La Presse Pontissalienne 121 - Novembre 2009

L’ÉVÉNEMENT

La Presse Pontissalienne n° 121 - Novembre 2009

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PONTARLIER, LE JACKPOT DES LOTOS

Pontarlier est une ville de loto. Ici, ce jeu fait partie des traditions. La plupart des associations organisent leur loto dans le but de récolter de l’argent et compléter ainsi leur budget. Et ça marche ! Le public adhère et le phénomène loto se propage dans le Haut-Doubs. Le principe a évolué : plus moderne dans l’animation, plus attractif dans les lots, au point que la municipalité a estimé qu’il y avait un risque de dérive vers des conduites addictives au jeu, ce qui est le cas. Elle a donc défini des règles et un calendrier pour les lotos. Mais ça ne résoud pas tout. La saison a débuté le 5 septembre et se terminera le 25 avril. Plus de 60 lotos se dérouleront dans la salle des Capucins ! À cela il faut ajouter les lotos de Doubs, Houtaud et Chaffois. Si ce n’est pas à Pontarlier, les amateurs jouent ailleurs. Ils n’ont qu’à lire les petites annonces pour s’adonner à leur jeu favori été comme hiver. Enquête sur un phénomène.

DOUBS

L’exemple du loto du 30 octobre Loto quand tu nous tiens… L’engouement pour les lotos ne se dément pas. Plus que pour l’association qui organise, les joueurs se déplacent d’abord pour “Kiki”, leur animateur fétiche

C e soir, il y a loto à la M.P.T. de Doubs.Alors que le public afflue doucement,six drôles de dames se sont déjà installées à une table. Ces habituées participent à tous les lotos ou presque, organisés à Pon- tarlier et Doubs, et plus occasionnelle- ment à Chaffois et Houtaud. “C’est notre

rentrés dans nos frais” explique la présidente Adélaïde Pourcelot qui avec ses camarades se démène pour lever des fonds en vue d’effectuer un stage de santé publique au Mali en février 2010. Le concept de loto a évo- lué par rapport aux lotos de campagne dont les quines provenaient de la générosité des gens et des commerçants sol- licités par des bénévoles dévoués. Cela fait huit ans maintenant que Christian Leroy a aban- donné les vitrines pour

les accompagne. “Je suis un peu leur bouffée d’oxygène. Les gens viennent pour se distraire. Je pense avoir appor- té une certaine ambiance et une bon- ne humeur au rendez-vous” estime l’intéressé. La jovialité est une expli- cation au succès du bonhomme qui considère et respecte les joueurs com- me ses clients. La comparaison a son importance pour ce quinquagénaire qui le week-end quitte sa tenue d’employé de commerce àYverdon pour revêtir celle d’animateur. “Sur une sal- le de 300 à 400 personnes comme à Pontarlier, 25 % des joueurs se dépla- cent pour l’association. Les autres sont des habitués qui se soucient peu de l’organisateur. J’ai des gens qui vien- nent le vendredi, le samedi, le dimanche. Au départ, c’est une clientèle locale, mais il y a aussi des personnes qui arri- vent de Dijon, Besançon, Dole ou Cham- pagnole. Dans mon cas, j’ai environ 200 cartes qui sont mises de côté que les clients fidèles viennent chercher en début de loto” observe Christian Leroy. Les associations ne s’y trompent pas. Elles savent qu’un animateur popu- laire tel que “Kiki” déplace avec lui un public d’habitués, d’où l’importance de mentionner son nom sur les affiches annonçant la soirée. C’est aussi plus simple pour elles de déléguer la pré- paration du loto à un spécialiste qui offre une prestation clé en main. Chaque année au mois de mai, Chris- tian Leroy organise une réunion avec les associations locales afin d’établir le calendrier. “Je demande 400 euros pour deux jours. Cela comprend la pré- paration, l’animation et la fourniture de cartes” ajoute Kiki qui déclare cet- te activité comme un second métier. Les meilleurs soirs, les associations peuvent espérer réaliser entre “3 000 et 4 000 euros de recette” à Pontarlier, et entre “1 500 et 2 000 euros à Chaffois et Doubs car les salles sont plus petites.” La soirée du 30 octobre s’est soldée par un résultat en demi-teinte pour l’association des étudiants de l’I.F.S.I. comparé à celle qu’ils avaient organi- sé plus tôt à la salle des Capucins. “Il y avait moins de monde, mais le bilan est tout de même positif. Nous sommes

comme à laMaison pourTous de Doubs, leur table est réservée, toujours la même, jamais très loin du crieur, ques- tion d’habitude et de superstition. Le crieur justement, c’est Christian Leroy dit “Kiki”. C’est sous ce surnom amical que l’animateur vedette de tous les lotos de Pontarlier et d’une partie des lotos de la périphérie a assis sa réputation auprès du public en quin- ze ans. Les joueurs viennent pour lui. “Nous sommes là pour Kiki” recon- naissent volontiers ces dames. Plus que pour l’association des étudiants de l’Institut de Formation aux Soins Infirmiers qui organise la soirée. Le plébiscite ne se discute pas. C’est le cas pour tous les animateurs de loto qui ont chacun leur horde de fans qui

ont entre 50 et 70 ans. Elles ont goûté au loto et se sont finalement laissées prendre au jeu. Sur la table, à côté de la boîte de pions, les gris-gris sont sortis. Patte de lapin pour l’une, coccinelle pour l’autre, sta- tuette d’éléphant pour celle-ci, petit faon en plastique pour celle-là. Elles ont presque toutes un porte-bonheur qu’elles implorent dans les phases déci- sives du jeu pour que le sort fasse sur- gir du boulier le numéro qui leur manque pour crier quine. “Ça ne marche pas à tous les coups” s’amusent-elles tout en reconnaissant qu’elles pour- raient difficilement se passer de ces amulettes. “Moi, j’ai même ma carte fétiche avec mes numéros fétiches.” À la salle des Capucins de Pontarlier

sortie de la semaine” sou- rit l’une d’elle, “sans les maris !” taquine sa voi- sine. “Ça fait au moins vingt ans que je viens” annonceunedes joueuses qui s’est faite coquette pour l’occasion. Les copines, qui ne boudent pas leur plaisir à passer un moment ensemble,

“Le loto est le casino du pauvre.”

“Je suis un peu leur bouffée d’oxygène.”

ne proposer plus que des bons d’achats d’un montant total de 4 100 euros pour Pontarlier par loto et de 3 700 euros pour la périphérie. Il en a décidé ain- si après en avoir soumis l’idée à son public. À 55 ans, cet ancien joueur de loto sait mieux que quiconque que l’amateur du jeu n’aime guère être per- turbé dans ses habitudes. L’arrivée des bons d’achats est peut- être une explication à la popularité des lotos, qui ne s’essouffle pas. “Je pensais qu’avec la crise la fréquenta- tion baisserait. Mais l’engouement est supérieur aux autres années. Comme je le dis souvent, le loto est le casino du pauvre. Les gens ont toujours espoir de venir gagner le gros lot avec un mini- mum de mise (16 euros, 25 euros, 31 euros). Les 3/4 de la clientèle, ce sont des ouvriers, des retraités. Depuis quelque temps il y a un retour des jeunes. C’est vrai qu’il y a aussi des accros au jeu, des gens qui viennent jouer au loto et qui vont au Casino une fois qu’ils ont quitté la salle. Ces personnes-là jouent à tout type de jeu” observe Chris- tian Leroy. À sa manière, Kiki est lui aussi deve- nu accro à l’animation. Sur une année, tous ses week-ends sont pris par des lotos dans le Haut-Doubs et un peu partout dans le département. Jamais l’envie d’arrêter ne l’a titillé. T.C.

Christian Leroy dit “Kiki” est l’animateur de loto du Haut-Doubs pontissalien le plus populaire.

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