La Presse Pontissalienne 166 - Août 2013

ÉCONOMIE

24 La Presse Pontissalienne n° 166 - Août 2013

FRASNE Société CG Tec “Il est nécessaire de se différencier” Spécialisée dans l’injection plastique de précision, la société CG Tec maîtrise son développement et manœuvre au mieux dans un contexte économique incertain en jouant sur plusieurs leviers : l’innovation, la main-d’œuvre qualifiée et l’image de marque. Le point avec Alain Germain, directeur technique et commercial.

L a Presse Pontissalienne : Par rapport à votre activité, quelle analyse faites-vous de la conjoncture ? Alain Germain : La vision à court terme est très floue. Le court terme, c’est deux mois. Cette tendance s’accentue depuis 2009, année du coup d’arrêt de l’économie. Depuis cette date, l’activité est cyclique. Elle décrit une courbe sinusoïdale avec des variations très importantes dont la fréquence aug- mente. La gestion du quotidien s’en trouve changée. Lorsque nous sommes dans une phase montante, c’est l’euphorie générale. À l’inverse, dans une phase descendante, tout le mon- de tire la sonnette d’alarme. L.P.P. :Avez-vous une approche différente sur le long terme ? A.G. : La vision à long terme est diffé- rente. Je ne sens pas une économie fébrile sur la durée. Les clients ont des projets et des besoins. Ils continuent de travailler sur de nouveaux produits. La question est de savoir quand ces produits seront mis en production. L.P.P. : Comment gérez-vous ces fluctuations conjoncturelles au quotidien ? A.G. : Il faut être très flexible en terme de production et pouvoir compter sur une main-d’œuvre qui doit être la plus stable possible. Le facteur humain est primordial lorsqu’il s’agit de fabriquer des produits très techniques. On ne peut pas s’appuyer sur du personnel en C.D.D. dans nos métiers pour les- quels le parcours d’intégration est rela- tivement long. Toute la difficulté est de trouver la juste mesure entre les embauches et la gestion des à-coups de la conjoncture. L’effectif de CG Tec varie entre 35 et 40 personnes. L.P.P. : La réindustrialisation de la France est dans l’air du temps. Or notre pays a perdu sa culture industrielle qui se mesure aussi par la désaffection des jeunes pour les filières techniques. Avez-vous des difficultés à recru- ter du personnel qualifié ? A.G. : Le recrutement est très difficile dans les métiers de la mécanique et de la plasturgie. Nous avons un poste à pourvoir dans chacun de ces deux secteurs. On recherche des personnes de niveau Bac ou B.T.S. Ces filières

techniques sont pauvres. Je le regret- te. Cela fait 20 ans qu’elles sont délais- sées par les jeunes. Une des raisons de cette désaffection est liée au fait que la génération des quinquagénaires qui travaille dans l’industrie a pris de plein fouet les délocalisations. En réac- tion, des parents ont découragé leurs enfants de s’engager dans cette voie. Ainsi, on a appauvri les ressources humaines dans l’industrie. Le problè- me est que pour les entreprises qui restent et qui créent de l’emploi, c’est très difficile de trouver du personnel qualifié. Or, quelle que soit son acti- vité, une entreprise ne peut pas s’appuyer que sur de la technologie. C’est une conjonction de facteurs qui fait qu’elle se développe : une image de marque, de l’innovation et du per- sonnel compétent. L.P.P. : CG Tec travaille son image de marque. En quoi cela est-il si important ? A.G. : Au-delà de l’aspect technique, pour sortir du lot, il est nécessaire de mettre en avant des facteurs diffé- renciateurs et de parvenir à les faire reconnaître sur lemarché par les clients. Depuis 2005, nous avons beaucoup tra- vaillé sur l’image de marque de CG Tec et sur les valeurs de la société. Il y a une culture d’entreprise que par- tagent nos collaborateurs. Nous com- muniquons sur ces valeurs auprès de nos clients qui doivent venir chez nous avec la certitude qu’ils font le bon choix. Cette promotion se fait à travers des salons, sur Internet, dans la presse spécialisée. L.P.P. : Le fait d’être dans de nouveaux locaux conforte votre image de marque… A.G. : Cela fait deux ans que nous sommes dans ces nouveaux locaux. Nous venons d’achever la seconde tranche des travaux d’aménagement. Par rapport à notre ancien site, la gran- de différence est que nous sommes dans nos murs. La surface est plus vas- te et configurée pour notre activité. Ces locaux ont un effet positif sur notre rentabilité et sur notre image. L.P.P. : La technologie est un des piliers prin- cipaux sur lesquels repose CG Tec. Vous expor- tez 75 % de votre production, le fait de créer

des produits à forte valeur ajoutée est-il un gage de réussite dans un contexte écono- mique difficile ? A.G. : Tout le monde pense que notre “bac à sable” est meilleur au motif que nous travaillons sur des pièces tech- niques à forte valeur ajoutée. C’est une vision erronée. La fabrication de nos produits demande beaucoup d’énergie. Nous devons composer également avec une part d’incertitude. Si la valeur ajoutée d’un produit est mal calculée au départ, que nous rencontrons des difficultés techniques, on peut passer d’une situation rentable à une situa- tion de perte.Àmon sens, chaque entre- prise a des impératifs. Il y a des fac- teurs clés de succès et des facteurs clés de l’échec. Il n’y a pas de situation idéa- le, mais une situation dans laquelle il faut être suffisamment agile pour s’en sortir. L.P.P. : CG Tec est spécialisé dans l’injection plastique. Ces composants entrent dans la fabrication de quels produits ? A.G. : CGTec est positionné sur quatre domaines d’activité :médical, fluidique, automobile, et électrique. Le grand public ne voit pas directement nos pro- duits car ce sont des composants. Ils sont dans la catégorie des “inside” (inté- rieur). Dans l’automobile par exemple, on produit des pièces de motorisation, des pièces spécifiques aux véhicules diesel. Nous sommes présents égale- ment dans la connectique, puisque nous fabriquons des produits qui ser- vent à la vidéotransmission ou aux ustensiles qui équipent les cabinets dentaires. C’est assez vaste. Nous sommes fournisseurs de technologie, de micro-pièces de très haute préci- sion qui peuvent être utilisées dans beaucoup de domaines. Cela peut être une force, mais également un point faible, car toute la difficulté est d’identifier les secteurs véritablement porteurs qui peuvent avoir besoin de notre savoir-faire. L’identification des besoins nécessite une veille commer- ciale permanente. L.P.P. : Chassez-vous de nouvelles tendances ? A.G. : Oui, on chasse de nouvelles ten- dances. Mais nous ne pouvons pas tout miser sur cette stratégie car on ne sait pas à l’avance dans quel délai va se concrétiser la tendance. Demain, dans cinq ou dix ans, nous n’en savons rien. L.P.P. : Êtes-vous dans une posture d’innovation permanente ? A.G. : Nous cherchons à conserver une avance technologique pour créer les grandes lignes de progrès. Cependant, il ne faut pas être trop dans l’anticipation, car nous devons pouvoir répondre aux besoins actuels du mar- ché. Notre travail ne peut pas consis- ter qu’à se projeter. Nous n’avons pas la taille pour cela contrairement à des multinationales qui peuvent financer des services qui ne font que de la recherche. Néanmoins, CG Tec tra- vaille sur certains produits qui doi-

Alain Germain est co-fondateur de CG Tec avec Denis Chouffot.

apportent leur soutien aux entreprises qui font de la recherche. Dans le cadre des pôles, nous travaillons sur deux projets innovants avec d’autres par- tenaires. Le premier s’appelle “Conpro- mi” (convergence des procédés de micro- injection) qui doit aboutir à la fin de l’année. Dans le cadre du second pro- jet baptisé L.S.R., nous travaillons sur la micro-injection de silicone pour du matériel médical implantable et bio- compatible. J’ajoute qu’avec d’autres acteurs régio- naux, on fait des recherches sur des procédés innovants de micro-usinage. L.P.P. : Le fait d’être à Frasne ne semble pas être un frein à votre développement. Avez- vous déjà envisagé une délocalisation pour vous rapprocher par exemple de vos donneurs d’ordres ? A.G. : La stratégie de proximité client n’est pas nécessaire dans notre cas au regard de la taille de nos produits qui sont très petits. On peut facilement les livrer aux quatre coins du monde. Ce n’est pas le cas de tout le monde dans le secteur de l’automobile où des équipementiers s’implantent à proxi- mité de leurs donneurs d’ordres, pour des raisons logistiques. J’observe cepen- dant que les entreprises délocaliseront moins pour des raisons de coût de main- d’œuvre. Elles n’iront plus produire en Chine pour rapatrier ensuite les produits en Europe. Ils iront en Chi- ne pour travailler le marché chinois. On voit émerger cette tendance à la priorité territoriale. L.P.P. : Pourriez-vous un jour implanter un site de production à l’étranger pour conquérir un nouveau marché ? A.G. : Il n’est pas impossible que pour développer un nouveau marché nous soyons amenés à nous implanter phy- siquement à l’étranger. Il ne s’agira pas de délocalisation mais de locali- sation stratégique territoriale.

vent trouver leur place d’ici cinq ans. La partie prospection sur des choses très novatrices représente 15 à 20 % de l’activité commerciale. L.P.P. : Peu d’entreprises dans le monde ont votre savoir-faire. La performance de votre outil de travail vous permet-elle d’échapper à une guerre de prix qui naît d’une concur- rence forte ? A.G. : Nous sommes sur des technolo- gies industrielles. Il y a un prix mar- ché. Il arrive parfois que nous soyons moins de dix entreprises à être capables de fabriquer une pièce. C’est peu, mais suffisant pour créer une situation de concurrence qui nous oblige à nous bagarrer sur les prix. Même lorsqu’on sort un produit très technique, nous devons réfléchir à la façon dont on pourra le fabriquer moins cher demain. L.P.P. : En plus de vos métiers, menez-vous une stratégie de diversification ? A.G. : Nous n’avons pas vocation à nous diversifier à outrance. Mais nous pros- pectons aujourd’hui un nouveau sec- teur industriel. Cela est confidentiel, je n’en dirai pas davantage. L.P.P. : Qui sont vos clients ? A.G. : On cherche à fournir des groupes connus dont on a identifié les besoins. Sur le long terme, ces groupes sont synonymes de stabilité car ils ont une stature internationale qui les rend incontournables. En devenant acteur sur leurs produits, on peut générer du business . En parallèle de ces grands donneurs d’ordres, nous identifions d’autres entreprises, moins connues, mais qui sont importantes. Il ne faut rien négliger. L.P.P. : CG Tec appartient à deux pôles de com- pétitivité. Qu’est-ce que cela vous apporte ? A.G. : Les deux pôles de compétitivité sont : le pôle Plastipolis et le pôle des Microtechniques. C’est une chance en France d’avoir l’État et les collectivi- tés locales qui, à travers ces pôles,

Pour se développer, CG Tec s’appuie sur des ressources humaines compétentes.

Propos recueillis par T.C.

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