La Presse Bisontine 99 - Mai 2009

L’INTERVIEW DU MOIS

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La Presse Bisontine n°99 - Mai 2009

Anti-crise Et si la crise que lemonde traverse actuel- lement était une chance ? Ou plutôt une opportunité de changer dʼère. Le sommet duG20 qui sʼest déroulé à Londres début avril nʼa pas, contrairement aux prévisions des oracles modernes, accouché dʼune souris. En tout cas en apparence. “Effet Obama” ou véritable conviction partagée par les plus grands, la moralisation de la finance mondiale semble enclenchée. Et avec elle, celle du capitalisme qui reste, quoi quʼon en dise, le meilleur système possible. Car le mot “capitalisme” ne doit pas être considéré comme une insulte et ceux qui se disent capitalistes ne doivent pas être vus comme les grandsméchants loups. Seulement, les débats actuels qui entourent lʼattribution éhontée de stock- options ou la rémunération obscène de certains capitaines dʼindustrie est dʼautant plus vif quʼil est réactivé en pleine crise. Si bien que lʼon retombe actuellement dans un manichéisme idiot qui a pour conséquencede vouer aux gémonies tou- teentreprisequiaffichedesrésultatsbrillants ou toute initiative individuelle à succès. Un mal bien français. Ces exemples de capitalismedévoyéont logiquement contri- bué à polluer le débat sur les bien-fondés de ce système économique, pensé à la base certes pour produiredes profits,mais sʼappuyant aussi sur dʼautres valeurs qui nʼont rien de répréhensible comme la sai- ne concurrence ou la rémunération du tra- vail par unbonsalaire. Unpatronnedevrait pas gagner plus de 40 fois ce que son salarié lemoins bienpayénegagne. Cʼest Henry Ford en personne qui lʼaffirmait il y a plus de 100 ans. Un des pères du capi- talisme doit se retourner dans sa tombe à constater ce que ses descendants peu scrupuleux ont fait de ce modèle écono- mique qui reste pourtant le meilleur sys- tème possible, à condition quʼil soit mis en application à bon escient. Dans son nou- veau numéro, LaPresseBisontine a choi- si de proposer “20 recettes locales anti- crise”. Non pas quʼelles soient censées révolutionner la marche du monde, ni même celle du Grand Besançon, loin de là. La rédaction a seulement jugé oppor- tun de mettre en lumière les petites initia- tives à la portée de tous, au quotidien, et qui peuvent moyennant un tout petit effort intellectuel, contribuer à améliorer les choses. Indirectement, ces petites recettes aux ingrédients élémentaires, ont aussi une autre vertu indirecte, celle de pouvoir redonner le sourire. En ces temps, cenʼest un luxe pour personne. ? Jean-François Hauser Éditorial

ÉCONOMIE

Rencontre avec Jean Peyrelevade

L’ex-banquier veut réguler

L’ invitation de Philippe Gonon a tenu bon. Conseiller d’opposition à la ville de Besan- çon, le représentant du MoDem avait convié début avril Jean Peyrelevade - vice-prési- dent du MoDem - à découvrir à Besançon une pépi- nière d’entreprises (privées) avant d’animer une conférence sur le thème “L’Europe et la crise”. Le maire P.S. Jean-Louis Fousseret s’est opposé à cet- te visite (dans un complexe financé par les collec- tivités) au motif que ce dernier était en campagne pour les élections européennes. Malgré ce contre- temps, Jean Peyrelevade s’est entretenu avec les membres du MoDem. L’ancien patron du Crédit Lyonnais, auteur du livre “Sarkozy, l’erreur histo- rique” se livre. Entretien. La Presse Bisontine : Vous avez redressé le Crédit Lyonnais alors au bord de la faillite. L’avez-vous quitté avec un para- chute doré ? Jean Peyrelevade : Non. Crédit Lyonnais Jean Peyrelevade évoque des solutions à la crise. Il se prononce pour la suppression des stock-options. Invité par le MoDem à Besançon, l’économiste et ex-patron du

Jean Peyrelevade, économiste (à droite) et vice- président du MoDem invité par Philippe Gonon, conseiller d’opposition à la ville de Besançon.

de la finance mondiale. Pour la régulation, les prin- cipes sont simples : il faut de la transparence, des fonds propres pour amortir les chocs et réguler toutes les professions. Je crains que les chefs d’État croient que leur réunion suffit à résoudre le pro- blème. Il faut des architectes. L.P.B. : Qui doivent être ces architectes ? J.-P. : J’en vois deux : le Fonds monétaire interna- tional (F.M.I.) qui a l’avantage d’avoir la visibilité politique mais qui n’a pas la compétence technique. Le deuxième : c’est la banque des règlements inter- nationaux à Bâle. Tant qu’il ne sortira pas la déci- sion de confier à l’un ou à l’autre la responsabilité d’un système de régulation, je crains que tout ne soit que des effets d’annonce. L.P.B. : Est-il possible d’imposer une régulation du marché au niveau européen ? J.-P. : Les États-Unis, c’est 50 % du capitalisme mon- dial. Cela fait deux fois en moins d’un siècle que le système risque d’être emporté en raison d’un pro- blème de régulation né aux États-Unis (1929, pro- blème de spéculation et les subprimes aujourd’hui). Il faut un pouvoir européen pour négocier avec les États-Unis. Mais savez-vous combien y a-t-il de régulateurs en Europe ? Et bien 27 ! Pour négocier avec les États-Unis, il faut louer un charter ! Avez- vous entendu un chef d’État européen dire que l’on

a besoin d’un régulateur ? Moi pas. L’Europe est stupide dans le sens où elle montre ses muscles alors qu’elle doit faire preuve de cohésion. L.P.B. : La Franche-Comté a été presque oubliée par le plan de relance. Quel regard portez-vous sur notre région ? J.-P. : La crise touche tout le monde mais vous pos- sédez la technologie avec l’horlogerie, une école de microtechnique, de biomédical, le savoir-faire et l’innovation. J’ai rencontré le P.D.G. de l’entreprise Statice à Besançon (spécialisée dans le médical) qui m’a dit que sa société n’avait pas de concur- rents. C’est fort car ces gens ont su innover. La solu- tion : elle est devant vous. L.P.B. : Mais où exactement ? J.-P. : Dans la recherche en entreprise. Une seule réforme a été utile : le crédit impôt recherche, mais l’opinion publique ne sait même pas ce que c’est. Nicolas Sarkozy, au lieu de relever les redevances publiques, a dépensé de manière stupide si bien que notre appareil productif est moins compétitif que celui des autres pays. Le stock d’heures sup- plémentaires continue à augmenter alors que des emplois sont supprimés. Résultat : c’est le contri- buable qui paye. L’État paye 15 % du coût du tra- vail !

L.P.B. : Avec un bonus alors ? J.-P. : J’ai relevé le Crédit Lyonnais au bord de la faillite et je suis par- ti en 2003. Il ne valait plus que 20 milliards d’euros… autant que le Crédit Agricole aujourd’hui. L.P.B. : Pensez-vous que l’opinion publique est trop véhémente avec les banquiers ? J.-P. : On adore avoir des boucs émis- saires mais j’ai un théorème : tout système financier a besoin d’être régulé. Par ailleurs, je trouve que les patrons du C.A.C. 40 sont trop payés et je suis pour la suppression des stock-options. L.P.B. : La réunion du G20 a laissé place à un optimisme économique. Est-ce un effet d’annonce ou une vraie solution à la cri- se ? J.-P. : On a besoin d’une régulation

“Ici, vous possédez la technologie.”

Propos recueillis par E.Ch.

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