La Presse Pontissalienne 132 - Octobre 2010

20 DOSSIER I

La Presse Pontissalienne n° 132 - Octobre 2010

QUOTAS Un jeune agriculteur face à une bizarrerie administrative Agriculteur français, terres en Suisse Agriculteur à Montlebon,

Q uand Denis Billod trait ses 25 vaches dans son étable du Petit-Gardot, il est en France. Une fois qu’il lâche ses bêtes, elles arrivent en Suisse en quelques secondes à peine. C’est l’originalité de sa ferme située au sommet de Montlebon : un lieu trans- pirant l’histoire située à moins de dix mètres de la frontière où des destins se sont noués lors de la seconde guerre mondiale. Depuis la cuisine, on aperçoit d’ailleurs la borne délimitant les deux pays. Assez magique. Un particularisme qui fait de lui un exploitant pas comme les autres : Denis est un en effet un des rares, sinon le seul agriculteur du Doubs, à la France ne veut pas les reconnaître pour l’instant. Son quota laitier est bloqué. Denis Billod possède 60 % de ses terres en Suisse. Problème,

Denis Billod (à gauche) est en Suisse. Maurice, son papa, est en France. C’est

l’originalité de sa ferme

située au Petit- Gardot, près de Montlebon.

exploiter quasiment les trois- quarts de ses terres en Suisse alors que son lait est transfor- mé et vendu à la coopérative de Montlebon. Pourrait-il l’emmener à la fromagerie suisse des Cer- neux-Péquignot qui produit le fameux Gruyère A.O.C. et espé- rer le revendre plus cher ? “Fran- chement, je ne me suis jamais vraiment posé la question. C’est compliqué… Je crois que mon père avait tenté mais les Suisses n’avaient pas voulu” dit-il. Pour l’heure, l’agriculteur - qui

“Les Suisses pourraient m’interdire d’emmener mes vaches.”

n’utilise aucun engrais - se contente de son sort tout en avouant que cette originalité n’est pas facile à vivre car les 25 hectares exploités en Suisse “ne sont pas reconnus par la France” explique-t-il. Du coup, son quota laitier est limi- té à 110 000 litres par an alors qu’il pourrait lar- gement prétendre à 130 000. Une perte non négli- geable que le jeune homme installé depuis avril 2007 espère réduire : “J’ai envoyé une lettre au vice-président des producteurs laitiers pour lui faire part de mon cas. J’attends une réponse.

J’espère bientôt !” Actuellement en location, il n’envisage pas de demander aux Suisses d’acheter son lait : “C’est une autre vie. Il faut traire à 5 heures du matin, emmener son lait pour 7 heures à la fromagerie, la même chose le soir…” Savoir si ses amis et voi- sins suisses touchent plus que lui ? “Franche- ment, ça ne m’intéresse pas” répond ce fils de pay- san pour qui reprendre ce lieu rempli d’histoire était un désir de gosse. Posséder des terres chez les voisins ne semble donc pas être l’eldorado car

“en cas de crise sanitaire (exemple vache folle, fièvre),les Suisses pourraient m’interdire d’emmener mes vaches sur mes terres. Ce n’est jamais arri- vé mais ce serait terrible car je devrais regrouper mon troupeau sur 17 hectares en France.” Les pieds sur terre, Denis les a. À savoir s’il est un agriculteur suisse ou un agriculteur français, il n’a pas de réponse : sa vraie nationalité est l’amour de la terre et des bons produits.

E.Ch.

Made with FlippingBook - Online Brochure Maker