La Presse Pontissalienne 128 - Juin 2010

SPORT

La Presse Pontissalienne n° 128 - Juin 2010

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FOOTBALL Avant la Coupe du Monde Michel Vautrot : “Avec Domenech, c’était réglo” Michel Vautrot a arbitré cinq matches de coupe du Monde en 1982 et 1990. Le Bisontin évoque la main de Thierry Henry, Domenech, et les magouilles qui plombent l’arbitrage.

L e sifflet autour du cou, Michel Vautrot l’a gardé en guise de pendentif. L’ancien arbitre international n’est pas nostal- gique, juste un romantique qui n’oublie pas que l’arbitrage lui a tout apporté… et a bien failli tout lui faire perdre. À 64 ans, le plus charismatique des hommes en noir a accepté de nous recevoir dans son apparte- ment bisontin. Simple et accessible. La Presse Pontissalienne : La France sera-t-elle cham- pionne du Monde ? Michel Vautrot : Je me trompe souvent en pro- nostic. Pour que la France gagne, il faut que je dise qu’elle va perdre (rires). Plus sérieu- sement, elle ne part pas favorite mais rien n’est écrit d’avance. Heureusement d’ailleurs. L.P.P. : Serez-vous du voyage en Afrique du Sud ? M.V. : Non car je serai en mission U.E.F.A. au Kazakhstan du 16 au 25 juin. J’essaierai de suivre des matches. Avec le décalage horaire et les commentaires en kazakh, ça sera sym- pa ! L.P.P. : Vous connaissez personnellement le sélection- neur Raymond Domenech. Est-il si antipathique que cela ? M.V. : Il y a deux Raymond : celui du public et l’homme. Quand je l’arbitrais alors qu’il était joueur, je l’aimais bien car ce n’était pas un pleureur. C’était un dur avec ses moustaches impressionnantes mais il était réglo. Avec lui, c’était un arbitrage les yeux dans les yeux. J’ai ensuite appris à le connaître l’homme à la fédé- ration : c’est un type intelligent, cultivé, mais c’est un provocateur né. Je me fais son avocat en disant qu’il a beaucoup protégé ses joueurs. En revanche, il n’a pas mesuré sa communi- cation en demandant la main d’Estelle Denis en direct à la télé… L.P.P. : Que pensez-vous de la main de Thierry Henry face à l’Irlande lors des qualifications ? M.V. : Au nom de l’éthique, on attend que le joueur se dénonce (il coupe) mais il y a bien longtemps que l’éthique n’est plus là dans le foot. S’il avait été fair-play , il serait passé pour un traître de la nation. Je ne suis pas là pour le juger mais j’ai une solution.

die. Selon vous, un arbitre français aura-t-il la chance de diriger un match de Coupe du Monde ? M.V. : Pour l’instant, un arbitre français est pré- qualifié mais il doit encore passer une série de tests. Je pense que Stéphane Lannoy arbi- trera. L.P.P. : Plusieurs erreurs sont notées en Ligue 1. Peut- on dire que l’arbitrage français a baissé de niveau ? M.V. : Je ne commente pas le niveau car j’ai un devoir de réserve et j’ai tiré le rideau. Je n’ai d’ailleurs plus mis les pieds dans un stade depuis cinq ans. Tout ce qui se passe en Fran- ce, je l’avais prévu et dénoncé mais la fédéra- tion a préféré jouer les autruches. Elle a sacri- fié une génération d’arbitres. L.P.P. : Vous évoquez ici la corruption des arbitres et autres magouilles. Avec le recul, regrettez-vous d’avoir dénoncé publiquement certains agissements dans le milieu ? M.V. : Je ne regrette rien (il coupe) et je le refe- rais. L’arbitrage, c’est l’honnêteté alors lorsque j’ai découvert les dérives en 2003 (il était direc- teur technique de l’arbitrage), j’ai remis un rapport qui a été enterré pour des raisons que j’ignore. J’ai alerté les hautes autorités poli- tiques, j’ai même été victime d’un faux docu- ment qui visait à me faire tomber. Je n’ai pas de remords car si je n’avais pas dénoncé ces dérives, on aurait dit que je magouillais aus- si. J’ai fait mon travail, je ne suis pas un héros. L.P.P. : Quel critère pour devenir “bon arbitre” ? M.V. : À ce niveau, le plus important n’est pas la connaissance mais le bon sens. Celui qui arbitre avec son livre ne peut pas arbitrer au top-niveau. Tous font des erreurs : un bon arbitre est celui dont on accepte les erreurs. L.P.P. :Aujourd’hui, les hommes en noir de L1 touchent plus de 4 000 euros pour certains par mois. Cela vous choque ? M.V. : Ça peut rapporter gros mais seulement au top-niveau. Ce n’est pas anormal car on leur demande d’être au top physiquement. L.P.P. : Roulez-vous sur l’or ? M.V. : L’arbitrage m’a tout apporté… mais à mon époque, c’était “banane et variété” (rires)… Heureusement, mon patron me laissait des libertés (il fut enseignant). J’ai toujours refu- sé d’être salarié pour garder ma liberté de parole même lorsque j’étais directeur natio- nal. L.P.P. : Le prince de Jordanie vous demande de former les arbitres de son pays. Vous en êtes à votre sixième visite. Êtes-vous payé pour ce genre de missions ? M.V. : À 64 ans, je ne cherche pas un boulot. Les Jordaniens avaient tout prévu pour moi avec un appartement, un salaire… mais j’ai refusé. Là-bas, les arbitres n’ont pas été payés depuis un an donc je n’aurais pas pu les regar- der dans les yeux si j’avais été rémunéré. J’y vais par passion, pour découvrir. C’est ce que j’aime. L.P.P. : Pourquoi ce surnom de T.G.V. ? M.V. : Le Très Grand Vautrot… car je voyage beaucoup (rires). L.P.P. : Dernière question : pouvez-vous nous donner trois moments forts de votre carrière ? M.V. : Le match Colombie-Israël en 1990 (menaces d’attentat), le match Nice-Marseille en 1991 où un train de “supporters” avait été affrété pour venir assister à mon dernier mat- ch, les 5 matches de Coupe de France consé- cutifs… et décembre 2009 lorsque le président de la République Nicolas Sarkozy me remet les insignes de chevalier de la légion d’honneur. C’est un symbole fort pour moi. Propos recueillis par E.Ch.

L’ancien arbitre Michel Vautrot ne sera pas en Afrique du Sud pour la Coupe du

Monde. Il a une

piste pour améliorer les fautes d’arbitrage.

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L.P.P. : Serait-ce la solution de la vidéo ? M.V. : Non. Au lieu de la vidéo, j’ai une solution qui consiste à dire que si le joueur ne se dénonce pas immédiatement, il encourt une suspension de 6 mois. Sachant qu’un foot- balleur ne joue pas perd tou- te sa valeur, il aura tout inté- rêt à se dénoncer. Pour l’exemplarité des jeunes, c’est dommage d’en arriver là. L.P.P. : Vous participez à de nom- breuses conférences dans le mon- de pour évoquer l’arbitrage. L’image française est-elle écornée avec cet- te affaire ? M.V. : Les autres pays ne man- quent pas une occasion de nous mettre un tacle par-derrière mais ce que j’ai trouvé le plus déplacé, c’est l’attitude du pré- sident de la Fédération (N.D.L.R. : Jean-Pierre Esca- lettes) qui a fêté sur la pelou- se irlandaise la victoire alors que tout le monde avait vu cet- te main.Avec le recul, son âge, il aurait dû rester en retrait.

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L.P.P. : La France ne sort pas gran-

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