La Presse Pontissalienne 144 - Octobre 2011

PONTARLIER

13 La Presse Pontissalienne n° 144 - Octobre 2011

moyen de vivre ensemble”

Oui, ces gens ont la nationalité française. Mais ils “jouissent” d’une législation qui leur est propre. Par exemple, ils n’ont pas de carte d’identité mais un carnet ou un livret de circulation qu’ils doi- vent faire viser régu- lièrement par les ser- vices de gendarmerie. Actuellement, ce systè-

ne de caravanes. Ce sont les grandes missions auxquelles on assiste pendant la période estivale. Les aires de grand passage sont faites pour eux. L.P.P. : De quoi vivent les gens du voyage ? P.M. : Ceux qui font de la vannerie ou de l’empaillage de chaises sont désormais à la marge car ces activités nécessitent de beaucoup voyager. Compte tenu des difficultés économiques, ils voyagent moins. Beaucoup se sont tournés vers d’autres métiers de service comme l’élagage, le jardinage, le ramonage ou l’entretien de toitures.À quelques excep- tions près, tous ces gens sont déclarés, et sont installés en auto-entrepreneurs pour exercer légalement leur activité. Ils sont entrés majoritairement dans le droit commun.Nous travaillons actuel- lement avec le Conseil régional sur une formation qualifiante pour les gens du voyage afin qu’ils puissent créer leur micro-entreprise. L.P.P. : Pourquoi dans cette communauté les enfants quittent l’école à la fin du primaire ? P.M. : Le peuple Tzigane a une culture orale. Ces gens sont dans un monde où ils sentent une pression pour les assi- miler et les rendre sédentaires. Cela passe par l’école. Or, quand les enfants vont en classe, ils apprennent une cul- ture écrite qui est la nôtre, et ils sor- tent ainsi de la culture Tzigane. L’enjeu identitaire est là. Ces enfants reçoivent un discours contradictoire. D’un côté leurs parents savent qu’ils doivent apprendre à lire et à écrire, mais a mini- ma pour préserver la culture Tzigane qui se transmet à l’oral. Par ailleurs,

“La communauté est à la croisée des chemins.”

me est remis en cause au niveau natio- nal, car le livret est considéré comme étant discriminatoire. Le problème, et c’est toute l’ambiguïté du propos, c’est que ce livret est aussi le moyen pour les gens du voyage de marquer admi- nistrativement leur appartenance à cet- te communauté. Ces populations ont également le droit de vote. En revanche, pour le faire valoir, une personne doit être déclarée comme résidant dans une commune depuis plus de trois ans. L.P.P. : Ces communautés semblent aussi pro- fondément attachées à la religion. Pouvez-vous l’expliquer ? P.M. : Chez les gens du voyage, la reli- gion est très importante, mais elle génè- re des modes de vie différents. D’un côté, il y a les catholiques qui se dépla- cent par petits groupes de cinq ou dix caravanes et qui participent à de grands rassemblements comme celui des Saintes-Marie-de-la-Mer. Ils s’installent dans les aires d’accueil. Puis il y a les évangélistes protestants, qui se dépla- cent par grands groupes d’une centai-

P.M. : Il y a des délinquants dans ces peuples comme dans les peuples de sédentaires. Lorsqu’un peuple est en difficulté, alors oui il y a plus de délin- quance. Des voyageurs se sentent per- sécutés par le monde actuel, ils n’y voient pas d’espoir, ce qui génère de la vio- lence. Le fait de les regrouper dans des aires d’accueil comparables à de nou- velles Z.U.P. ne facilite pas les choses. Il y a toujours cette crainte du séden- taire vis-à-vis du voyageur, la crainte du “voleur de poules”.Toute la difficulté est d’essayer d’apporter des solutions à ces gens dont on ne connaît pas le mode de vie. On fait fausse route en considérant qu’il y a d’un côté une socié- té bonne et de l’autre des sauvages qui méritent d’être éduqués. Il faut parve- nir à ce que chacun regarde chez l’autre ce qu’il y a de bien et l’accepte. Le but est de trouver le moyen de vivre ensemble. Propos recueillis par T.C.

chez les gens du voyage, jusqu’alors il n’y avait pas d’adolescence. On passait de l’enfance à l’âge adulte auquel il faut gagner sa vie. Cette conception des choses qui est en train de changer ne laissait pas de place au collège. L.P.P. : Où en est-on dans le processus de sco- larisation de ces enfants en Franche-Comté sachant que différents dispositifs existent com- me des camions-écoles qui sillonnent les dépar- tements ? P.M. : En Haute-Saône, en six ans, nous sommes passés de 20 % des enfants des gens du voyage scolarisés, à 100 % ! Il y a désormais quelques scolarisation en collège et un début en lycée. Nous essayons de faire le même travail dans le Doubs et dans le Jura. Depuis deux ans, un camion-école se déplace sur ces deux départements pour prendre en charge ces enfants.

munauté dans dix ans ? P.M. : La communauté des gens du voya- ge est à la croisée des chemins. Jamais elle n’a été confrontée à un risque aus- si fort de disparition. Dans dix ans, la culture Tzigane ne sera pas la même. Elle ne doit pas nager à contre-courant, mais dans le courant tout en essayant de rejoindre la berge. Cette commu- nauté peut s’adapter au contexte actuel, comme elle a eu à le faire par le passé. Les gens du voyage ont été contraints parfois de se sédentariser à travers les siècles, comme ils le font aujourd’hui. Mais cela ne veut pas dire que dans quelques années ils ne reprendront pas la route. L.P.P. : Les gens du voyage sont rarement les bienvenus dans les communes. La cohabita- tion est difficile avec les autochtones qui les assimilent parfois à des délinquants. De quels outils disposez-vous pour créer des espaces de dialogue ?

L.P.P. : Quel visage aura selon vous cette com-

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