La Presse Pontissalienne 144 - Octobre 2011

LE PORTRAIT

La Presse Pontissalienne n° 144 - Octobre 2011

51

PONTARLIER

Vice-président d’Apach’Évasion

Le sport plus fort que le handicap À 73 ans, Jacques Louvrier, non-voyant bien connu des Pontissaliens, s’adonne encore à de multiples activités sportives. Il respire la santé. Portrait d’un senior actif.

Q uand on sonne chez Jacques Louvrier, c’est Orissa sa jeune chienne croisée labrador qui vous répond. C’est le sep- tième compagnon à 4 pattes qui parta- ge son quotidien. “Celle-là, je l’ai trouvée dans une école située entre Yverdon et Lausanne qui forme des chiens d’aveugle destinés normale- ment à des malvoyants suisses. Ils ont répon- du favorablement à ma demande en considé- rant que j’étais frontalier. Le précédent chien arrivait à l’âge de la retraite et le comble c’est qu’il souffrait d’une cataracte” , sourit Jacques Louvrier en caressant Orissa. Originaire de Pontarlier, Jacques Louvrier a contracté un glaucome à la naissance. Il voyait difficilement mais assez pour suivre une sco- larité normale et mémoriser d’innombrables images. “J’ai plein de souvenirs dans la tête. Les beaux paysages du Haut-Doubs, la neige, les vacances au bord de la mer. Je visualise encore Pontarlier” dit-il. Après l’école, Jacques Louvrier a d’abord tra-

dardiste à la mairie.” Une fonction qu’il assu- mera pendant 20 ans, dont la moitié à l’ancienne caserne des pompiers qui accueillait le stan- dard municipal avant son transfert à l’hôtel de ville. L’arrivée de l’informatique ouvre de nouveaux horizons à Jacques Louvrier qui suit une for- mation en conséquence. Il change alors de pos- te pour faire de la saisie informatique. “Je m’occupais par exemple de préparer la revue de presse en sélectionnant des articles suscep- tibles d’intéresser les services et les élus.” Les débuts de sa “carrière” sportive coïncident avec son retour dans le Haut-Doubs. Il entre au club cyclotourisme de Pontarlier pour s’initier au tandem.Une dizaine de coéquipiers l’accompagne à tour de rôle. “Je ressentais un réel besoin d’activité physique. Après quelques années, un copain d’enfance m’a proposé d’essayer la cour- se à pied.” Un premier galop d’essai sur la pis- te du stade et voilà un nouveau duo qui se for- me au pays des coureurs sur route. Jacques et sa doublure se rendront dix fois au marathon de Paris. Ils traverseront même l’Atlantique pour le célèbre marathon de New-York. “On est relié par une petite cordelette de 50 cm qu’on tient dans une main. Le guide se place légère- ment devant moi avec le cordon tendu. Quand il tire ou relâche, cela signifie qu’on tourne à droite à à gauche. On fonctionne avec des codes pour franchir les obstacles.” À 73 ans, Jacques Louvrier a toujours la fibre du running . Il lui arrive aussi d’aller s’entraîner seul avec son chien sur le chemin du train. Début septembre avec l’association Apach’É- vasion dont il est vice-président, il a participé au tour de l’Aude handisport. Cette course com- prenait 4 étapes de 40 à 50 km à effectuer en tandem ou en handbike. “On ne cherche pas à établir des performances. On assure plutôt la promotion du handisport.” Jacques Louvrier s’investit beaucoup dans cet- te association qui propose des sorties pédestres, cyclistes, en ski de fond et raquettes. Il sait se

vaillé à la ferme familiale puis aux caves Arnaud Juraflore qui viennent d’être démolies rue du commandant Valen- tin. S’il rêvait d’être cycliste, il n’était pas plus sportif que ça dans sa jeunesse. “Cela m’a pris plutôt vers l’âge de 30 ans quand j’ai perdu complète- ment la vue suite à l’évolution du glaucome.” La rupture avec le monde visible est toujours une épreu- ve. Elle bouleverse en tout cas le quotidien du Pontissalien contraint d’aller suivre une réadaptation professionnelle à Paris où il apprend notam- ment le braille. “J’ai travaillé trois ans à Tourcoing avant de revenir à Pontarlier où j’ai été embauché comme stan-

Jacques Louvrier et sa chienne

Dix fois au marathon de Paris.

Orissa se déplacent en totale autonomie

dans les rues de Pontarlier.

mettre au service des autres en accompagnant par exemple des personnes handicapées moteur en “joélette”. Cet engin ressemble à une chai- se à porteur posée sur une roue. Le planning est bien rempli pour l’alerte retraité qui profi- te aussi de ses trois petits-enfants. Pontarlier lui plaît en tout cas. Une ville à taille humai-

ne où il a ses repères. “La vie moderne a ses avantages comme l’outil Internet qui me per- met de communiquer avec les autres, de télé- charger des livres. Elle a aussi ses inconvénients marqués par la fermeture des petits commerces alimentaires en centre-ville. Heureusement, on a encore la chance d’avoir une supérette dans la Grande rue où je fais régulièrement mes courses avec l’aide d’un employé du magasin, apprécie le sportif toujours prêt à discuter. Les gens sont parfois surpris que je ne leur répon- de pas quand ils me disent bonjour. Mais com- ment savoir qu’ils s’adressent à moi. Dans ce cas, il faut me toucher ou m’appeler par mon prénom.” Merci Jacques. F.C.

Jacques Louvrier et Denis Colin lors du marathon de Paris en 2010.

Made with FlippingBook flipbook maker