La Presse Pontissalienne 144 - Octobre 2011

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Pontissalienne n° 144 - Octobre 2011

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Ringardiser En politique comme ailleurs, le coura- ge finit souvent par payer. En un sens, la primaire, cet exercice risqué auquel se livrent les socialistes en ce moment pourrait être assimilé à un certain cou- rage, cela justement parce quʼil est extrê- mement périlleux et pourrait réduire à néant toute chance de reconquête du pouvoir au moindre dérapage. Dʼici le 16 octobre, ils auront en effet multiplié les risques de sʼentre-déchirer. Mieux : ils ont pris ce risque non pas seulement dans une université dʼété qui après tout nʼintéresse que les socialistes eux- mêmes, mais à travers le filtre intransi- geant de la télévision, devant la Fran- ce entière. Quelle idée saugrenue tout demême de sʼimposer un débat lorsque lʼon partage tous la même sensibilité et quand, mieux encore, on a tous adop- té un programme commun ! Les socia- listes le font et en le faisant sʼexposent chaque jour aux risques dʼimplosion. En créant ce concept inédit de primaire, ils ont certainement franchi un pas de géant vers leur tentative maintes fois infruc- tueuse de reprendre les rênes du pou- voir. À droite, on a bien du mal pour lʼinstant à démolir cet exercice inédit de démocratie. Un temps, lʼU.M.P. a bien tenté de mettre des bâtons dans les roues des socialistes, arguant de lʼillégalité dʼun tel exercice. En vain. En prenant les premiers le train de ce vote militant, les dirigeants de gauche sont arrivés à dépasser le schéma classique dʼun scru- tin majoritaire à deux tours, en créant ce “tour de chauffe” qui présente deux mérites : celui de réconcilier le citoyen avec le débat politique, et, en quelque sort, de “ringardiser” la droite qui ne peut pour lʼinstant que subir. Bien sûr les divergences pointent entre les six per- sonnalités de gauche mais cʼest juste- ment à lʼaune de ces divergences de forme ou de fond sur certains sujets sen- sibles que celui ou celle qui sortira vain- queur des urnes le 16 octobre impri- mera plus encore sa marque et partant, augmentera ses chances de victoire. Pour autant, il ne faut pas non plus que si cet exercice réussit, les socialistes se croient arrivés et tombent dans lʼeuphorie. Ils auront ensuite à surmonter deux obs- tacles majeurs : le dernier, loin dʼêtre gagné, de battre un président sortant, lʼautre, deux semaines plus tôt, de ne pas être devancés par les partisans de Marine Le Pen, dont la contestation sourd en silence et qui pourrait aussi exterminer leurs espoirs. Jean-François Hauser Éditorial est éditée par “Les Éditions de la Presse Pontissalienne”- 1, rue de la Brasserie B.P. 83 143 - 25503 MORTEAU CEDEX Tél. : 03 81 67 90 80 - Fax : 03 81 67 90 81 E-mail : redaction@groupe-publipresse.com Directeur de la publication : Thomas COMTE Directeur de la rédaction : Jean-François HAUSER Directeur artistique : Olivier CHEVALIER Rédaction : Frédéric Cartaud, Édouard Choulet, Thomas Comte, Jean-François Hauser, Thomas Mourey. Agence publicitaire : S.A.R.L. BMD - Tél. : 03 81 80 72 85 François ROUYER - Portable : 06 70 10 90 04 Imprimé à I.P.S. - ISSN : 1623-7641 Dépôt légal : Octobre 2011 Commission paritaire : 1102I80130

POLITIQUE

Georges Gruillot, ancien sénateur Georges Gruillot : “Il faut persister pour le contournement de Pontarlier”

Ancien sénateur et président du Conseil général, Georges Gruillot coule une retraite active entre Besançon et Vercel. L’homme politique retraité (U.M.P.) se confie sur l’endettement du département, la ligne de chemin de fer, la route des Microtechniques et le contournement de Pontarlier. D epuis trois ans et sa retraite d’homme public, Georges Gruillot - 80 ans - est discret dans les médias. “Je suis comme un curé qui quit- te sa paroisse : j’évite d’y revenir pour ne pas faire de l’ombre à mon successeur” dit-il. Pour La Presse Pontissalienne, celui qui fut élevé au grade de chevalier de la Légion d’honneur en 2009 joue le jeu des questions-réponses. Il apporte sa vision éclairée sur des projets qu’il a pu mener à bien ou ceux qui ont capoté. La Presse Pontissalienne : Depuis 2008, vous êtes retiré de la vie publique et politique. Que fait Georges Gruillot de ses journées ? Georges Gruillot : Je croyais que je m’ennuierais car j’ai passé ma vie à 100 à l’heure aussi bien profes- sionnelle (1) que publique. Je constate que je ne touche pas terre et m’intéresse toujours à l’actualité en lisant deux heures par jour les journaux. L.P.P. : Vous avez tout de même gardé des responsabilités nationales ? G.G. : Je suis membre de la commission nationale d’aménagement commercial (C.N.A.C.), chargée de régler en appel les problèmes des gens mécontents des décisions des commissions départementales d’aménagement commercial. Cela concerne les implantations et extensions de grandes surfaces ou cinémas. Nous sommes 8 membres. Je repré- sente le Sénat. L.P.P. : Des dossiers comme l’extension du cinéma de Besan- çon, de Pontarlier ou d’hypermarchés, sont peut-être passés sur votre bureau. Avez-vous voté ? G.G. : Nous avons une règle : lorsque l’on connaît un des thèmes, on s’abstient pour éviter les conflits d’intérêt. L.P.P. : La politique dans le Doubs a évolué. À quoi attribuer le fait que deux sénateurs sur trois sont désormais de gauche dans le Doubs ? G.G. : On ne peut pas dire que le Doubs est une ter- re de droite. Cela fait longtemps que ça balance. Les postes de responsabilité sont tenus par la gauche mais ce n’est pas irréversible. L.P.P. : Maire de Valdahon, Léon Bessot (P.S.) a fait virer le canton à gauche. Votre sentiment ? G.G. : Ici, les élus ont eu l’intelligence de comprendre qu’il fallait être solidaire pour s’en sortir en milieu rural. Il n’y a plus de querelle de clochers ! Il se trouve que Valdahon, Étalans, Orchamps-Vennes

Ancien sénateur et chevalier

de la légion d’honneur, Georges Gruillot vit l’été à Vercel, le reste de l’année à Besançon.

L.P.P. : Vos prévisions pour la Présidentielle de 2012 ? G.G. : J’ai toujours pensé que Sarkozy serait réélu. Et cela semble moins ridicule de dire ça qu’il y a un an. L.P.P. :Comment avez-vous géré votre rapport entre vie publique et vie privée et quelle vision avez-vous de l’affaire D.S.K. ? G.G. : Pour D.S.K., c’est inadmissible de ne pas être plus exemplaire. De mon côté, j’ai toujours évité les photographes et les journalistes. Là, je me lâche car je vieillis. Je prends du recul. L.P.P. : Quel bilan tirez-vous des actions de Claude Jeanne- rot, votre successeur au Département ? G.G. : Une satisfaction : Claude Jeannerot a gardé une continuité dans les actions menées. Problè- me, l’argent est gaspillé. L.P.P. : Le Doubs vit donc au-dessus de ses moyens. N’est- ce pas dû désengagement de l’État ? G.G. : C’est facile de dire que la faute est à l’État. Si je reprenais le Département, j’engagerais des économies sur le poste “dépenses”. À mon arrivée à la présidence (1982), j’avais dénoncé tous les contrats d’assurances et ainsi divisé par deux la dépense en faisant valoir la concurrence. J’avais également supprimé toutes les subventions aux associations… On a choisi de soutenir celles qui avaient un impact sur la vie locale. Je diminue- rais aussi d’autres postes de saupoudrage. L.P.P. : Quelle est la conséquence de ce déficit ? G.G. : Le Département est pendu. Il fallait réser- ver les gros emprunts pour l’emploi. Emprunter pour la vie courante quand on a déjà une masse financière, ce n’est pas un bon point. Mais je ne suis pas idiot, ils (le Département) sont débordés par le financement des politiques sociales. L.P.P. : Avec le recul, quelles sont vos plus belles réalisations à la tête du Doubs ? G.G. : La création de la route des Microtechniques même s’il faut la terminer jusqu’à Morteau et la poursuivre en Suisse. C’est faisable. Le maintien du chemin de fer entre Besançon, Valdahon et Morteau a été déterminant dans le développe- ment du Haut-Doubs. J’ai travaillé en collabora- tion avec le conseiller général de l’époque (Henri Cuenot, socialiste) pour maintenir cette ligne aujourd’hui très utilisée. J’ai eu aussi l’opportunité d’acheter les terrains de la Croix de Pierre à Éta- lans avant de les céder à la communauté de com- munes. Les gens ont dit : “Gruillot est fou.” Aujour- d’hui, la zone est attractive. Pontarlier doit avoir de son côté son contournement, mais je pense que les élus locaux n’ont pas assez de poids.

L.P.P. : Vous avez milité pour le Grand Canal, projet aujour- d’hui abandonné. C’est un échec personnel ? G.G. : Je me suis battu toute ma vie pour le canal. Il ne s’est jamais fait mais il reviendra. C’est une erreur monumentale car E.D.F., via une astuce, était prêt à payer tous les investissements en ven- dant l’électricité. Nous n’aurions rien payé…mais Dominique Voynet est arrivée, ça a capoté. Ce fut un coup politique. Aujourd’hui, il serait terminé. Cela aurait généré de l’implantation industriel- le et moins de camions sur nos routes. L.P.P. : Avoir donné tant pour si peu : c’est une leçon ! G.G. : On ne perd jamais de voix en gardant de cap, même si on se trompe. On perd beaucoup lorsque l’on change son comportement. L.P.P. : Vous avez acheté les bâtiments accueillant l’actuel musée Courbet à Ornans. Que pensez-vous de cette réalisa- tion ? Faut-il mener une action en justice pour récupérer les tableaux ? G.G. : Bien qu’invité, je n’étais pas à l’inauguration pour éviter que ma présence soit interprétée par les uns ou les autres. Lorsque j’étais à la tête du Doubs, j’ai rencontré des difficultés en voulant répertorier ces œuvres. Je ne suis jamais arrivé au bout des conclusions de savoir quelles œuvres avaient été financées. Aujourd’hui, je ne sais pas si le Département est arrivé à tout répertorier. Ceci, dit, cette réalisation est un excellent point pour l’art. L.P.P. : Le chômage, la violence, l’insécurité, les banques qui s’écroulent… Que vous inspire notre génération ? G.G. : “La génération dorée” : c’est la faute à la nôtre, celle qui connut le plein-emploi. Nous nous sommes défoncés et avons nivelé le terrain à nos enfants pour qu’ils ne se tordent pas les chevilles. Nous n’avons pas donné le goût à l’effort. En disant cela, j’ai l’impression de passer pour un vieux rabat-joie (rires). C’est triste de voir des étudiants ne pouvant étudier dignement. J’avais proposé au Sénat une loi où l’État se portait garant pour financer les études. Lionel Jospin m’avait alors opposé un point de la Constitution. Propos recueillis par E.Ch. En bref 1988-2008 : Sénateur du Doubs 1982-1999 : Président du conseil général du Doubs 1979-2004 : Conseiller général du Doubs 1977-2001 : Maire de Vercel-Villedieu-le-Camp

sont mieux placés géographique- ment que les autres. Cela explique leur expansion rapide. Dans notre secteur, seul Pierrefontaine-les- Varans peine à décoller car cet espace est plus éloigné des voies de communication. Avec la Voie des Mercureaux, je pense que le Plateau devrait en bénéficier éco- nomiquement. L.P.P. : Que se passe-t-il avec l’U.M.P. dans le Doubs pour Jean-François Humbert tacle son propre camp (voir La Presse Pontis- salienne de septembre) ? G.G. : Je suis toujours inscrit à l’U.M.P. Sous la houlette de Jean- Marie Binétruy et Michel Vienet, l’U.M.P. fonctionne bien. Pour Jean- François Humbert, que je connais bien, est un peu aigri.

“La ligne de chemin fer Valdahon- Morteau primordiale.”

Crédits photos : La Presse Pontissalienne, Compagnons solidaires contre la maladie, François Perret, Laurent Roch.

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