La Presse Bisontine 98 - Avril 2009

La Presse Bisontine n° 98 - Avril 2009

22 DOSSIER

COMMENTAIRE

La question de la réinsertion

“Plus on construit de prisons, moins ça résoud le problème” Christian Jacquot, directeur du G.A.R.E. (Groupement d’action et de recherche sur l’exclusion) travaille depuis plus de trente ans pour l’insertion, notamment des sortants de prison. Son regard sur le monde pénitentiaire français est sans concession.

Selon Christian Jacquot, “la liberté est un travail de longue haleine.”

L a Presse Bisontine :Vous avez été une des premières structures de France à vous pencher sur le sort des sortants de prison. Pourquoi ? Christian Jacquot : La raison d’être du G.A.R.E. est de développer une offre de réinsertion, d’accompagnement, d’accès au travail pour toutes les personnes en rupture, quelle que soit la diffi-

culté rencontrée. Et il est évident qu’une des formes les plus radicales de l’exclusion est la réclu- sion. Dès le départ, nous avons donc également axé notre travail sur l’accompagnement des sor- tants de prison, courtes ou longues peines. On a déjà accueilli des “perpétuités” qui sortent au bout de 20 ou 25 ans. Ce sont des gens qui ont été mis entre parenthèses de toute vie sociale, on les aide à reprendre pied. L.P.B. : D’où viennent les anciens prisonniers que vous aidez ? C.J. : De partout, nous sommes connus dans toutes les prisons de France. On prend prioritairement des gens de la région ou qui ont de bonnes rai- sons d’être dans la région. On accueille aussi des gens qui ont des interdictions de séjour, d’autres qui n’ont plus aucun lien familial. Depuis 2003, nous avons repris un foyer d’hébergement et nous proposons une douzaine d’appartements répar- tis sur toute la ville qui peuvent accueillir 16 sor- tants de prison. Les autres sont logés indépen- damment. Nous nous occupons en permanence de 30 ou 40 sortants de prison. L’idée est de leur permettre de tourner la page de la prison, remettre le pied dans la vraie vie, notamment avec un tra- vail, et refaire des projets. L.P.B. : Un travail énorme et pas toujours payant ! En 30 ans, le nombre de détenus a beaucoup évolué ! C.J. : En 1979, les prisons françaises comptaient 32 000 détenus.Aujourd’hui, ils sont 65 000 pour 52 000 places. Plus on construit de prisons,moins ça résoud le problème. le pire, c’est qu’aujourd’hui, les gens qui sortent de prison sont dans un état de délabrement physique, psychologique, avec beaucoup de problèmes de santé, des soucis car- diaques, de dos, psychosomatiques… La prison désapprend aux gens à vivre, c’est un vrai fac- teur de la récidive. L.P.B. : Il faut pourtant bien que les auteurs de délits ou de crimes paient une dette à la société ? C.J. : Ce que je conteste, c’est le recours systéma- tique à l’emprisonnement au détriment des peines alternatives. Aujourd’hui, c’est plus d’emprisonnement pour des peines plus longues. Et l’ensemble des politiques, de droite ou de gauche depuis 20 ans, va dans ce sens-là. Avec les condi- tions de détention qui s’aggravent, on contribue forcément à déstabiliser la personne. L.P.B. : Y a-t-il une solution moins pire ? C.J. : On observe une chute considérable desmesures de liberté conditionnelle. Je pense qu’il faudrait déjà reconsidérer toutes les incarcérations de ceux qui ont des peines inférieures à un an et privilé- gier pour eux les peines alternatives : bracelets électroniques, travaux d’intérêt général, sursis- mises à l’épreuve… Plus de 50 % des gens sous verrou sont des prévenus et des gens condamnés àmoins d’un an. Plutôt que de construire des pri- sons, soyons inventifs dans les peines alterna- tives. Il ne faut pas oublier le coût pour le contri- buable sachant que chaque détenu coûte à la société entre 80 et 150 euros par jour selon les prisons. L.P.B. : Privilégier les solutions alternatives ne permet par- fois pas d’éviter les drames de la récidive ? C.J. : On considère les récidives par rapport à leur caractère médiatisé, de cas marginaux et mino- ritaires. Rapportons tout cela au vrai pourcen- tage du taux de récidive. Aujourd’hui, on est dans une politique de l’émotion, pas dans une politique pénale qui s’appuie sur des chiffres. Ça fait tren- te ans que je côtoie tous les jours des “barges”, je n’ai jamais été agressé une seule fois.Nous sommes dans une justice clientéliste, hyper-sécuritaire pour répondre aux incertitudes de notre époque. Propos recueillis par J.-F.H. G.A.R.E.-B.T.T. - 26, rue de l’Église Tél. : 03 81 47 45 45

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