La Presse Pontissalienne 133 - Novembre 2010

VALDAHON - VERCEL 32

La Presse Pontissalienne n° 133 - Novembre 2010

AVOUDREY

Jean-Pierre Tolo, directeur général de S.I.S. “Nos clients veulent du Made in France” En dix ans, grâce à son savoir-faire dans la maroquinerie, l’entreprise S.I.S. d’Avoudrey est devenue un sous-traitant majeur des grandes maisons de luxe fran- çaises et des manufactures suisses d’horlogerie. Ses perspectives de croissance pour les trois prochaines années sont exceptionnelles. Elle s’apprête à embaucher 100 personnes par an et devrait intégrer de nouveaux locaux à Valdahon.

Jean-Pierre Tolo (au centre), direc- teur général de S.I.S., en compa- gnie de Christian Parrenin, P.D.G. et de Claude Jeanne- rot, président du Conseil général. C’est à vélo que les collaborateurs de S.I.S se déplacent d’un site à l’autre à Avoudrey.

L a Presse Pontissalienne : De l’extérieur, l’entreprise S.I.S. donne l’impression de se développer sans subir la crise. Est- ce le cas ? Jean-Pierre Tolo : 2009 a été une année difficile. Nous avons en effet enregis- tré une progression de notre chiffre d’affaires de l’ordre de 3 %, comme en 2008.Mais, contrairement à 2008, nous avons beaucoup investi dans la struc- ture. Les sites de production ont été réaménagés, nous avons construit une plateforme logistique de 2,4 millions d’euros. Ces investissements ont pesé sur le résultat d’exploitation.Pour toutes ces raisons, 2009 a été une année ten- due, mais nous avons tenu à aller au bout de notre stratégie d’investissement, convaincus que c’était lemeilleurmoyen de préparer la sortie de crise. L.P.P. : Cette stratégie s’est-elle avérée payan- te au regard du bilan de l’année 2010 ? J.-P.T. : Oui. Le chiffre d’affaires de S.I.S. progresse de 45 %. Il est de 25 millions d’euros. Nous avons embauché 98 per- sonnes les douze derniers mois, ce qui porte à 350 le nombre de salariés de la société, et nous avons acheté cent machines à coudre. L’investissement se poursuit cette annéemais dans du déve- loppement cette fois. Nous avons eu l’opportunité de prendre des parts de marché tant dans la maroquinerie que dans l’horlogerie. 2010 est une année exceptionnelle, cela ne signifie pas que 2011 aura le même profil. L.P.P. : Quelles sont les perspectives pour les trois prochaines années ? J.-P.T. : : Il est prévu que l’on double l’activité sur les trois prochaines années et que l’on crée une centaine d’emplois par an. Nous sommes entrés dans une ère d’entreprise industrielle. L.P.P. : Ces perspectives sont exceptionnelles. Mais comment vous préparez-vous à absorber cette croissance sachant que vous êtes déjà à l’étroit dans vos locaux actuels ? N’êtes-vous pas non plus confronté à un manque de main- d’œuvre qualifiée ? J.-P.T. : De toute évidence, il nous faut des locaux. C’est pour cette raison que nous sommes en train d’acquérir un ancien bâtiment industriel àValdahon pour y installer une partie de la pro- duction. Ce futur site a une situation géographique centrale qui va nous per- mettre d’organiser les transports en commun pour faire venir de la main- d’œuvre de Besançon, ce que nous

celle de Madagascar. Nous fabriquons là-bas des composants pour des pro- duits fabriqués à Avoudrey, ainsi que des produits finis pour des clients qui veulent un prix et de la qualité mais n’exigent pas le Made in France. L.P.P. : “S.I.S., maroquinier responsable et durable”,c’est pour honorer ce slogan que vous avez acquis des vélos pour vous déplacer à Avoudrey ? J.-P.T. : En effet, nous avons acheté une dizaine de vélos qui nous permettent en journée de nous déplacer entre les cinq sites S.I.S.àAvoudrey.L’organisation future des transports en commun pour les salariés de l’entreprise s’inscrit aus- si dans cette démarche durable.Un plan d’actions a également été mis en place pour améliorer le bien-être des salariés dans l’entreprise. On cherche par exemple à diminuer les troubles mus- culo-squelettiques en travaillant sur l’ergonomie des postes. Un ingénieur chimiste a rejoint l’équipe avec lequel nous travaillons à l’éradication des colles solvantées. Des expérimentations sont menées sur des colles à l’eau. Nous allons jusqu’àmettre des plantes vertes aux pouvoirs régénérateurs dans les ateliers. J’ai fait venir un sophrologue qui initie les opérateurs à la détente musculaire pour qu’ils apprennent à évacuer les tensions.Plein d’idéesmûris- sent également pour améliorer les éco- nomies d’énergie dans l’entreprise par des petits gestes simples. Elles sont imaginées dans le cadre d’une com- mission à laquelle les salariés partici- pent. Elle réfléchit à toutes les actions à mener pour améliorer le quotidien. Propos recueillis par T.C.

J.-P.T. : Par rapport à l’organisation du travail, nous cherchons des gens poly- valents et polycompétents qui sachent coudre par exemple et effectuer dumon- tage. Nous devons être capables de satis- faire la demande d’un client sans ces- se à la recherche de nouveautés qui induisent de plus en plus de complexi- té dans la fabrication des produits. Si demain nous devons exister en Fran- ce, c’est parce que nous serons enmesu- re d’apporter une véritable plus-value à nos clients du luxe. L.P.P. : Quel impact a sur l’organisation de l’entreprise et le management l’évolution rapi- de et importante des effectifs ? Si S.I.S. a un défi à relever,n’est-ce pas celui du personnel ? J.-P.T. : Réussir une telle progression nécessite beaucoup de réflexion, d’anticipation, d’imagination. Pour accompagner cette croissance et éviter les erreurs, nous avons décidé de nous entourer de compétences et d’intelligences extérieures à l’entreprise. Nous avons un consultant qui inter- vient dans la société pour nous aider à voir plus loin alors que nous sommes pris dans le rythme quotidien de la ges- tion de S.I.S. Dans un contexte où il faut adapter l’organisation en perma- nence, tous les cadres sont formés au management.Nous avons deux coaches qui les accompagnent. Les résultats sont assez exceptionnels. L.P.P. :On ne conduit plus aujourd’hui une entre- prise de cette taille comme il y a quinze ans. Qu’est-ce qui a changé ? J.-P.T. : Ce qui a changé,c’est que l’individu est au centre du projet. Il n’y a plus une tête qui pense et qui agit,mais des indi- vidus qui alimentent un projet par leurs compétences. Le but est que tout lemon- de se sente bien dans l’entreprise. Le fait d’accompagner des gens par le coa- ching par exemple leur permet de sur- monter leurs difficultés. C’est unmoyen de tirer tout le monde vers le haut. L.P.P. : On pourrait imaginer que pour des rai- sons de coût de production,ces produits manu- facturés soient fabriqués dans un pays à bas coût. Ce n’est pas le cas, pourquoi ? J.-P.T. : C’est une question d’image et de qualité. Nos clients veulent du Made in France. La maroquinerie et la selle- rie française sont mondialement recon- nues et en particulier en Asie. L.P.P. : Est-ce le retour de la maroquinerie en France ?

J.-P.T. : Lamaroquinerie émerge en Fran- ce, c’est une évidence. Nous ne sommes pas la seule société positionnée sur ce créneau d’activité. Plusieurs entreprises se développent à des rythmes différents. Il y a des opportunités réelles aujour- d’hui de prendre des parts de marché. Nous agissons en ce sens. L.P.P. : Dans le luxe, comment se comportent les donneurs d’ordres avec leurs sous-trai- tants ? J.-P.T. : Nos donneurs d’ordres nous demandent de grossir. Ils nous aident à nous organiser. Le travail se fait en partenariat. Nous sommes dans une démarche gagnant-gagnant. L.P.P. : Il y a deux ans, la maroquinerie pesait 40 % du chiffre d’affaires de S.I.S, la fabrica- tion de bracelets de montres 40 % et la bijou- terie 20 %. Les ratios sont-ils toujours ceux- là ? J.-P.T. : Lamaroquinerie représente 60% du chiffre d’affaires, l’horlogerie 30 % et 10 % la bijouterie. Les proportions changent mais nous avons toujours la volonté d’exister dans l’horlogerie qui est le premier métier de l’entreprise. Il y a des opportunités sur ce marché du luxe. Fabriquer un bracelet de montre relève désormais de la haute technolo- gie. Beaucoup de composants entrent en ligne de compte, les outils sont très précis, il reste des savoir-faire à déve- lopper. Notre chiffre d’affaires dans le secteur du bracelet a triplé en 2010. L.P.P. : Quid des deux autres sites de produc- tion en Chine et à Madagascar ? J.-P.T. : Notre unité de production enChi- ne emploie 300 personnes autant que

n’avons jamais pu faire à Avoudrey. Nous espé- rons recevoir l’aide des collectivités dans ce pro- jet d’acquisition et enpar- ticulier du Conseil géné- ral. Nous avons d’ailleurs accueilli son président Claude Jeannerot. Pour ce qui est du recru- tement, un plan se met en place en partenariat avec Pôle Emploi et le Conseil régional. Il faut sélectionner, former et embaucher des candidats à l’emploi.Nous sommes en recrutement perma- nent.

“Le chiffre d’affaires de S.I.S. progresse de 45 %.”

L.P.P. : N’avez-vous pas intérêt à créer votre propre organe de formation ? J.-P.T. : Tout d’abord il existe l’école Bou- dard à Montbéliard qui enseigne les métiers de la maroquinerie et avec laquelle nous coopérons. Il n’empêche que nous avons monté notre propre ate- lier de formation. Nous voudrions que cet outil devienne un sas de formation dans lequel il faudrait que tout nou- veau salarié vienne acquérir un savoir- faire durant huit à dix semaines avant d’intégrer une des unités de production de S.I.S. Grâce à cette structure, nous pourrions transmettre aux nouveaux collaborateurs la culture de l’entreprise. Il est même possible d’imaginer que cette formation soit qualifiante et qu’elle profite aux salariés. Elle serait un label. Le cas échéant, nous n’oublierons pas les anciens collaborateurs de S.I.S. qui pourront eux aussi prétendre à cette formation qualifiante sanctionnée par un diplôme. L.P.P. : Un système de formation interne desti- né à rendre opérationnels les futurs collabo- rateurs a un coût. Lequel ? J.-P.T. : Nous avons chiffré à 1,5 million d’euros le coût d’un organe de forma- tion. C’est très important. C’est la rai- son pour laquelle, sur ce volet spéci- fique, nous espérons obtenir l’aide des collectivités locales et en particulier du Conseil régional. Nous avons déjà reçu Marie-GuiteDufay,présidente de Région pour en parler. Aujourd’hui, par rap- port à nos projets de développement, les collectivités jouent le jeu.C’est appré- ciable.

La maroquinerie reviendrait en force en France selon le directeur général de S.I.S.

L.P.P. : Quels types de profils recrutez-vous ?

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