La Presse Pontissalienne 123 - Janvier 2010

L’ÉVÉNEMENT

La Presse Pontissalienne n° 123 - Janvier 2010

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UN VILLAGE FACE À L’URGENCE Canton du Russey La Bosse fait le dos rond Durement touché, le village de La Bosse (canton du Russey) reste au chevet de sa forêt mais s’inquiète des nouveaux frais à venir. Les jeunes pousses ont besoin d’être chouchoutées !

L entement mais sûre- ment, la forêt panse ses plaies. Si les cica- trices sont encore béantes dans celle de La Bosse composée à environ 80 % de rési- neux, ces dernières se referment petit à petit grâce à la régéné- ration naturelle, au temps qui passe, et grâce à la main de l’homme. Dix ans après, on croyait le patrimoine vert du Haut-Doubs définitivement tiré d’affaire. Ce n’est pas tout fait le cas à en croire Benoît Duquet, technicien opérationnel à l’Office national des Forêts (O.N.F.) en charge de onze communes aux alentours du Russey, dont La Bosse. Selon lui, “c’est mainte- nant qu’il faut bien s’occuper du

Le maire de La Bosse et l’agent O.N.F. Benoît Duquet.

suivi des jeunes pousses afin qu’elles ne meurent pas. Tant qu’elles ne mesurent pas 1,50 m, elles ne sont pas sauvées.” L’agent travaille en étroite collabora- tion avec le maire de la com- mune afin de repenser le patri- moine communal. “On sait que le suivi de nos plants va coûter de plus en plus cher concède Ber- nard Pretot le maire. Heureu- sement à La Bosse, nous avons eu la chance de ne pas tout inves- tir et de pouvoir placer de l’argent (environ 150 000 euros) que nous pouvons aujourd’hui réutiliser. Mais on sait très bien que les années à venir seront dures.” D’ordinaire, une commune n’a pas le droit de spéculer en pla- çant des subventions mais une

Repères Superficie de La Bosse : 525 hectares dont 120 de forêt. Possibilité : 850 m3 de bois commercialisables par an. Année de la tempête : - 7 350 m3 de bois abattus soit plus de 7 années de produc- tion en un jour. - Sur 17 hectares de forêt abat- tus à 70 hectares, 9,70 hec- tares ont été replantés en rési- neux, 1 hectare en feuillu et 3,10 en semi-naturel. 1985 : 39 850 m 3 de bois ven- dus contre 27 750 aujourdʼhui.

(l’argent) perdu. Aujourd’hui, le village vend 30 % de moins en volume de bois. Pour exemple, elle vendait 39 850 m 3 en 1985 contre 27 750 m 3 aujourd’hui. Un manque à gagner flagrant qui ne peut être en aucun cas compensé par l’augmentation des impôts : “Avec 80 habitants, difficile de rattraper l’argent perdu en augmentant les impôts” ironise le maire. Au chevet de sa forêt comme de Ce qu’il faut savoir Tout titulaire dʼun contrat dʼassurance contre lʼincendie bénéficie dʼune garantie contre les effets du vent dus aux tem- pêtes (loi du 25 juin 1990) selon euros, les assurés nous envoyaient la facture que l’on payait sans un passage de l’expert” évoque l’assureur. Bref, les contrats étaient finalement bien ficelés pour assurer une réparation des dommages. Aujourd’hui, quelques nou- veautés sont venues se greffer à la longue liste des astérisques inscrits au bas de votre décla- ration d’assurance. Depuis peu, on peut en effet assurer un arbuste d’un fort coup de vent ou assurer son mobilier de jar-

autorisation particulière de l’État avait été accordée exception- nellement après 1999 permet- tant aujourd’hui à celle-ci de faire face à certains coûts (éla- gage, préservation des plants face à “l’attaque” des che- vreuils…). Après avoir perdu sept années de production et de vente de bois en raison de la tempête, La Bos- se sait parfaitement qu’elle ne pourra rattraper le temps

nombreuses autres bourgades du Haut-Doubs, La Bosse repart aujourd’hui pour un plan de sa forêt de vingt années. Bref, les investissements actuels sont les deniers de demain. En espérant qu’une nouvelle tem- pête ou une attaque des scolytes comme ce fut le cas en 2003 ne vienne pointer le bout de leur nez dans une forêt fortement fragilisée. E.Ch. les conditions du contrat. Pour les catastrophes naturelles (loi du 13 juillet 1982), la réglemen- tation détermine lʼétendue de la garantie, les sinistres pris en charge, le taux de cotisation, les franchises. din. “Pour des options comme celles-ci, il faut compter 30 à 50 euros de plus par an” calcu- le l’assureur. Si la tempête n’a pas chamboulé le système de fonctionnement des assurances, elle a néanmoins eu un impact sur le prix des contrats, qui ont augmenté chaque année depuis 10 ans. Rappelons tout de même que l’aléa climatique a coûté près de 3,3 milliards d’euros rien que “multirisque habita- tion” aux assurances… E.Ch.

ASSURANCES Les assureurs plus rapides Les nouvelles garanties des assureurs Depuis la tempête, les compagnies d’assurance ont amélioré leur

lés”…Pour exemple, nous avons eu 3 à 4 sinistres au-delà dumil- lion de francs.” Quelles leçons la tempête a-t- elle apporté aux compagnies d’assurance en matière de contrat ? “Peu, résume Eddy Louvet. Disons que nous nous sommes aperçus que les garan- ties étaient assez bonnes, notam- ment sur les bâtiments. La prin- cipale leçon réside dans l’amélioration du processus et du seuil d’expertise.” Exemple : les experts - pour cette compa- gnie - ne se déplaçaient plus sur site pour des dommages mineurs : “Jusqu’à 3 000 à 4 000

processus d’expertise et proposent de nouvelles garanties. Aujourd’hui, on peut assurer son salon de jardin ou arbuste !

E n 1999, le département du Doubs n’ayant pas fait l’objet d’arrêté “catastrophes natu- relles”, c’est donc au titre de la garantie tempêtes que la qua-

à Maîche se remémore assez bien les sinistres qu’il a fallu réparer puis indemniser au plus vite : “Nous avons traité envi- ron 500 sinistres en quelques jours. Enmajorité des toits “détui-

si-totalité des indemnités ont été versées par les assureurs locaux. Eddy Louvet, responsable du cabinet d’assurance Léo et asso- cié basé rue de Montalembert

L’O.N.F. lance de nouveaux plans Moins d’interventionnisme en forêt L’Office national des forêts élabore un nouveau guide de reconsti- tution. Prime à la diversité des essences.

La tempête, une chance pour la forêt ? Certainement pas, si l’on pense aux consé- quences économiques. Malgré le plan du gou- vernement, l’afflux sur le marché d’énormes volumes de bois bien supérieurs à la demande a entraîné une chute des cours de 25 à 65 % selon les essences et les qualités. La tempête, une catastrophe écologique ? Non, les tempêtes font partie des aléas naturels. Dans les forêts laissées en libre évolution, le vent est un moteur de la dynamique forestière : en pro- voquant l’écroulement de la structure forestière, il initie les processus de régénération. En modifiant la répartition de la biodiversité, les espèces de milieux ouverts sont favorisées ainsi que celles inféodées aux bois morts. Au niveau de la faune, peu de conséquences si ce n’est que les arbres cassés ont permis aux populations de sangliers de déjouer les pièges des chasseurs et ainsi pulluler.

Une nouvelle reconstruction. Le guide de reconstitution élaboré en 2001 par l’O.N.F. recommande moins d’interventionnisme, de façon à tirer mieux parti de la régénération naturelle et des dynamiques de végétation. Il per- met de façonner des peuplements de qualité avec plus de diversité biologique. De même, il insiste sur la nécessité d’établir un diagnostic annuel des parcelles à reconstituer pour appré- cier le niveau de régénération acquis et décider des interventions nécessaires pour obtenir (en plantant si nécessaire) les essences qui feront la richesse de la forêt de demain. Ainsi dans le Haut-Doubs, les sapins vont cohabiter avec de frênes ou autres essences. 3 à 4 ans après tem- pête, si la régénération ne s’est pas correcte- ment installée, il faut recourir à la plantation.

Eddy Louvet et Colette Jacoulot, assureurs à Maîche.

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