! Le prin-

aberrant que quand ces assurés étaient jeunes et en bonne san- té, une partie de leurs cotisa- tions est partie aux assurances privées, et que le jour où ils sont âgés, donc coûteux en soins, ce soit la Sécu qui les prenne en charge ! Mais en fait, peu importe que le passage à la Sécurité Sociale fasse ou ne fasse pas gagner d’argent à l’État Français. Tout le monde sait que cette mesure ne comblera pas le trou de la Sécu. Beaucoup de régimes spé- ciaux qui ont été supprimés concernaient des minorités, et pourtant il était normal de les réformer, ne serait-ce que d’un point de vue moral et de solida- rité. Thomas Dornier-Guibelin a fait quelques calculs. Cas n° 1 (salaire modeste) : Prenons le cas d’une personne seule qui était au S.M.I.C. en France (1 120,43 euros) et vient travailler en Suisse pour 3 000 C.H.F. (2 500 euros par mois au taux de change actuel), et com- parons à une assurance à 100 euros par mois : 1 ère année : (1 120,43 X 12 X 0,9) – 9 156) X 8 % = > 245,39 par an soit 20,45 euros par mois (taux global de 0,8 %) 2 ème et 3 ème année : (2 500 X 12 X 0,9) – 9 156) X 8%= > 1 427,52 par an soit 118 euros par mois (taux global de 4,8 %). Les trois premières années, être assuré à la C.M.U. coûterait en moyenne 85,50 euros à cette per- sonne (moins qu’une assurance privée). En prenant en compte seulement la première année (dans le cas d’un passage en assu- rance privée dès la 2 ème) ,l’économie se chiffrera même à 79,55 euros par mois pour la 1 ère année et les années suivantes le surplus ne sera pas flagrant. Cas n° 2 (salaire élevé) : Prenons maintenant un couple travaillant en Suisse, 3 enfants, revenus mensuels 12 000 C.H.F. (10 000 euros) et comparons à une assurance à 500 euros par mois. (10 000 X 12 X 0,9) - 9 156 X 8 % = > 7 907,52 soit 658,96 euros par mois (taux global de 6,6 %) Je ne parle pas de la complé- mentaire pour être assuré à 100 % : pour ma part je paye moins de 40 euros par mois, ce n’est pas ça qui grève un budget de frontalier…Et chaque Fran- çais affilié à la Sécurité Sociale est de toute façon dans le même cas de figure. Au vu de ces deux exemples extrêmes, que penser des méthodes de désinformation uti- lisées par les lobbies qui martè- lent que les primes vont s’envoler, que le pouvoir d’achat va fondre ? J’ai récemment entendu une col- lègue (opératrice) payant 500 euros parmois pour son foyer qui affirmait qu’elle et sonmari

cipe d’une assurance est que cha- cun paye selon son âge et état de santé et les sujets à risques sont écartés, alors que la Sécu- rité Sociale mutualise le risque et le calcul se fait en fonction des revenus, par contre comme dans tout système régalien, person- ne ne peut en être écarté. Je ne suis pas de gauche mais je sou- tiens la Sécurité Sociale obliga- toire pour tous car je trouve nor- mal que les gens en bonne santé payent pour les gens malades qui n’ont pas choisi leur cancer, leur maladie congénitale, etc. Faut-il rappeler que c’est sous deGaulle (qu’on ne peut pas vrai- ment qualifier de communiste) que la Sécurité Sociale vit le jour en 1945 ?Accepter une sélection selon l’état de santé au niveau de l’Assurance Santé, c’est ouvrir la porte à un système ultralibé- ral à l’Américaine, ou seuls les plus riches ont accès aux soins. Je suis consterné quand je lis que le passage de tous les fron- taliers à la Sécurité Sociale ne lui fera pas gagner d’argent, alors qu’aujourd’hui elle est vic- time de l’opportunisme d’assurances de frontaliers ou de certains frontaliers eux- mêmes : 1. Par les assurances : une assu- rance privée peut comme toute assurance (auto, habitation, etc.) exclure n’importe qui le jour où elle estime que ce client n’est plus rentable ! Il n’est pas rare de voir des assurés atteints de maladies graves, se faire exclu- re définitivement alors qu’ils ont payé leur cotisation durant des années. La C.M.U. ne pou- vant refuser personne, devra alors rembourser pour ces per- sonnes des sommes considé- rables, alors qu’elle n’a jamais encaissé un centime de cotisa- tions. 2. Par les frontaliers : Le calcul se faisant sur l’année N - 1, un salarié français venant en Suis- se, aura intérêt à cotiser à la C.M.U. la première année. Puis l’année suivante se tourner vers une assurance privée. Bien sûr pour contourner cette astuce, il a été mis en place une obliga- tion de rester au moins 3 ans à la C.M.U.Mais il suffit “d’oublier” une ou deux cotisations, et igno- rer les lettres de rappel pour être radié et changer de systè- me. D’autre part, beaucoup de familles qui ont cotisé des années en assurance privée passent à la C.M.U. à l’arrivée du deuxiè- me ou troisième enfant car la C.M.U. assure un foyer, alors que l’assurance privée augmente proportionnellement au nombre de têtes. Et il arrive que ça soit les assureurs qui “conseillent” cette solution à leurs clients. 3. Par le système : beaucoup de retraités frontaliers sont affiliés à la Sécu, sous prétexte qu’ils ont travaillé quelques mois ou années en France et donc cotisé à la Sécu. Il est quand même

passeraient à 1 000 euros lors du passage à la C.M.U. ! Cela correspond à un salaire de 180 000 euros annuels, soit 15 000 eurosmensuels ou 18 000 C.H.F. (9 000 C.H.F. par époux). Je ne connais pas leur salaire, mais j’émets quelques doutes. Mais admettons… 1 000 euros de retenue sur un salaire de 15 000 euros, je ne vais quand même pas m’émouvoir ! J’ajouterais pour terminer que 1 000 euros sur 15 000 euros, cela représente 6,7 %, exacte- ment ce que cotise un salarié français (6,5 %). On voit là que l’argument des frontaliers qui vont fuir et grossir les rangs de Pôle Emploi, ou alors les jeunes qui ne voudront plus venir, est caricatural et fallacieux. L’exemple pris par les juristes de l’Amicale des frontaliers montre bien la réalité : votre frontalier de 38 ans paiera le double soit 253 euros au lieu de 127 euros par mois… Sur un salaire de 3 800 euros, la haus- se est de 3 %, il y a pire comme “catastrophe”. Une trentaine de chômeurs tra- vaillant dans les caisses dites- vous ? La fin du droit d’option ne les empêchera pas de vendre des complémentaires. De plus la plupart des assurances san- té ne sont pas spécialisées pour les frontaliers (assureurs poly- valents auto-habitation, ban- cassurances, etc.) et donc ne fer- meront pas du jour au lendemain comme veulent le faire croire les lobbies . Il est certain que le système de mutualisation est au détriment des salaires les plus élevés et des célibataires, et avantage les bas salaires et les familles… chacun pourra faire son calcul en fonction de sa situation.Mais la situation est loin d’être la catastrophe annoncée par les lobbies , les seuls à avoir vrai- ment à perdre l’affaire. Surtout cela remet tout le monde sur un pied d’égalité. Le prix payé par un assuré privé est complète- ment artificiel, il ne correspond pas au coût de la santé qui doit être interprété sur une vie entiè- re. En matière de santé, 80 % des dépenses proviennent de 20%des bénéficiaires (personnes âgées dépendantes, affections de longue durée). En clair, il est facile pour une assurance san- té de n’assurer que des gens jeunes, en bonne santé sans antécédent…alors qu’ils seront pris en charge par la Sécu le jour où…Une solution équitable serait à la rigueur de deman- der aux frontaliers qui choisis- sent l’assurance privée de renon- cer définitivement à la Sécurité Sociale. D’abord je doute que beaucoup tenteront ce coup de poker, et surtout le jour où ils seront démunis et sans assu- rance privée ne vous inquiétez pas pour eux, l’État Providen- ce sera là…

La réponse d’Alain Marguet Le président de lʼAmicale des frontaliers répond à lʼargumentaire détaillé du jeune frontalier.

“D ans lʼapproche des cri- tiques et réflexions pro- posées et suggérées, on fait état des assurances pri- vées. Il faut distinguer deux types dʼassurances privées : les com- pagnies dʼassurance régies par le Code des Assurances et les mutuelles régies par le Code de la Mutualité. Certaines compa- gnies dʼassurances procèdent à la sélection médicale avec ques- tionnaire médical à la souscrip- tion, appliquent des délais de carence ainsi que des risques aggravés et surprimes en fonc- tion de lʼétat de santé déclaré à la souscription ou pendant la durée du contrat, avec résiliation au bout de deux ans si le risque est défi- citaire. Pour les mutuelles, dites solidaires et responsables, cʼest le cas de la mutuelle des fronta- liers “La Frontalière”, elles ne pro- cèdent pas à la sélection médi- cale ainsi quʼau questionnaire médical pour les garanties san- té à la souscription. Notre Mutuelle interdit de résilier suivant les résultats techniques avec application de la loi Évin dans son intégralité. Cʼest-à-dire que lʼadhésion est viagère dès sa souscription, seul lʼadhérent peut y mettre fin. Lʼétat de santé nʼa aucune influence sur la coti- sation individuelle. Les cotisa- tions unisexes sont calculées en fonction de lʼâge et de la garan- tie souscrite. Nous avons demandé au minis- tère concerné, dans le cadre des règles et de gestion santé des frontaliers, dʼuniformiser le sys- tème tel que nous lʼappliquons avec lʼesprit prépondérant de soli- darité associé à des coûts de ges- tion très faibles (moins de 10%). Cela nous permet de proposer des tarifs qui défient toute concur-

rence même avec lʼopérateur Sécurité Sociale-C.M.U. Notre but nʼest pas de faire du business, nous sommes une mutuelle à but non lucratif, cʼest- à-dire que nous reversons, déduc- tion faite de nos frais généraux, lʼintégralité des cotisations pour servir les prestations ou pour en améliorer le niveau. En plus, à la Mutuelle La Fron- talière, nous avons créé un Fonds dʼAideSociale pour aider les adhé- rents en cas de difficultés finan- cières passagères et également en leur proposant des garanties prévoyance. Dans la bataille des chiffres, nous ne rentrerons pas dans cette polé- mique mais simplement nous confirmons quʼà ce jour la coti- sation C.M.U. volontaire est de 8 % du revenu fiscal de référen- ce du travailleur frontalier mino- ré de 9 356 euros. Demain elle sera de 11.29 % (6 % C.M.U. + 5.29 % C.S.G.) sur le revenu professionnel brut. À cela, il fau- dra ajouter le coût dʼune assu- rance complémentaire. Notre mutuelle, comme vous pouvez le constater, assure lʼintégralité de ses responsabilités vis-à-vis de la protection sociale des fronta- liers et nʼa jamais laissé un adhé- rent à la charge de lʼÉtat Provi- dence. En conclusion, vous souhaitez faire payer aux frontaliers une couverture sociale beaucoup plus élevée que celle quʼils payent actuellement, et avec des pres- tations via C.M.U. nettement infé- rieures à celles offertes par la Mutuelle en 1er euro. Je pense que la quasi-majorité de fronta- liers ne partage pas votre analy- se restrictive. Cette solution ne va guère améliorer le trou abys- sal de la Sécurité Sociale section maladie.”

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