La Presse Pontissalienne 143 - Septembre 2011

L’ÉVÉNEMENT

La Presse Pontissalienne n° 143 - Septembre 2011

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QUAND LE FRANC SUISSE VAUT DE L’OR Au cours de l’été, la valeur du franc suisse a bondi de telle sorte que, pour la première fois dans l’histoire de la monnaie helvétique, elle a atteint, voire dépassé durant quelques heures, la valeur de l’euro. Si bien que pour 1 F.S., on obtenait quasiment 1 euro. Même si depuis la fin de l’été la valeur du franc suisse s’est tassée, cette situation exceptionnelle n’est pas sans conséquences. D’abord sur le pouvoir d’achat des travailleurs frontaliers qui voient gongler leur salaire par le simple jeu des monnaies. Mais cette situation n’est pas forcément réjouissante pour un marché du travail qui se trouve de plus en plus déséquilibré de part et d’autre de la frontière. Le renchérissement du franc suisse a aussi pour conséqunce de dynamiser le commerce du Haut-Doubs qui voit affluer encore plus de clients suisses. Le revers de la médaille pour l’économie suisse, c’est le risque de voir ralentir son économie basée sur l’export et ses magasins se vider. La Presse Pontissalienne se penche sur les enjeux et les conséquences de cette situation exceptionnelle. Dès les années soixante Les pionniers du travail frontalier Les motivations des premiers travailleurs frontaliers n’étaient pas financières mais guidées avant tout par la possibilité d’exercer son métier tout en restant dans le Haut-Doubs.

La Suisse proche du plein-emploi GRAND ANGLE L’exemple du canton de Neuchâtel

N os voisins suisses n’en finis- sent pas de nous surprendre. Leur dette publique avoisi- ne 39 % du P.I.B., alors qu’elle atteint 85 % en Fran- ce, 120 % en Italie et 144 % en Grèce. L’économie helvétique est solide. Pour l’instant, les inquiétudes de voir les exportations s’effondrer compte tenu de la situation du franc suisse qui s’apprécie face à l’euro et au dollar, ne se vérifient pas. “L’économie suisse croît de 2,8 % cette année. Cette évo- lution résulte notamment d’une haus- se des exportations de 5,4 %” observe le Centre de recherche conjoncturel K.O.F., dans son bulletin d’analyse du mois d’août. Selon l’économiste Jean-Pierre Ghel- fi, “la résistance des exportations à la hausse du franc tient au fait que les ventes de produits suisses à l’étranger ne sont pas influencées prioritairement par le niveau de leur prix. Mais il y a des limites qui sont probablement déjà franchies. La B.N.S. (Banque Natio- Le franc suisse est fort et pourtant le rythme des exportations suisses ne s’essouffle pas. Tourné vers l’industrie horlogère, le canton de Neuchâtel tire son épingle du jeu.

Évolution du taux de chômage Juillet 2011 juillet 2010 Canton de Neuchâtel 4,5% 6,1% Arc jurassien 3,9 % 5,5 % Suisse 2,8 % 3,6 %

à 1 milliard de francs de chiffre d’affaires à la fin de l’année.” Mais dans l’immédiat, la situation “est au beau fixe” observe Gérard Geiser du service statistique du canton de Neuchâtel. Ni l’horlogerie, ni l’industrie chimique et pharmaceutique, deux piliers de l’économie neuchâteloise tournée principalement vers l’export ne semblent souffrir du franc fort. “Quand la conjoncture est bonne en Suisse, elle est encore meilleure dans le canton, et inversement. Cela est lié au poids du secteur industriel. On s’attendait à un frein sur les exporta- tions et on ne le constate pas encore” poursuit Gérard Geiser. “L’horlogerie fait preuve d’un grand optimisme” poursuit encore l’économiste Jean- Pierre Ghelfi. La Suisse paraît avoir digéré la crise. Le pays renoue avec le plein-emploi. Son taux de chômage national est sta- bilisé à 2,8 %, soit un point de moins comparé à juillet 2010. Dans les entre- prises, cela se traduit par un besoin de main-d’œuvre et en particulier de la main-d’œuvre frontalière.Au 1 er tri- mestre 2011, 8 647 frontaliers tra- vaillaient dans le canton de Neuchâ- tel, soit une progression trimestrielle de 5,2 %. Sur un an, le nombre de fron- taliers augmente de 10 % ! Beaucoup de Français tentent leur chance en Suisse, y compris des Bisontins. Ils sont doublement motivés par la pers- pective de trouver un emploi et un salaire attrayant. Si la Suisse redoute la situation de sa monnaie, les frontaliers eux s’en réjouis- sent. Ils sont les premiers à bénéfi- cier de l’appréciation du franc suisse par rapport à l’euro, les deux mon- naies ayant presque atteint la parité au milieu de l’été. Le taux de change leur est profitable. Le salaire de base de 4 000 francs suisses correspond aujourd’hui à 3 500 euros ! T.C.

nale Suisse) a fait savoir le 3 août que le franc était devenu “extrêmement sur- évalué” au point de menacer l’économie.” Le K.O.F. prévoit d’ailleurs que la for- ce de la monnaie helvétique qui est devenue une valeur-refuge avec l’or, ne finisse par gripper la mécanique du commerce extérieur. “La croissan- ce des exportations devrait ainsi s’abaisser à 3,5 % en 2012.” La B.N.S. cherche des solutions pour stabiliser la monnaie nationale afin de limiter

la portée sur l’économie de cette évolution monétaire néfaste à court terme. Selon l’industriel Nick Hayek, le patron du groupe Swatch, “une intervention de poli- tique monétaire est nécessaire et urgente.” Il redoute que le franc fort fasse perdre à l’entreprise “de 800 millions d’euros

“L’horlogerie fait preuve d’un grand optimisme.”

L’ origine du travail frontalier remonte aux années soixan- te. L’industrie suisse offrait déjà des postes techniques qui n’existaient pas forcément côté Haut-Doubs. L’attrait de l’emploi avant même la question du salaire. “À l’époque, on frôlait presque la pari- té entre les deux monnaies, mais c’était à l’époque du franc français…” , se sou-

se. Les salaires proposés étaient sen- siblement identiques, autour de 900 F.F. L’attachement au pays a été déci- sif. Peu attiré par le Pays de Montbé- liard ou la capitale franc-comtoise, Alain Marguet a finalement opté pour la Suis- se voisine. “C’était le poste le moins intéressant sur le plan financier si l’on prenait en compte les frais de dépla- cement.” Les pionniers étaient donc animés de nobles motivations. Bien leur en pris car le taux de change leur a ensuite été beaucoup plus favorable. Le sta- tut du frontalier laissait encore à dési- rer. Tout était à faire en matière de pro- tection sociale. C’est d’ailleurs ce qui a précipité la création des groupements et amicales de frontaliers pour défendre leur droit du travail. La Suisse a donc freiné à sa manière l’exode rural dans le Haut-Doubs.

vient Alain Marguet qui a effectué toute sa carrière en Suisse. Avec son diplôme de dessinateur industriel, le président de l’Amicale des Fronta- liers avait trouvé trois places : au bureau technique à Peugeot, à l’Université de Besançon et en Suis-

La parité entre les deux monnaies.

Si la Suisse redoute la situation de sa monnaie, les frontaliers eux s’en réjouissent.

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