La Presse Pontissalienne 166 - Août 2013

LE PORTRAIT

La Presse Pontissalienne n° 166 - Août 2013

35

MOUTHE

Une profession en déprise

Claudine Mathey bergère désabusée Même si elle ne changerait pour rien au monde son mode de vie, Claudine Mathey qui exerce depuis plus de 25 ans dans les alpages avoue se sentir de plus en plus isolée, voire ignorée.

C e matin, il pleut des cordes Chez Mimi. Cet alpage situé sur les hauteurs de Mouthe a connu son heure de gloi- re dans les années quatre- vingt à l’époque où les défenseurs de la nature s’étaient opposés à l’aménagement d’un site d’essai de pneus. Claudine Mathey faisait déjà partie des opposants. Fille d’instituteur, elle a mis du temps avant de trouver sa voie. Études scien- tifiques, formation d’infirmière, elle a connu des expériences diverses et variées. Des alpages, elle gardait en mémoire de très bons souvenirs d’enfance quand elle passait des week- ends entiers à la Petite Échelle exploi- tée alors par des membres de sa famil- le. Le calme et la sérénité des prébois jurassiens l’ont finalement convain- cu. “C’est un choix de qualité de vie” , explique celle qui débuta sa carrière

de bergère en Suisse. Elle a travaillé ensuite sur plusieurs alpages. “J’ai juste fait une pause de quelques années quand mes enfants sont devenus ado- lescents.”

faire la paille des bêtes attachées à l’écurie de 9 heures à 17 heures. Les avis sont partagés sur l’intérêt de rentrer ou pas le bétail. Les par- tisans considèrent que c’est lameilleu- re solution pour éviter les mouches très actives au soleil des alpages. “On sort le fumier tous les matins.” Les déjections seront épandues à l’automne. Claudine Mathey consi- dère que cela participe aussi à rendre les génisses plus dociles au même titre que la présence d’un berger au quotidien. Sauf que cette tradition ancestrale tend à disparaître des alpages juras- siens français. Affaire de coût diront certains. Plutôt que d’investir dans une présence sur place, les proprié- taires de bêtes préfèrent souvent venir à tour de rôle surveiller le troupeau. “Les bergers ne sont plus remplacés, déplore Claudine qui n’a presque plus

Avant de postuler Chez Mimi en 2006, la bergère originaire de La Cluse-et-Mijoux a prospecté en vain un chalet où elle puis- se travailler toute l’année en gérant un accueil hivernal. Le syndicat pastoral de Mouthe lui a finale- ment confié la gestion d’une soixantaine de génisses. La vie de bergère n’est pas de tout repos. Chez Mimi, on se lève à 7 heures pour aller

Sans téléphone, ni électricité.

L’amour des bêtes est un impératif pour qui veut les garder dans les alpages comme le fait Claudine Mathey depuis plus de 25 ans.

de voisins avec qui discuter. C’est dom- mage qu’on verse uniquement des aides pour restaurer les bâtiments.” Sans compter des rémunérations au ras des pâquerettes. Mieux vaut ne pas avoir des goûts de luxe. Versée dans les plantes sauvages depuis son enfance, Claudine tire une bonne partie de sa subsistance de la nature. Pour compléter ses maigres revenus, elle s’est diversifiée dans l’animation : accueil de classes et de touristes qui viennent à la journée ou la demi-journée. Quand il ne sur- veille pas son troupeau, le berger jurassien entretient son alpage. Il contrôle les points d’eau, les clôtures et lutte contre les chardons. “C’est la plaie des alpages. On se sent de plus en plus concerné par l’invasion des campagnols.” Avec le manque de soleil et la pluie incessante, l’herbe se fait déjà rare là-haut. La saison d’estive risque d’être courte. “Les bêtes pourraient redescendre en août sauf si on leur donne du fourrage mais cela n’aurait guère de sens avec l’idée d’un alpage

nourricier” , estime Claudine Mathey qui reste en général cinq mois dans sa montagne. Sans téléphone, ni élec- tricité. Ce qui ne semble guère la contrarier. “Je n’aime pas la ville, je n’aime pas le bruit” , poursuit celle qui vit habituellement à La Cluse-et- Mijoux. Toujours soucieuse de faire découvrir sonmétier, ClaudineMathey s’investit dans l’association des bergers juras- siens. Fondée au début des années quatre-vingt-dix, cette structure regroupe une quarantaine d’adhérents, les sympathisants prenant peu à peu le dessus sur les bergers en voie de disparition. La vie de berger a aussi ses bons côtés pour qui aime la nature, la tranquillité et les bêtes. L’amour des vaches est une condition sine qua non de la fonc- tion. “Pour les bêtes, l’alpage c’est un peu les grandes vacances. Elles se plai- sent ici, c’est indéniable” , confie Clau- dine qui se réjouit de retrouver chaque printemps quelques-unes de ses pen- sionnaires. L’amour vache. F.C.

Made with FlippingBook - professional solution for displaying marketing and sales documents online