La Presse Bisontine 97 - Mars 2009

LE PORTRAIT

La Presse Bisontine n° 97 - Mars 2009

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ENVIRONNEMENT Protection des zones humides

Des soldats verts incorruptibles La Commission de Protection des Eaux compte parmi les associations de défense de l’environnement les plus actives en Franche-Comté. Les fossoyeurs de la nature n’ont qu’à bien se tenir.

Michel Lassus est président régional de la Com- mission de Protection des Eaux, du Patri- moine, du Sous-sol et des Chi- roptères.

P as question de leur raconter des histoires,ni de tenter de les endor- mir avec une argumentation ban- cale. L’action qu’ils mènent en faveur de l’environnement ne supporte pas “l’à peu près” , et encore moins la mauvaise foi ! Les bénévoles de la com- mission de protection des eaux ne concè- dent rien qui puisse nuire à leur cau- se : défendre la nature. L’association de la rue Beauregard à Besançon ne rechigne pas à saisir la justice si elle estime qu’il yaatteinte à l’environnement quel que soit l’individu, la collectivité, la couleur politique ou l’entreprise à l’origine du préjudice. La C.P.E. a la détente sensible. Sa rapi- dité à dégainer pour porter secours à une petite fleur menacée par une bitu- meuse en énerve plus d’un. “Intégristes, ayatollahs, nous entendons de tout” sou- rit Michel Lassus, président de la Com- mission de Protection des Eaux de Franche-Comté. Il est également admi- nistrateur de l’agence de l’eau et siège au directoire de France Nature Envi- ronnement. Lui et ses acolytes sont habi- tués à se faire traiter de tous les noms d’oiseaux. Cette vulgarité ne paie pas ! Ces soldats verts mènent un combat. Mais ils n’agissent pas la fleur au fusil et le sourire aux lèvres juste pour le plaisir d’être fidèles à leur réputation “d’emmerdeurs.” À leur manière, ils œuvrent aussi pour “l’intérêt général.” Le problème avec ce genre de notion,

est que suivant où l’on place le curseur, elle n’a plus tout à fait le même sens. D’un côté, il y a des écolos ouverts au progrèsmais plutôt favorables à un amé- nagement raisonné de l’espace et sur- tout respectueux de la nature qui nous accueille, et de l’autre il y a des élus qui cherchent à dynamiser leur territoire en le dotant d’infrastructures qui de leur point de vue n’entacheront pas l’environnement puisque la législation est respectée. C’est à cette dernière certitude que s’attaquent les bénévoles de la C.P.E. qui compte une centaine de membres dans la région. L’association n’a dans ses archives que des histoires qui débor- dent d’entorses à la loi. Les affaires foi- sonnent pour la commission de protec- tion des eaux qui a 488 dossiers en cours dont 116 sont au tribunal ! C’est beau- coup, d’autant que les sujets environ- nementaux ne sont pas la préoccupa- tionpremière de la justice “qui a tendance à classer sans suite beaucoup de recours.” Ici, c’est un agriculteur qui se fait rap- peler à l’ordre car il a - par mégarde ! - renversé sa tonne à lisier dans une doli- ne. Là, c’est une commune qui a mal- encontreusement remblayé une zone humide protégée par la loi sur l’eau. La plupart du temps, quand la C.P.E. inter- vient dans les affaires courantes, sur la base d’une information qui lui a été transmise par son réseau de sympa- thisants, le mal est fait. “À Beure, là où

le remblai a été déposé au bord duDoubs dans le cadre du chantier des Mercu- reaux, la zone humide n’existe plusmême si nous parvenons à obtenir desmesures compensatoires. La victoire n’est pas tou- jours celle de l’environnement car des projets structurants ont un impact irré- versible sur la nature.” Il arrive que la C.P.E. intervienne aus- si à temps. “À Vesoul, nous avons fait stopper la construction d’une zone indus- trielle de 15 hectares car elle était en zone humide. Je rappelle que la moitié des zones humides a disparu ces 30 der- nières années en France et ça continue malgré le Grenelle de l’environnement qui a les contours d’un effet d’annonce” estime Michel Lassus. Rien d’étonnant à ce que cette association entretienne des rapports tendus avec le départe- ment de la Haute-Saône. Si la réglementation était respectée, il n’y aurait pas de contentieux possible. Même si l’argent public est en jeu dans le cadre d’un projet, la C.P.E. intervient si elle le juge opportun, qu’importe ce que cela peut coûter à la collectivité en cas de retard du chantier. “Les maîtres d’ouvrage s’appuient sur des techniciens qui connaissent la réglementation. Dès l’instant où il n’est pas possible de la res- pecter, ils n’ont pas à agir. Ou alors les collectivités jouent-elles au poker ? Je n’ai pas la réponse. Mais elles doivent savoir que dans tous les cas nous veil- lions au grain.”

Ceux qui connaissent la pugnacité de l’association, convaincus que c’est pei- ne perdue que de chercher à lui mettre des bâtons dans les roues, préfèrent s’en rapprocher avant d’agir. “Des collecti- vités qui nous perçoivent comme des gens déterminés cherchent à dialoguer.Mais même dans le dialogue, nous restons très vigilants.Les élus savent que nous sommes incorruptibles.” En trente ans d’existence, la Commission de Protection des Eaux a toujours farouchement défendu son indépendance.Contrairement aux autres associations, elle ne perçoit aucune sub- vention de fonctionnement. Il n’y a pas d’arrogance dans la maniè- re de faire de la C.P.E. née en 1976 à l’initiative de spéléos écœurés par la pollution du milieu souterrain. Il n’y a

pas d’irresponsabilité non plus de la part de ces bénévoles hyper-médiatisés à la fin des années soixante-dix pour avoir trouvé la source de pollution au captage de Belleherbe et qui plus tard ont nettoyé plus d’une centaine de gouffres en Franche-Comté qui étaient devenus des “bêtoirs” (charniers à bes- tiaux). Une France profonde abominable et nauséabonde ! Il n’y a pas de volonté de nuire, pour celles et ceux qui ont entrepris le recen- sement des décharges dans le but de les résorber, mais au contraire d’exercer dans la mesure de leurs moyens “un contre-pouvoir citoyen.” Libre et après tout, dans l’intérêt de tous. T.C.

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