La Presse Pontissalienne 127 - Mai 2010

LA PAGE DE L’ARTISAN

La Presse Pontissalienne n° 127 - Mai 2010

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Jacques Roussey exerce le métier d’ébéniste depuis trente ans.

PONTARLIER

Jacques Roussey

Un ébéniste bien dans ses meubles Les mentalités changent. Les nouvelles générations sont moins imprégnées par la culture du meuble. Mais il y a toujours une clientèle qui fait appel à l’ébéniste pour faire revivre ce patrimoine.

L a musique ne quitte pas l’atelier de l’ébéniste Jacques Roussey. Elle l’accompagne et l’inspire sans doute dans son travail de restauration de meubles. C’est là, au numéro 8 de la rue Jean Mermoz à Pontarlier, que l’artisan donne une seconde jeunesse à du mobilier qui a souffert des bles- sures du temps. Il observe, démonte, colle, panse, taille, fabrique, patine, et remet sur pied un patrimoine qui tra- verse les siècles. “Je restaure surtout des meubles régionaux du XVII ème siècle à aujourd’hui. Je ne suis pas un spé- cialiste. Les personnes comme moi sont à l’ébénisterie ce que les généralistes sont à la médecine. On touche à tout. Il faut un savoir-faire dans le tourna- ge entre autres ou la marqueterie” explique Jacques Roussey. C’est seu- lement pour des interventions très spé- cifiques qui font appel à des compé- tences précises qu’il sollicite un artisan spécialiste pour tourner par exemple une pièce d’ivoire. S’atteler à la res- tauration de ces antiquités demande

aussi des connaissances en histoire de l’art de la part de l’ébéniste. La cultu- re se greffe à l’habilité du technicien. “Il faut semettre dans l’esprit dumeuble. Parfois, nous sommes face à des biens dont il manque des pièces. Je dois être capable de les recréer. On y parvient en connaissant l’histoire dumobilier.Cepen- dant, plus on remplace d’éléments et plus le meuble se déprécie. C’est pour cela que j’essaie d’en garder un maxi- mum d’origine. La restauration, c’est toujours un compromis entre un côté esthétique, un côté pratique et le bud- get du client.” Chaque intervention est réversible. L’artisan opère en songeant aux géné- rations futures. Dans un demi-siècle, un autre ébéniste doit pouvoir à son tour démonter l’objet pour le restau- rer à nouveau. C’est la raison pour laquelle Jacques Roussey utilise dans ses travaux des colles naturelles à l’ancienne, à base d’eau et de textures animales.“ Là par exemple, je peux inter- venir sur toutes les parties du meuble”

dit-il en empoignant une table de jeu de la fin du XVIII ème siècle qu’il a à res- taurer. “C’est moins vrai lorsque je suis confronté à des meubles d’après-guer- re où on utilisait déjà des colles telles qu’on peut difficilement démonter l’objet.” Cela fait bientôt trente ans que Jacques Roussey a épousé ce métier après avoir suivi des études de comptabilité.Après un bref passage dans un univers de chiffres, le garçon est finalement reve- nu à sa passion pour le bois. Il la tient de son grand-père qui avait une chai- serie. Quand il s’est installé à son comp- te au début des années quatre-vingt, le meuble ancien à restaurer connais- sait son âge d’or. C’était encore l’époque où les particuliers attachaient une importance particulière au mobilier de famille qui se transmet de généra- tion en génération. Cette notion de patrimoine s’émousse avec les nou- velles générations qui relèguent le meuble au rang des biens consom- mables. Dans les appartements, le

vaillaient pour le marché américain. Les pièces étaient achetées dans la région, elles partaient à Saint-Ouen avant d’être expédiées par conteneurs de l’autre côté de l’Atlantique.” Une autre époque qui s’est presque refer- mée avec le passage à l’euro. Les mutations successives du marché ont conduit l’ébéniste pontissalien à se séparer de son unique salarié pour faire face à la crise. En réponse à ces évolutions, Jacques Roussey joue la carte de la diversification. Il fabrique des meubles sur mesure, pose des menuiseries, fait de l’agencement. Sa dernière innovation est le “relooking” de tout type de mobilier. Il modifie les couleurs de meubles anciens pour leur donner un côté très tendance. Ce qui vaut pour une armoire, l’est aussi pour une cuisine rustique en bois qui aurait besoin d’un coup de jeune. T.C.

mobilier en kit a remplacé la commo- de de grand-mère. Jacques Roussey observe cette évolution. “En dix ans, les choses ont beaucoup changé. Le mobilier qui était un élément de patri- moine n’a plus la même place alors qu’il avait une valeur marchande et sentimentale.” Ce marché du meuble ancien s’est affaissé, déséquilibré par Internet, un média par l’intermédiaire duquel des particuliers vendent des biens à n’importe quel prix. Ils s’en séparent sans en connaître toujours la valeur, pourvu que ça débarrasse. Et puis il y a les deux “guerres du Golfe” du début des années quatre-vingt-dix et de l’après 11-Septembre 2001. Cette accumula- tion de facteurs aurait contribué selon cet artisan à fermer les portes du mar- ché américain. “Les Américains s’intéressent à l’art populaire français. Ils sont très friands de tout ce qui a trait à la vieille Europe. J’ai connu beaucoup de chineurs ici qui tra-

Renseignements : 03 81 46 49 65

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