La Presse Pontissalienne 159 - Janvier 2013
ÉCONOMIE
La Presse Pontissalienne n° 159 - Janvier 2013
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“Il faut encourager les élus à être plus rigoureux dans la gestion” Le président de la Chambre régionale des comptes (C.R.C.) désormais regroupée entre la Bourgogne et la Franche-Comté explique les orientations de la juridiction qu’il préside et livre son analyse sur la bonne gestion des deniers publics. FINANCES PUBLIQUES Le président de la Chambre régionale des comptes
Roberto Schmidt est à la tête des 64 salariés de la Chambre régio- nale des comptes de Bourgogne- Franche-Comté. Il est aussi conseiller réfé- rendaire à la
L a Presse Pontissalienne : La fusion des Chambres régionales des comptes de Bour- gogne et de Franche-Comté et leur regrou- pement à Dijon avait suscité une vague d’émoi il y a un an à Besançon. Qu’en est-il aujour- d’hui ? Roberto Schmidt : La plupart des magis- trats qui étaient à Besançon ont rejoint Dijon. Certains d’entre eux ont préféré partir dans d’autres Chambres plus grosses et assurer leur carrière. À l’exception d’une dizaine de personnes, l’effectif de Besançon a rejoint celui de Dijon. On est en train de fermer les locaux de la rue Sarrail à Besançon et nous les laisserons à l’État qui saura certainement les réaffecter. L.P.P. : Pourquoi ce rapprochement ? R.S. : La Cour des comptes a reçu de nou- vellesmissions,notamment d’évaluation des politiques publiques, via des com- mandes passées par le gouvernement, le Sénat ou l’Assemblée Nationale. Les regroupements de Chambres vont jus- tement permettre de mettre à disposi- tion de ces travaux d’évaluation du per- sonnel qui vient desChambres régionales des comptes. Il y a désormais une plus grande porosité entre la Cour et les Chambre régionales. Exemple récent de ces nouveaux travaux demandés aux
Cour des comptes.
Chambres : l’évaluation des politiques d’aide à la création d’entreprise. On a mis en place des formations inter-juri- dictions pour délibérer sur ces sujets- là. Je participe à cette commande de l’Assemblée Nationale, ce premier rap- port d’évaluation est sur le point d’être publié. L.P.P. :Le fait que la Chambre régionale ait désor- mais son siège à Dijon met-il “à l’abri” des contrôles les petites communes éloignées de ce centre, dans le Haut-Doubs par exemple ? R.S. : Il est clair qu’avec le regroupement,
vail de repérage ou de détection est bien fait et ce, autant en Bourgogne qu’en Franche-Comté. On passera juste d’un critère plus mécanique à un caractère plus sélectif des collectivités ou orga- nismes contrôlés.Jem’efforce d’améliorer la programmation pour compenser l’éloignement géographique.LaFranche- Comté ne sera pas oubliée dans nosmis- sions, c’est certain. Et grâce à la fusion, les équipes de contrôle seront plus per- formantes qu’un magistrat seul dans son coin avec sa petite sacoche. L.P.P. : Que comprendra le programme de la Chambre en 2013 ? R.S. : Il est en préparation. Je peux dire qu’il comprendra nécessairement le contrôle des grandes collectivités qui n’ont pas été contrôlées depuis de nom- breuses années,tant enBourgogne qu’en Franche-Comté.Nous contrôlerons aus- si des plus petites collectivités sur les- quelles des risques de dérive dans la gestion ont été détectés. L’idée généra- le est aussi de veiller à une surveillan- ce générale sur la progression de l’endettement des collectivités locales. L.P.P. :L’endettement est-il donc le grand risque que courent nos collectivités,à l’instar de l’État ? R.S. : Nous évaluons l’endettement mais
surtout la qualité de cet endettement. Il faut que les collectivités comprennent qu’elles s’engagent à rembourser non seulement un capital mais aussi des intérêts, ce n’est pas toujours évident. Certaines se sont engagées dans des emprunts complexes, il faut désormais que les communes par exemple com- prennent que les formules complexes ne sont pas du tout adaptées. Quand sur un emprunt structuré, comme ceux basés sur le franc suisse, on a des fac- teurs multiplicateurs de 5 à 10, ça peut vite faire exploser les taux. Il y a désor- mais une charte des bonnes conduites signée par les banques qui s’engagent à ne plus distribuer ce genre de pro- duits. En France, plus de 12 milliards d’euros sont composés de ces emprunts risqués.Unmaire peut se retrouver avec des intérêts qui doublent quand un taux passe de 3 à 7 %. C’est très dangereux. L.P.P. : Vous enjoignez donc les collectivités locales à maîtriser leurs dépenses. Comment le peuvent-elles alors que les besoins vont crois- sants ? R.S. : Il s’agit d’abord de maîtriser les dépenses de personnel. Certes il y a eu des transferts de l’État qui ont néces- sité des embauches de personnel, mais il faut arriver à faire comprendre aux collectivités locales qu’elles maîtrisent mieux leurs effectifs propres. Comment maîtriser les dépenses de personnel ? C’est par exemple en n’augmentant pas tout le monde avec le maximum d’ancienneté. L.P.P. : C’est-à-dire ? R.S. : La carrière d’un fonctionnaire ter- ritorial est ponctuée d’avancements, avec une durée d’échelon plus oumoins longue.Mais pour ne froisser personne, les collectivités ont pris l’habitude d’avancer tout le monde à la cadence accélérée si bien que les fonctionnaires arrivent au top de leur carrière beau- coup plus vite. C’est une pratique qua- si-généralisée qui finit par coûter très cher. Pour retenir son fonctionnaire, le maire pratique donc ainsi parce que dans la ville voisine on fait pareil. C’est l’effet tâche d’huile et la conséquence indirecte de l’émiettement des collecti- vités. C’est ce qu’on appelle l’échelle de perroquet. Il faut aussi que les collectivités réflé- chissent à tous les services qu’ellesmet- tent en place, ou encore à ne pas systé- matiquement répondre favorablement à toutes les demandes. Enfin bien éva- luer leurs frais de fonctionnement. L.P.P. : Vous pensez notamment à de grands chantiers comme le tramway ? R.S. : Pas forcément. Je pense d’abord à des immobilisations du genre salle des fêtes ou gymnase. Quand ces équipe- ments ne sont pas utilisés, ils coûtent quandmême.Pour la question des tram- ways, Dijon et Besançon n’ont pas eu la même démarche. Dijon a un tram de 440 millions, financé en partie par du partenariat public-privé (P.P.P.), tandis que Besançon a surtout misé sur la taxe versement transport. Ce genre de sujet fera certainement l’objet d’une évalua- tion par la Chambre des comptes un jour.
ruine ? R.S. : La plupart d’entre elles sont dans une situation financière globalement équilibrée car il existe une notion fon- damentale : l’équilibre réel du budget qui interdit de financer des dépenses de fonctionnement en ayant recours à l’emprunt, qui ne doit servir qu’aux dépenses d’investissement. C’est vrai- ment une règle à protéger coûte que coûte. C’est en quelque sorte la règle d’or des collectivités locales. L.P.P. : Il est plutôt sain d’investir quand on est une collectivité, non ? R.S. : L’investissement peut aussi se révé- ler sournois car il gèle une part de la capacité d’action d’une collectivité. Et il peut être sournois car lui-même engen- drer des dépenses de fonctionnement. C’est pourquoi il est à manier avec pré- caution. On n’emprunte pas sur cin- quante ans un équipement qui sera obso- lète dans trente ans. C’est comme si un particulier faisait un emprunt de vingt ans pour financer sa voiture. L.P.P. : Combien de collectivités qui ne votent pas leur budget en équilibre sont examinées par la Chambre des comptes ? R.S. : Entre 30 et 40 par an pour nos deux régions sont concernés par une saisine de laChambrepar lepréfet et laChambre doit rétablir l’équilibre des comptes.Un exemple connu a été celui de Luxeuil- les-Bains dans les années quatre-vingt- dix et qui a traîné ce boulet sur vingt ans. Luxeuil a été un “petit Angoulê- me”. C’est pourquoi il faut encourager les élus à être plus rigoureux dans la gestion courante de leur budget. L.P.P. : Pour autant, les Chambres des comptes n’ont pas le pouvoir de sanctionner les élus locaux ? R.S. : Ce sont les citoyens qui peuvent les sanctionnerdans lesurnes.LesChambres jugent les comptes publics et peuvent engager la responsabilité des comptables publics, des inspecteurs du Trésor. Il y a une vingtaine de cas par an. Quand par exemple on paie une prime à fonc- tionnaire au-delà de ce qui avait été pré- vudans ladélibérationd’un conseilmuni- cipal, c’est au comptable public d’y répondre. C’est toujours l’État qui tient les caisses des collectivités locales. Cela montre aussi que la décentralisation n’est pas encore allée jusqu’au bout. L.P.P. : Votre avis sur le millefeuille administra- tif qui caractérise notre pays ? R.S. : Il faut bien sûr le simplifier et ça viendra quand les gens seront mûrs et y seront prêts. La priorité actuelle est de dire aux élus qu’ils peuvent déjà amé- liorer leur gestion, maîtriser leurs dépenses et encadrer leurs emprunts. Il y a encore des économies à faire dans les collectivités locales. La maîtrise de la dépense publique sera le grand com- bat des trois années qui viennent. Car la fiscalité ne pourra pas toujours aug- menter : il faut que l’augmentation de la fiscalité soit en rapport avec la capa- cité contributive du citoyen. Quand un salaire augmente de 2 %, il ne faut pas que les impôts augmentent plus que 2. C’est juste une question de bon sens et le bon sens, on n’en a jamais assez. Propos recueillis par J.-F.H.
le programme des Chambres régionales sera modifié.Onpeut dire qu’il y aura une moins gran- de régularité dans les contrôles et on sera obli- gé de privilégier des cri- tères sur des analyses de risques préalables. Mais le recours à ce “juge de paix” que sont les Chambres des comptes aura toujours lieu. Le nombre des observations sera enbaissemais le pré- sident de la C.R.C. est bien décidé de faire le tra- vail partout quandun tra-
“Les collectivités ont pris l’habitude d’avancer tout le monde.”
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L.P.P. :Les collectivités sont-elles menacées de
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