La Presse Pontissalienne 143 - Septembre 2011
DOSSIER
La Presse Pontissalienne n° 143 - Septembre 2011
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PONTARLIER Le stade Robert Tempesta Pontarlier, le deuxième berceau des Tempesta En 1930, il s’en est fallu de peu pour que Romualdo Tempesta ne vienne jamais s’installer à Pontarlier. Son fils, Romain, ou Romano pour l’état civil, a pu constater l’évolution des mentalités depuis l’entre-deux-guerres jusqu’à nos jours.
“C es papiers ne vous don- nent pas le droit de tra- vailler en France” avait noté Romualdo Tempesta sur l’un de ses carnets. Cela ne l’a pas empêché, en 1930, de des- cendre àLyon,du train qui devait l’emmener vers la Belgique. Depuis la capitale des Gaules, il est parti rejoindre ses frères et ses neveux déjà installés à Pon- tarlier, pour y trouver un emploi. L’année suivante, il fait venir sa femme, Mathilde et leur fils, Orlando, au 26 rue des Lavaux. “Dans cette rue, on parlait plus italien que français” se souvient Romain. Bien qu’il soit né en 1935 àCastello di Cavallino,petit village des Marches, le Pontis- salien n’y est pas retourné avant
Le boulevard des Italiens rue des Lavaux.
la fin de la guerre. “Pendant le fascisme,mon père était marqué à l’encre rouge” dit-il en faisant allusion à l’engagement socia- liste et antifasciste de Romual- do. Pendant les années difficiles de la guerre,Romain, encore enfant, jouait avec les autres jeunes du quartier, presque tous des fils de migrants transalpins. Des coups étaient échangés dans la cour de récréation, mais comme le font tous les enfants. “Un enfant d’im- migré russeme disait “salemaca- roni”, moi je lui répondais “sale russe” se souvient-il égayé. À la fin de la guerre, la petite famil- le a déménagé dans la rueDemes- may. Celui qu’on surnommeNano retournait alors sur le “boule- vard des Italiens” de la rue des Lavaux pour jouer avec ses amis. Dans la communauté italienne, Romain se souvient que sa famil- le a toujours été appréciée. Le niveau d’instruction de son père a sûrement joué un rôle dans cette intégration. Romuald rédi- geait les lettres pour les immi- grés transalpins. Avec ses deux frères, il organisait des concerts. Les garçons de la famille jouaient même dans l’équipe italienne de football de l’Entente Ouvrière Pontissalienne. “J’étais très heu- reux d’avoir gagné une coupe, en réalité il ne s’agissait que d’un coquetier peint” se rappelleRoma- no. Quant aux contacts avec le monde du travail, “Nano” esti- me que son père a moins souf-
Romain Tempesta et les carnets de son père.
fert que sa femme. En effet, en tant quemaçon,Romuald côtoyait unmilieu où les Italiens étaient reconnus. Alors qu’à l’usine, Mathilde était plus isolée. Une génération après, l’inté- grationn’était toujours pas acqui- se. “Oh là, mon père ne voulait pas que ses filles épousent un Ita- lien. Mais après, il l’aimait com- me son fils” explique Ginette, la femme de Romain. Son mari a donc devancé l’appel pour pou- voir faire son service militaire à 18 ans. En partant à 18 ans en Tunisie puis en Algérie, il pou- vait servir avec ses camarades de classe. Mais surtout, il pou- vait adopter la nationalité fran- çaise au plus vite pour semarier. Bien qu’en cas de chômage, la faute était rejetée sur la main- d’œuvre italienne, la famille était bien considérée. L’activité du frère de Romain, Roland, directeur de lamusique à Pontarlier, Jougne ou Vallor- be n’est pas étrangère à cette
considération. De même, les ser- vices de leur cousin Robert dans le club d’athlétisme étaient appré- ciés. Le stade porte d’ailleurs son nom. Cette impression a contri- bué à faire de la France le pays de cœur desTempesta.Même s’il n’a jamais pu avoir la nationa- lité, “un jour qu’il était malade en Italie, mon père a dit : rame- nez-moi, je veuxmourir chezmoi, en France” explique le Pontis- salien. “Tous les immigrés de sa génération sont enterrés à Pon- tarlier” continue-t-il. D’ailleurs, plus que l’Italie, la famille est attachée à son berceau de Caval- lin où elle fait le voyage chaque année depuis 1946. Presqu’un siècle après l’arrivée de Romuald et de ses deux frères, les Tempesta sont bien implan- tés à Pontarlier. Tellement bien que, comme le souligne Romain, “lorsqu’on dit Tempesta de Pon- tarlier, on vous répond :Oui,mais lequel ?” … T.M.
Romualdo Tempesta (le troisième en partant de la droite) sur un chantier dans les années 1950 à Pontarlier, à l'emplacement de l'actuel château d'eau. À
gauche, son frère Emilio.
LABERGEMENT-STE-MARIE Deux fonderies Obertino Les origines italiennes résonnent toujours chez les Obertino
Étonnante saga que celle de la famille Obertino : ces chaudronniers itinérants originaires des Alpes italiennes ont migré sur les routes avant de s’installer définitivement dans le Haut-Doubs.
“T ous ceux qui ont com- mencé à partir étaient ceux qui avaient faim chez eux” note avec justesse Syl- viane Obertino. L’histoire d’une émigration débute souvent ain- si. La famille Obertino n’a pas échappé à cette règle immuable qui a toujours poussé à partir ceux qui ne pouvaient pas vivre dignement chez eux. La famille Obertino était ins- tallée dans la vallée alpine de l’Orco (Piémont italien), riche en cuivre. On vivait chichement de maigres récoltes et c’est le travail des métaux qui faisait le reste dans ces rudes paysages. Comme d’autres familles de l’Or- co, les ancêtres Obertino ont commencé à partir sur les routes en tant que chaudronniers, fran- chissant le Saint-Bernard chaque été et parcourant les villes à la manière des colporteurs. “Dans
Le premier “pied-à-terre” fixe des Obertino en France a été Labergement-Sainte-Marie où la fonderie existe toujours évi- demment. C’est là que la famil- le Obertino installe son atelier dans l’ancienne fromagerie du village. Après la guerre de 14- 18, des petits-cousins des Ober- tino de Labergement, également originaires de la vallée alpine, reprennent une ancienne fon- derie à Morteau. Étonnante histoire que celle de la famille Obertino dont les des- cendants ont réussi à faire per- durer, à une cinquantaine de kilomètres d’intervalle, deux des dernières fonderies artisanales de cloches en France. Cloches qu’elles exportent également, paradoxe de l’Histoire, dans leurs terres italiennes d’origi- ne. J.-F.H.
la vallée de l’Orco, on travaille le cuivre depuis des millénaires : où on était fondeur de cloches, où on était chaudonnier ou enco- re étameur. Notre famille a com- mencé à parcourir les routes dès la fin du XVIII ème siècle et s’est installée d’abord dans le Valais dès 1830. En France, ils sont
arrivés vers 1900. Ils étaient saisonniers, fon- daient les cloches sur les places des vil- lages et repar- taient l’hiver dans leur val- lée italienne” rappelle Syl- viane Obertino, descendante de cette famille de fondeurs de cloches.
D’abord dans le Valais dès 1830.
Première installation définitive de la famille Obertino en France, à Labergement-Sainte-Marie au début du XX ème siècle.
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