La Presse Pontissalienne 140 - Juin 2011

LE PORTRAIT

La Presse Pontissalienne n° 140 - Juin 2011

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MONTBENOÎT

Fromager au Fort Saint-Antoine

Il fait chanter les saveurs du comté

Chef de cave au Fort Saint-Antoine, Claude Querry s’est beaucoup investi et s’investit encore dans la valorisation gustative du comté et les visites touristiques du fort. Un précurseur. O n ne s’étonne plus trop aujourd’hui de déguster un comté comme on savoure un bon cru vinicole.Mais cette démarche était loin d’être aussi élaborée au pays du comté où l’on s’est longtemps contenté de commentaires lapidaires du genre “il est bon” ou “il pique” pour qualifier telle ou telle meu- le. Depuis, le concept de la “malbouffe” a fait son chemin dans les esprits, réveillant chez certains l’envie de retrouver des saveurs authen- tiques dans les assiettes. Claude Querry ne pensait probablement pas qu’il allait devenir l’un des plus fervents défen- seurs de cette révolution sensorielle. Seule cer- titude chez ce fils d’agriculteur du Haut-Doubs : la volonté de travailler au contact de la terre, soit comme paysan ou alors comme conseiller. Après un B.T.S. analyse et conduite de systè- me d’exploitation (A.C.S.E.), il intègre en 1986 la maison Petite au poste de saleur. Cette entrée par la petite porte ne le dérange pas du tout.

Quand il ne travaille pas

au fort, Claude Querry

s’occupe des comtés qu’il commerciali- se dans l’épicerie qu’il a reprise avec son épouse en 2001 à Montbenoît.

François Petite ne tarde pas l’apprécier pour son dyna- misme et son tempérament un rien chambreur. “J’ai pris quelques initiatives quand l’entreprise a quitté Doubs pour s’installer aux Granges- Narboz en 1988” raconte aujourd’hui Claude Querry. Sans le savoir, il décroche ain- si sa mutation au Fort Saint- Antoine où il manquait jus- tement un responsable de site. “Je ne remercierai jamais assez Claude Parent qui fut en son temps le bras droit de Marcel Petite pour le rôle qu’il a joué

Un perfectionniste dans l’âme.

dans ce changement de poste” , note le caviste qui se voit confier les commandes du fort au bout d’un an. Cet amoureux des vieilles pierres se sent comme un poisson dans l’eau à l’intérieur de l’ouvrage militaire. Ses débuts dans l’affinage coïncident égale- ment avec la robotisation des soins prodigués aux meules de comté. Cette révolution va trans- former assez radicalement les conditions de travail au fort où intervient actuellement une

vingtaine de salariés. Ce souffle de modernité n’interfère pas avec les valeurs d’une filière toujours très attachée à son terroir, son systè- me coopératif, son lait cru, ses vaches mont- béliardes… Claude Querry apprécie ce mariage heureux et équilibré entre tradition et modernité. Il par- tage également avec François Petite le souci d’affiner, c’est bien le mot, la manière d’exprimer les saveurs du comté. Un journaliste local le

qualifie un jour de “caséologue” par similitude avec “l’œnologue”. “On cherche à s’inspirer de ce qui vient du vin dans l’approche sensoriel- le, le vocabulaire. Ce n’était pas forcément bien vu au début car le vin entre dans la catégorie des produits nobles alors que le fromage était plutôt considéré comme l’aliment du pauvre” , poursuit celui dont les deux fils ont choisi de se former au métier de fromager. Là-haut, dans son palais du comté, le caséo- logue a la chance de côtoyer d’illustres épiciers parisiens ou des journalistes travaillant pour les plus grands guides gastronomiques. “On progresse forcément au contact de ces gens-là qui nous ouvrent aussi les yeux sur la richesse que représente l’authenticité d’une filière com- me le comté.” Claude Querry et son équipe de trieurs s’améliorent sans cesse dans la maî- trise de l’affinage. Ils sont enmesure par exemple de sélectionner un type de fromage en fonction du goût des consommateurs auxquels il est des- tiné. Vue l’exigence de certains, ils n’ont guè- re le droit à l’erreur. Assez paradoxalement, c’est au pays du “McDo” qu’on trouve les guides gastronomiques les plus pointus. “Le comté est parti à la conquête du marché américain en deux vagues. Au départ, il s’agissait avant tout de proposer un comté banalisé. Puis la tendance s’est inversée et les commerçants américains qui travaillent avec nous figurent parmi les plus fanatiques dans la défense des caracté- ristiques organoleptiques du comté.” Claude Querry a largement contribué à l’ouverture touristique du Fort Saint-Antoine. C’est même lui qui l’a instaurée, chose qui n’était pas évidente dans des sociétés d’affinage qui tiennent beaucoup à leurs secrets de fabri- cation. Perfectionniste dans l’âme, il est allé très loin dans la recherche d’un concept de visi- te qui soit complet, moderne et attractif. “On a toujours tenu à privilégier le volet humain en proposant aux touristes un moment d’échange avec l’un des cinq trieurs du fort. Avec les 35 heures, c’est loin d’être aussi évident que cela à mettre en place.” Sous sa houlette, la capacité de stockage du fort est passée de 25 000 à bientôt 100 000 meules quand les travaux d’extension actuel- lement en cours s'achèveront dans quelques mois. F.C.

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