La Presse Pontissalienne 145 - Novembre 2011

ÉCONOMIE

La Presse Pontissalienne n° 145 - Novembre 2011

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Frédéric Vuillemez et Claire Sarazin créent une école de thanatopraxie sur le site de Consolation. Une pratique funéraire encore méconnue, mais en pleine expansion. Dans les coulisses de la mort, il y a d’abord la vie. FUNÉRAIRE La pratique de l’embaumement Une école de thanatopraxie dans le Haut-Doubs

Frédéric Vuille- mez et Claire Sarazin créent le centre de formation “Tha- natopraxie Art et technique”.

O n n’embrasse pas une car- rière dans le funéraire par vocation. Ni Frédéric Vuille- mez ni Claire Sarazin, qui viennent de créer l’école “Thanatopraxie, art et technique”, n’affirmeront le contraire. C’est à la suite d’un bilan de compétences appro- fondi que Frédéric Vuillemez intègre la société Prévitali à Maîche, gestion- naire des pompes funèbres et du funé- rarium. Une société qu’il reprendra en 2008. Claire Sarazin, elle, avait suivi une formation tout autre, elle se des- tinait au tourisme. Une recherche d’emploi compliquée l’a amenée à accep- ter dans la région de Belfort un poste de gardienne de cimetière. Un univers qu’elle a ensuite exploré autrement avec une formation en thanatopraxie, le nom scientifique (du grec thanatos , la mort) qui désigne ce que dans tous les autres pays on appelle plus sim- plement “embaumement”. Depuis 12

teurs. La première session de la for- mation démarrera en mars prochain. Coût de la formation : 8 700 euros, avec la quasi-certitude de décrocher un emploi à la sortie. Ils espèrent attirer “entre 15 et 20 élèves” dans la premiè- re promotion. La thanatopraxie a été “importée” en France dans les années soixante. Cet- te pratique, très populaire dans les pays anglo-saxons, était au départ réser- vée aux plus fortunés. Cette technique de soins de conservation subit égale- ment encore de nombreux fantasmes dans notre société. “L’embaumement n’a rien à voir avec ce qui se pratiquait du temps des Égyptiens où on retirait les viscères du défunt. Là, elle se fait en respectant parfaitement l’intégrité du corps. L’injection d’un liquide per- met seulement de conserver plus long- temps le corps intact, et qu’il soit plus présentable à la famille. De plus en plus de monde le demande” note Frédéric Vuillemez. Dans les grandes villes, près

de neuf corps sur dix sont désormais embaumés et bénéficient donc de ce traitement bactériologique et fongici- de. Ils sont environ 700 professionnels en France à pratiquer la thanatopraxie. Côtoyer au quotidien la mort ne paraît pas incongru à ces jeunes créateurs d’entreprise. Ils savent que “depuis la nuit de temps, la mort fascine. C’est même elle qui a créé les religions” note Frédéric Vuillemez. Problème : “Nous sommes aujourd’hui dans une société où on ne veut plus voir la mort, où on veut l’aseptiser, comme si elle n’existait pas.Mais il ne faut pas oublier que sans la mort, la vie n’existe pas.” Et c’est jus- tement “de la vie qu’on s’occupe avant tout” enchérit Claire Sarazin.Tous deux sont également spécialisés dans ce qu’ils nomment “la reconstitution faciale”, suite à des accidents, ou des suicides. Une technique enseignée par un pro- fesseur de Nice, qui a lui-même formé les fameux “experts” de la police scien- tifique aux États-Unis.

Ce qui les amène à endosser là enco- re un vrai rôle de psychologue pour les familles endeuillées. Leur message essentiel dans leur confrontation quo- tidienne avec la mort : c’est la vie de ceux qui restent dont il faut s’occuper. “Nous sommes là d’abord pour aider les gens à démarrer leur parcours de deuil. Nous sommes une petite pierre à la construction du deuil. En tra- vaillant sur le défunt, nous travaillons d’abord pour les vivants” note Frédé- ric Vuillemez. C’est la raison pour laquelle ces deux professionnels ne se départiront jamais de leur sensibili- té. “La sensiblerie, il faut la mettre de côté, jamais la sensibilité et l’empathie avec les familles” nuance Claire Sara- zin. Tous deux sont aussi là pour rap- peler que les métiers liés au funérai- re, si particuliers soient-ils, sont finalement des métiers aussi respec- tables que les autres. Ils sont eux aus- si parties intégrantes de la vie. J.-F.H.

ans, elle pratique le métier au sein de la société “La Belfortaine de thanato- praxie”, qu’elle a créée en 2004. Les deux professionnels unissent aujourd’hui leurs compétences et lan- cent un centre de formation qui élira résidence au sein même du monastè- re de Consolation. Un choix surpre- nant a priori , mais qui se justifie plei- nement selon les deux créateurs. “Il n’existe aucune école de thanatopraxie dans tout l’Est de la France. Pour se former, il faut aller à Paris ou dans le Sud de la France. Ce métier est en plei- ne expansion en France. L’association qui gère Consolation a accueilli notre projet très favorablement. Le site offre de nombreux avantages, des salles de cours, des possibilités d’hébergement. Et, précision utile, nous n’enseignerons que la théorie à Consolation, aucun corps n’y sera amené. Les exercices pra- tiques se dérouleront à la fac de méde- cine de Besançon” expliquent les créa-

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