La Presse Pontissalienne 113 - Mars 2009

LE PORTRAIT

La Presse Pontissalienne n° 113 - Mars 2009

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LABERGEMENT-SAINTE-MARIE

Reconversion d’un cycliste

Alexandre Chouffe change de braquet Ancien cycliste professionnel, il est aujourd’hui artisan polyvalent. Autodidacte et opiniâtre, il se lance seul dans des projets de rénovation colossaux.

I l en viendra à bout. La détermi- nation de ce garçon est trop forte pour qu’il se laisse décourager par le chantier de rénovation de l’ancienne Maison de la réserve qu’il a entrepris. Il y a pourtant tout à fai- re pour rendre habitable ce bâtiment de quatre étages à la silhouette fan- tomatique. Sa carcasse austère enbéton armé, érigée pendant l’entre deux guerres, se dresse à l’entrée de Laber- gement-Sainte-Marie. Isolation,dimen- sionnement des fenêtres, installation du réseau électrique, répartition des cloisons, construction d’un nouvel esca- lier, modification de la cage d’ascenseur, abaissement des plafonds, création de balcons, ravalement des façades, sont quelques-unes des opérations àmener pour transformer cette ancienne friche industrielle en un petit collectif de 13 appartements (6 logements supplé-

à la rénovation de cet édifice ! “Il y a cinq ans, je ne savais rien faire, même pas poser une tringle à rideau sourit- il en faisant le tour du propriétaire. Je n’ai besoin de personne pour faire ce que je fais.” L’autodidacte est opiniâtre et exigeant avec lui-même. C’est avec cette force de caractère qu’il s’est appro- prié en quelques années la culture du bâtiment faite de technique, d’outillage et de matériaux. Son école fut celle de son père au contact duquel il a beau- coup appris. “Sans lui, je ne serais jamais arrivé là” dit-il reconnaissant. L’effort n’effraie pas celui qui a com- mencé par construire sa maison d’habitation de ses propresmains pen- dant un an. Par principe,Alexandre Chouffe avan- ce à son rythme, sans pression, dans les travaux à Labergement-Sainte- Marie. “Je pense que les premiers appar- tements seront disponibles à la loca- tion aumois de septembre.” Il prend le temps d’observer, de construire, d’aménager. “Je suis un artisan heu- reux d’aller bosser le matin.” Il est son propre chef et n’a de comptes à rendre à personne, même pas à un client puisque la particularité de son activi- té est qu’il travaille pour lui. Il rénove des biens dont il est propriétaire pour les louermais jamais pour les revendre, “ce n’est pas le genre de la maison.” À 34 ans, ce gaillard serein et tran- quille est devenu un bâtisseur.Un rôle qu’il assume depuis qu’il a quitté bru- talement le cyclisme. C’était en

juin 2003, à Plumelec enBretagne, lors des Championnats de France. Après avoir passé quatre ans chez les pros, il venait de retrouver le peloton ama- teur et courait sous lemaillot duS.C.O.D. (Sprinter Club Olympique Dijon). Il chuta violemment pendant l’épreuve après avoir été bousculé par une voi- ture de course. Rideau. “Cette chute m’a cassé moralement. Ça a été le tour- nant de ma vie et de ma carrière car j’ai tout arrêté.À l’époque j’étais en plei- ne force de l’âge, je faisais 700 km par semaine.” Pour le grand public,Alexandre Chouf- fe est toujours ce coureur, un routier sprinteur, tenace et puissant, qui après avoir fait ses preuves chez les ama- teurs que ce soit à l’Amicale cycliste bisontine ou auV.C.C.M.M. (Vélo Club des Cantons de Morteau et Montbe- noît) de 1995 à 1997, s’est hissé chez les pros. En 1998, il intègre l’équipe Bigmat-Aubert. C’est avec elle qu’il gagneraune étape sur leTour de l’Avenir et participera à de grandes courses comme Paris-Roubaix et le Tour du Qatar avant de signer en 2002 chez Oktos. Il devait être au départ duTour de France 2001, l’année où celui-ci a fait étape à Pontarlier. Il fut écarté de la sélection au dernier moment. Un regret, puisqu’il fut privé de goûter la joie d’être “le régional de l’étape” que connaissent certains coureurs. En revanche, Alexandre Chouffe se targue d’avoir toujours roulé à l’eau claire. Il n’a jamais pu se résigner à

accepter le dopage,cette “tricherie orga- nisée.” Cette facette peu glorieuse du cyclisme professionnelle - entre autres - l’a toujours répugné. “Avec le dopage, vous pouvez faire d’un âne un cheval de course.” La pilule de la défaite est dure à avaler lorsque l’on a l’intime convictionque le vainqueur est unusur- pateur. Comment semesurer à des cou- reurs qui ont, comme par miracle, la socquette légère ? “J’ai aussi vouluquit- ter les pros car j’en avais marre de me battre contre des extraterrestres. Je n’acceptais plus le système.” Pourtant, Alexandre Chouffe était convaincu qu’après l’affaire Festina,les choses allaient changer.Ils étaient com- me lui quelques naïfs à le penser. Cet- te dérive laisse à l’ancien cycliste à qui “le vélo a beaucoup apporté” le senti- ment d’une histoire inachevée au goût amer. Il suppose encore que son par- cours aurait été différent si dans le pelo- ton les coureurs s’étaient disputé la course àarmes égales,nepouvant comp- ter que sur leurs seules ressources phy- siques pour faire la différence. La roue tournemaisAlexandre Chouf- fe n’a jamais vraiment tourné cette

page. Licencié à Pontar- lier il roule encore aujour- d’hui pour le plaisir avec des amis, comme Fabri- ce Guy,Vincent Philippe ou Didier Faivre-Pierret avec lesquels il a créé le Cycl’One Team. Désor- mais, l’artisanpasse plus de temps à se passion- ner pour le patrimoine que pour le vélo. À Guillon-les-Bains (com- mune située à quelques kilomètres de Baume- les-Dames), il restaure

Alexandre Chouffe se passionne pour le patrimoine qu’il rénove seul.

mentaires seront amé- nagés dansunbâtiment annexe à venir) aux contours esthétiques. Un chantier de taille pour un promoteur qui confierait chaque pos- te à des entreprises du bâtiment. Mais il devient colossal pour un seul homme qui l’exécute dans ses moindres détails com- me le fait en cemoment Alexandre Chouffe. Il s’est attelé en solitaire

“Je n’acceptais plus le système.”

une annexe des anciens thermes dans laquelle il a aménagé une salle des fêtes d’une capacité de 450 personnes, le tout agrémenté d’un gîte. Mais le rêve qu’il avoue à demi-mot est de reconstruire une partie du bâti- ment des thermes telle qu’elle était au début du siècle avant qu’elle ne soit dévastée par le feu. Cela à la seu- le force de ses bras et toujours à l’eau claire. T.C.

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