La Presse Pontissalienne 155 - Septembre 2012
LA PAGE DU FRONTALIER
42 La Presse Pontissalienne n° 155 - Septembre 2012
HORLOGERIE La guerre des pourcentages Le Swiss made à l’heure
des grandes complications
Destiné à lutter contre les abus, le renforcement du Swiss made est en cours. Ce dossier parfois aux limites du protectionnisme suscite pas mal de réactions notamment chez les fournisseurs européens. Mais qui pourraient en tirer profit.
ments électroniques et mécaniques. “Ce nouveau taux prend désormais en compte les coûts de recherche et déve- loppement qui correspondent à peu près aux 10 % supplémentaires. On assure ainsi le statu quo avec les accords horlogers qui portent uniquement sur les mouvements. Les fabricants euro- péens de composants ne sont donc pas touchés.” La fédération horlogère a renoncé à l’idée de porter à 80 % ce taux sur les mouvements mécaniques car cette mesure s’avérait euro-incom- patible. Elle projette toujours de fai- re évoluer les règles sur la montre ter- minée, ce qui inclut le cadran et les boîtes. Les taux sur le produit fini pas- seraient donc à 60 % pour les montres électroniques et à 80 %pour les montres mécaniques. De telles évolutions supposent des délais d’adaptation variables chez les horlogers suisses. Les marques les plus prestigieuses répondent déjà pour tout ou partie au renforcement du Swiss made. Le dossier est aujourd’hui au stade du conseil d’État. Le principe du renforcement pourrait être validé en 2013 avec une phase d’adaptation étalée sur cinq ans. Jean- Daniel Pasche est conscient des inquié- tudes que suscite ce renforcement de l’autre côté de la frontière. “Nos col- lègues européens sont soucieux de ces nouvelles règles. On est dans l’obligation de renforcer le Swiss made notamment sur le mouvement terminé. Les princi- paux composants concernés sont donc les cadrans et les boîtes, soit des pro- duits qu’on importait très peu de Fran- ce. Sur le commerce réel, ce renforce- ment toucherait davantage un pays comme l’Italie.” F.C.
L es origines du Swiss made remon- tent à la fin des années cinquante avec l’internationalisation du marché horloger. “Cette ouver- ture marquait aussi les premiers usages abusifs du nom Suisse sur les montres, d’où le besoin de définir un label” , résu- me Jean-Daniel Pasche qui préside la fédération horlogère suisse. Forte de 500 membres dont les grands groupes horlogers, cette association faîtière a fait de ses priorités la lutte anti-contrefaçon et la protection du Swiss made. La définition toujours en vigueur du fameux label s’appuie sur l’ordonnance fédérale de 1971, laquel- le fait partie des accords horlogers pas- sés avec l’Europe en 1967 et 1972. La protection portait au départ unique- ment sur le mouvement qui devait et doit toujours être de fabrication suis- se pour au moins 50 % de la valeur de toutes les pièces constitutives sans prendre en compte le coût d’assemblage. “La C.E.E. voyait ça d’un mauvais œil et réclamait qu’on puisse intégrer davan- tage de composants européens dans le mouvement. Cette requête a abouti à l’accord de 1972 entre la Suisse et la C.E.E. qui prend donc en compte le coût de l’assemblage dans les 50 %” , préci- se Jean-Daniel Pasche en reconnais- sant lui-même le côté alambiqué de ce compromis. Si la marque reste bien sûr le premier
signe de qualité, le Swiss made confor- te cette garantie de provenance. L’ordonnance de 1971 a fait l’objet d’une révision en 1992 avec l’intégration de deux critères supplémentaires au Swiss made : l’emboîtage et le contrôle final qui doivent être réalisés obligatoire- ment en Suisse. Ces dispositions n’empêchent pas la multiplication des abus, notamment en Chine et aux États- Unis. Un procès en chasse un autre à la fédération horlogère suisse. Aussi la fédération horlogère suisse a- t-elle décidé en accord avec les poids lourds horlogers que sont Rolex, les groupes Swatch et Richemont de pro- céder à un nouveau renforcement du Swiss made. Cette ambition s’inscrit désormais dans le projet Swissness porté par le Conseil fédéral et qui vise
“Le renforcement du Swiss made devrait aussi conforter l’activité des fabricants européens de composants”, analyse Jean-Daniel Pasche.
CERTIFICATION Un nouveau critère 100 %, made in Suisse sinon rien La certification Qualité Fleurier est désormais attri- buée uniquement aux montres 100 % made in Suisse, à l’exception des matériaux non ouvragés. Q uand certains se perdent en conjectures sur le renforcement du Sswiss made, d’autres sont beaucoup moins timorés. La Fon- dation Qualité Fleurier a ajouté en juin dernier un cinquième critère à l’obtention de sa marque Qualité Fleurier. Le garde- temps susceptible de passer le “test le plus complet et le plus difficile de toute l’industrie horlogère” devra désormais être entièrement manu- facturé en Suisse. “Seuls les matériaux non ouvragés peuvent provenir de l’extérieur mais tout le reste jusqu’à l’étape finale doit être réalisé sur le sol suisse” , indique Olivier Wieers, responsable technique à la Fondation Qualité Fleurier. La procédure de certification Qualité Fleurier a été lancée en 2004 dans le Val de Travers par les marques Chopard, Parmigiani Fleurier, Vaucher Manufacture Fleurier et Bovet Fleurier. Elle répond aux plus hautes exigences. Les pièces passent d’abord les tests C.O.S.C. et chro- nofiable qui portent sur précision, la durabilité et la fiabilité. Elles sont ensuite mises en habillage définitif avant de subir le passage sur le simulateur Fleuritest. “Ce test de fonctionnement dure 24 heures.” Le
à renforcer la protection de la désignation “Suis- se”. Pour ce faire, le conseil national a approuvé au printemps le taux minimal de 60 % de valeur suisse pour les produits industriels dont les montres. Le Swissness sert de base pour toute l’économie suisse et chaque branche pourra ensuite affiner. Le taux passerait donc à 60 % pour les mouve-
Le statu quo avec les accords horlogers.
ZOOM “Ne pas raisonner uniquement dans le cercle helvético-helvétique”
simulateur recrée les mouvements du bras en inté- grant des phases actives, très actives et calmes. Les variations de marche sont analysées au moyen d’un système d’acquisition optique par caméras numériques. En cas de réussite, un certificat est délivré pour chaque pièce. La montre peut alors se prévaloir de la certifi- cation F.Q.F. En imposant le 100 % Swiss made, la Fondation a pris les devants. “Cette initiative a été saluée par la Fon- dation Horlogère en sachant que cette certification s’appuie uniquement sur la base du volontariat” , pour- suit le technicien. La démarche F.Q.F. attire de plus en plus de grandes marques au point que la Fondation a triplé sa capaci- té de traitement depuis sa création.
La Fondation a pris les devants.
Patrice Besnard, délégué général de la chambre française de l’horlogerie n’est pas franchement rassuré par le renforcement du Swiss made. Entretien.
L a Presse Pontissalienne :Vous défendez bec et ongles les accords horlogers ? Patrice Besnard : Tout à fait. Le renforcement du Swiss made ne doit pas se faire au détri- ment de l’industrie horlogè- re européenne. L’accord hor- loger de 1967 a généré un courant d’affaires entre l’Europe et la Suisse. Rap- pelons que l’Union Euro- péenne constitue encore le premier marché de l’horlogerie suisse. Il existe tout une filière de fabricants de composants dans le Haut- Doubs susceptibles d’être pénalisée par ce renforce- ment du Swiss made. Donc, pas question de remettre en cause ces accords surtout quand on sait de quelle manière l’horlogerie suisse s’appuie sur la main-d’œuvre
frontalière. Rehausser de 50 à 80 % le niveau du Swiss made pour les mouvements mécaniques relevait claire- ment du protectionnisme. L.P.P. :Vous sollicitez un arbitrage politique en quelque sorte ? P.B. : Il ne faut pas se trom- per de combat. Le Swissmade n’est pas un label, juste un critère d’appellation d’origine. Si ces critères sont modifiés, les pouvoirs publics suisses devront prendre les disposi- tions qui s’imposent pour pro- téger les fournisseurs euro- péens. Quand la Suisse ne voulait pas entrer dans l’Union Européenne, on avait proposé l’organisation d’un espace horloger européen. Ce projet n’a pas abouti.
Patrice Besnard estime que ce renforcement ne doit pas se faire au détriment des fournisseurs européens.
La question du renforcement sera discutée prochainement entre les autorités suisses et françaises. Le sujet ne doit pas être traité uniquement dans le cercle montagnard helvetico-helvétique. Propos recueillis par F.C.
d’actions ? P.B. : On pourrait aller jus- qu’à dénoncer les accords bilatéraux. La Suisse n’est pas auto-suffisante aussi bien en main-d’œuvre qu’en com- posants. Pour l’instant, on attend l’évolution des débats.
“On a démarré avec un seul simulateur en 2004. Aujourd’hui on en a trois, ce qui nous permet de traiter 2 025 pièces”, explique Oli- vier Wieers, responsable technique à la Fondation Qualité Fleurier.
L.P.P. : Quels sont les moyens
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