La Presse Bisontine 89 - Juin 2008

36 HISTOIRE

La Presse Bisontine n°89 - Juin 2008

RETOUR SUR LES ÉVÉNEMENTS

Les 40 ans de Mai 68

Sous les pavés… les souvenirs Certes, il y a eu les grands leaders nationaux, ceux qui sont sur toutes les photos et dont on parle encore aujourd’hui. Mais, que serait-il adve- nu de ce joli mois de mai sans les millions d’anonymes qui ont répondu à l’appel, se sont mobilisés ? Au lycée, à la fac ou à l’usine, ils ont vécu “les événements”. À Besançon, les pavés n’ont pas volé mais ici plus qu’ailleurs, étudiants et ouvriers se sont rapprochés, ont lutté ensemble.

“M ai 68, c’est la libé- ralisationde la paro- le, des intelligences et des affectivités.On s’arrête de travailler pour réfléchir sur ce qu’on fait.” Daniel L. était un jeune prof de gym au lycée Pergaud. Il se souvient des multiples commissions où l’on parle autogestion, sanctions et libertés des élèves, des pre- mières “ronéo” pour diffuser les comptes rendus et des rapports très forts qui se sont installés alors entre profs et élèves

et dont certains ont perduré. “Il y avait une bonne ambiance et des échanges extraordinaires.” En retraite depuis 9 ans, il admet que ça n’a pas changé sa vie mais “ça reste un bon moment et ça m’a surtout appris qu’on ne pouvait jamais prédire l’avenir.” Roger Journot, aujourd’hui directeur du C.C.P.P.O. (centre culturel populai- re Palente Orchamps) qu’il fréquente déjà à l’époque était, lui, lycéen dans ce même lycée Pergaud. Il prépare un Brevet d’Étude Comptable. Interne, il

reste malgré la fermeture de l’établissement et participe aux débats. “Onmettait en cause le système de nota- tion, la discipline. Le cadre rigide a explosé. Pour moi c’est la fin de l’interdiction de fumer dans le lycée, de la blouse (une semaine grise une semai- ne bleue), des études surveillées et la mise en place de l’autodiscipline.” Plus qu’une révolution sexuelle, il évoque “une approche différente des sexes.” Et dès l’année 1969, il prend part active- ment à l’organisation de sorties cultu-

relles au sein du lycée. Depuis, il y est devenu enseignant d’économie et gestion et a pris les rennes du C.C.P.P.O. Il croit à la culture popu- laire (le festival Cultu- re et Résistances qui diffuse les films des Medvedkine, c’est lui). “En 68, on a appris qu’on pouvait agir sur sa vie.” 40 ans après sans nostalgie, il se réjouit que “certaines choses soient heureuse- ment acquises.Mais les nouvelles générations sont différentes. L’esprit de 68, je ne le sens plus beaucoup.” “Militant culturel plus que syndical” , lui aus- si et toujours très actif

au C.C.P.P.O., Denis Bepoix est ouvrier depuis trois ans chezYéma et fréquente assidûment la Maison de quartier de Palente quandMai arrive. “J’avais pré- vu de faire un stage d’animation à Gre- noble. Je suis parti en stop, et au bout de deux ou trois jours, je me suis dit qu’il fallait rentrer àBesançon. Le temps d’arriver, la grève était installée chez Yéma.” Il est allé une ou deux fois en fac de lettres et se souvient des étu- diants dans les usines occupées “ ame paraissait logique.” Lui qui sort “de l’horlo avec une formation complète” , travaillant à la chaîne et payé à la tâche, trouve “dégoûtant, c’est le thème que j’employais à l’époque” l’augmentation des cadences au mépris de la qualité. Plus tard, il suit une formation d’éducateur,métier qu’il exerce dix ans

avant de passer son C.A.P. de projec- tionniste. Un parcours professionnel tout en changements grâce à la forma- tion continue. “Mai 68 a en partie chan- gé ma vie car c’est le début d’une gran- de réflexion sur le travail.” Alors étudiant en 3 ème année de psycho,

donc dans l’enceinte de la fac de lettres, quar- tier général de la lutte estudiantine, François M. a peut-être rencon- tré Denis. Sans être un grand militant, il suit les événements, parti- cipe à l’occupation des locaux et aux rencontres avec les ouvriers. “J’essayais de m’instruire, de com- prendre. J’étais en contact mais pas enga- gé vraiment.Nous étions devant une liberté fas- cinante dont on ne savait pas trop quoi fai- re finalement. Et en même temps, on sentait que tout cela était peut- être éphémère.” 68 res-

“Les choses s’arrêtaient, les gens se parlaient.”

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