La Presse Pontissalienne 155 - Septembre 2012
20 DOSSIER I
La Presse Pontissalienne n° 155 - Septembre 2012
TENDANCE 20 000 Francs-Comtois Toujours plus de frontaliers L’office fédéral de la statistique estime que depuis 2006 le nombre de personnes actives de nationalité étrangère a augmenté trois fois plus que celui des travailleurs suisses.
A vec 20000 travailleurs francs- comtois travaillant en Suisse, le nombre de frontaliers n’a jamais été aussi élevé dans toute l’histoire des relations écono- miques entre les deux pays voisins. Entre 2006 et 2012, le nombre de fron- taliers a littéralement explosé. Outre l’entrée en vigueur en 2002 des accords bilatéraux sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l’Union Européenne, c’est surtout la conjonc- ture économique suisse favorable qui explique cette tendance. Certes la Suis-
se a subi en 2009 une crise économique qui a stoppé l’embauche de frontaliers, mais “à partir de la deuxième moitié de l’année 2010 une forte augmenta-
tion de plus de 2 % est à nouveau observée” consta- te l’office fédéral de la sta- tistique. Cet apport de main-d'œuvre étrangère atteint un tel niveau qu’en 2011, la part des étran- gers dans la population active représentait 28,5%. Malgré la belle santé de
l’emploi frontalier, ce sont ces tra- vailleurs étrangers qui sont le plus exposés au chômage. Notamment par- ce que les frontaliers sont surrepré- sentés dans le secteur secondaire (l’industrie), qui reste très sensible aux aléas de la conjoncture. Les étrangers représentent en effet plus d’un tiers de la main-d'œuvre de ce secteur. Enfin, les conditions salariales restent en général plus favorables pour les Suisses que pour les frontaliers (5506 F.S. contre 6217 F.S.). Non pas que ces derniers fassent l’objet d’un dumping salarial, interdit d’ailleurs, mais les travailleurs étrangers sont en moyen- ne plus jeunes (près de 55 % d’entre eux ont moins de 40 ans) et d’autre part, d’importantes différences en termes de niveau de formation sub- sistent entre Suisses et étrangers. Évolution depuis 1975 des frontaliers francs-comtois (Source C.C.I.T. et Amicale des Frontaliers).
Ils sont le plus exposés au chômage.
REPÈRES Équivalence des diplômes Les étrangers ont accès à presque tous les métiers Les Français comme la majorité des citoyens européens peuvent exercer pratiquement tous les métiers en Suisse. Cependant, des jobs imposent des mises à niveau de compétence, d’autre obligent à demander la nationalité suisse. L es accords bilatéraux signés entre la Suisse et les pays européens ont ouvert le marché de l’emploi. Si quelques nuances subsistent d’un canton à l’autre, il est possible d’accéder facilement à presque tous les métiers en Suisse quand on est étranger. “Il y a un libre accès total” note le service des ressources humaines de l’État du canton de Neu- châtel. Pour beaucoup de jobs, l’équivalence des diplômes n’intervient pas dans le recrutement. “Un ingénieur du bâtiment ou des travaux publics français aura les mêmes compétences qu’un Suisse.” Cela est vrai aussi pour tous les métiers techniques (horlogerie par exemple) ou de service (restauration). En revanche, les choses diffèrent pour d’autres professions comme l’enseignement, la médecine ou la justice. “Pour exercer ces métiers, il faut des équivalences car ils demandent une connaissance plus appro- fondie de la matière suisse” poursuit le service des ressources humaines. Les Français frontaliers ont même accès à la fonction publique helvétique. “Ils peuvent travailler dans nos services. Mais ils seront contractuels et pas fonctionnaires.” Un étranger en Suisse peut même devenir policier, sous conditions. Tout d’abord, il doit résider dans le pays. “Il est autorisé à suivre l’école d’aspirant. Mais au moment de l’assermentation, il devra deman- der la nationalité suisse.” Il faut en effet être Suisse pour exercer toutes les professions de sécurité publique.
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FORMATION 22 % ont plus de 55 ans Pénurie d’ingénieurs en Suisse Les entreprises et les instituts de recherche sont confrontés à une inquiétante pénurie de main-d’œuvre dans les métiers techniques et de l’ingénierie. La mauvaise réputation.
P lus on est riche moins on aimemettre lesmains dans le cambouis. À for- ce de surfer dans le gotha des pays des pays les plus hup- pés de la planète, la Suisse finit par s’éloigner petit à petit de son outil de production.Un para- doxe dans ce pays qui dispose peut-être des meilleures filières de formation, notamment en microtechniques. Les écoles poly- techniques fédérales croulent sous les demandes d’étudiants étrangers. “Entre 1980 et 2000, le taux d’ingénieurs actifs dans l’industrie a chuté de 50 % à 26 %” , constate Jacques-André Maire, conseiller national et membre de la commission de la science, de l’éducation et de la culture. Les jeunes Suisses ne boudent pas forcément les formations supérieures. Sauf qu’ils s’orientent davantage vers les domaines de service. Certains aussi préfèrent carrément chan- ger de métier. Les branches
scientifiques souffrent toujours d’un problème d’image dévalo- risante. Cette pénurie qui se dessine n’est pas sans consé- quence avec le risque de délo- calisation des entreprises et de désindustrialisation de l’appareil économique suisse. Jusque dans les années 2000, la Suisse se situait encore dans le peloton de tête européen des pays les mieux pourvus en ingé- nieurs. Le taux d’ingénieurs par rapport à l’ensemble des employés avoisinait 2,66 % en 2001 alors qu’il se situait à
nombre de nouveaux ingénieurs et informaticiens diplômés pour 1000 travailleurs. “Nous ne for- mons pas assez d’ingénieurs. On est déjà en pénurie avec un désé- quilibre de l’offre par rapport aux besoins. Selon les estima- tions des spécialistes, il man- querait 16000 ingénieurs et infor- maticiens en Suisse” , s’inquiète Jacques-André Maire. Et le fossé risque encore de s’agrandir. 22 % des ingénieurs actifs en Suisse ont plus de 55 ans. Ce qui pose la question du renouvellement de cette popu- lation. Le déclin démographique de la Suisse observé entre 1993 et 2003 n’arrange rien. “Si l’on peut en compte tous ces para- mètres, le déficit bondirait à 27000 ingénieurs en 2025.” On touche le fond si l’on s’intéresse au pourcentage de femmes en ingénierie. Avec 9,5 %, c’est presque le bonnet d’âne euro- péen. Face à cette crise de vocation, les industriels n’ont pas d’autre
“Les branches scientifiques souffrent toujours d’un problème d’image dégradée”, explique Jacques-André Maire.
2,94 % en Fran- ce et 3,12 % en Allemagne, lea- der en la matiè- re. Depuis, la situation n’a cessé de se dégrader. La Suisse arrive aujourd’hui en queue de pelo- ton si l’on se réfère au
Il manquerait 16 000 ingénieurs et informati- ciens.
choix que de se tourner vers l’extérieur. La Suisse recrute de plus en plus de cadres formés à l’étranger. On en compte plus de 30 000 qui exercent dans les métiers de la santé, de l’industrie
et de l’enseignement. “Nous allons “pomper” les ressources professionnelles de pays qui en auraient peut-être cruellement besoin. Cela pose un problème éthique.” Conscientes du dilem-
me, les autorités fédérales en fait de la promotion des métiers de l’ingénierie une de leurs prio- rités. F.C.
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