La Presse Pontissalienne 143 - Septembre 2011

DOSSIER

La Presse Pontissalienne n° 143 - Septembre 2011

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LA SAGA DES ITALIENS DU HAUT-DOUBS

L’histoire du Haut-Doubs s’est aussi forgée avec l’apport de populations étrangères qui sont venues s’installer au fil des décennies passées. Parmi ces communautés, il y a les Italiens. Poussées de leur pays par la pauvreté dès le XIX ème siècle, des familles entières sont venues s’établir dans le Haut-Doubs pour y travailler. Du Plateau de Maîche au Val de Mouthe, en passant par le secteur de Pontarlier, ces Italiens se sont parfaitement intégrés, totalement fondus aujourd’hui dans la population locale. À tel point qu’ils ont su faire fructifier leur savoir-faire en fondant de nombreuses entreprises toujours florissantes aujourd’hui, souvent dans le secteur du bâtiment. L’histoire des Italiens du Haut-Doubs, c’est le dossier de la rentrée, pittoresque et émouvant. À l’heure où s’ouvre une édition de la Haute Foire à Pontarlier dont l’invité d’honneur est… l’Italie.

IMMIGRATION La recherche d’emploi D’un côté des Alpes à l’autre Les Italiens ont contribué à la construction du

ses ressortissants, ceux-ci se tournaient vers la France où les conditions de vie sont restées meilleures jusqu’aux années 1960. Avant 1914, les Trans- alpins venaient presque tous du Nord- Ouest de la Botte, de la Lombardie et du Piémont. Durant l’entre-deux- guerres, les régions deVénétie, duTren- tin et du Frioul dans le Nord-Est et de l’Émilie-Romagne et des Marches, plus vers le centre, fournissaient nombre de migrants à la France. Et après 1945, les régions du Sud de la Péninsule ont, à leur tour, vu leurs ressortissants par- tir vers l’Hexagone. Les migrants se fixaient alors sur l’ensemble du terri- toire français. Depuis les années 1970, le courant migratoire est très faible.

Cependant, on enre- gistre toujours quelques arrivées en France. Il s’agit sur- tout de travailleurs très qualifiés ou d’étudiants et de cher- cheurs. Après toutes ces années de migra- tions, les Italiens sont devenus l’un des groupes étrangers les plus importants du pays. Dès 1901, ils obtiennent la pre- mière place de ce clas- sement où ils devan- cent les Belges. Place qu’ils perdent en 1962 lors du déclin de la migration transalpi- ne vers l’Hexagone.

sentent entre quatre et six millions de citoyens français, soit de 6,5 à 10 % de la population” explique Frédéric Spa- gnoli, maître de conférences d’italien à l’Université de Franche-Comté. Les Italiens, au XIX ème siècle et au début du XX ème siècle, ont migré en majorité à l’Est d’une ligne Le Havre-Mont- pellier. Ils se trouvaient essentielle- ment dans le Sud-Est voisin, surtout à Marseille et sa région. La Lorraine, grand centre industriel, attirait éga- lement les immigrés transalpins. “Cela s’explique par le fait que les immigrés choisissaient de prendre la route pour des raisons économiques” précise le maître de conférences.Alors que l’Italie ne pouvait donner un emploi à tous

territoire français en arrivant par vagues successives. Pas toujours bien accueillis, ils font désormais partie intégrante de la population française.

B ien sûr, les Romains, puis plus tard les artistes de la renais- sance comme Léonard de Vin- ci ont, entre autres, traversé les Alpes pour s’installer en France. Cependant, l’immigration italienne de masse a débuté à la fin du XIX ème siècle. Puis, à l’heure où d’autres pays ont fermé leurs portes, le mouvement s’est accéléré. En effet, dans l’entre-deux-

guerres, la crise économique et les nationalismes ont empêché l’arrivée de transalpins en Allemagne ou dans les Amériques. Ceux-ci ont alors pri- vilégié la France comme destination. Ce mouvement s’est prolongé dans les années d’après guerre puis s’est consi- dérablement réduit avec la fin des années 1960. “Aujourd’hui, on estime que les descendants d’Italiens repré-

6,5 à 10 % de la population française.

L’arrivée des Transalpins était dictée par la recherche d’emploi. Souvent, les immigrés venus de la Botte étaient employés dans les métiers du bâti- ment. Ils ont joué un grand rôle dans la reconstruction du pays, notamment durant lesTrente Glorieuses. Les autres travaillaient essentiellement dans l’industrie, le secteur du bois ou com- me artisans. Bien que leur rôle éco- nomique ait été essentiel pour la Fran- ce, les immigrés transalpins ont souvent été pris comme boucs émissaires par la population locale. L’épisode tragique d’Aigues-Mortes révèle le climat qui régnait alors “en août 1893, les Ita- liens ont été la cible du plus grandmas- sacre d’immigrés de l’Histoire de Fran- ce, à Aigues-Mortes” explique l’universitaire. Selon les chiffres offi- ciels, huit ouvriers transalpins ont été tués par leurs homologues français et une cinquantaine d’autres ont été bles- sés. Les journaux italiens de l’époque estiment que ce sont près de 150Trans- alpins qui ont trouvé la mort. Par la suite, les migrants italiens ont enco- re été inquiétés, notamment lors des crises et guerres pendant lesquelles les deux pays ont connu des tensions diplomatiques. De quoi faire réfléchir à une époque où l’Italie est devenue une terre d’immigration.

Une famille italienne dans les années cinquante dans notre région.

T.M.

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