La Presse Bisontine 67 - Juin 2006

L’ÉCONOMI E

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É QUARRISSAGE Zoom sur le centre d’Avanne-Aveney Michel Pélissier : “Il y a en France une surréglementation” Le président de la filiale Saria Sud-Est qui chapeaute entre autres le centre d’équarrissage d’Avanne-Ave- ney revient sur une activité qui a tendance à baisser : le traitement des cadavres de ferme.

L’usine Saria est un modèle dans son genre Au cœur de toutes les polé- miques au milieu des années quatre-vingt-dix, les anciens bâtiments de la Saria ont été détruits. À la place, c’est une entreprise à la pointe de toutes les normes qui a été reconstruite. L e bâtiment de la Saria situé en bordure du Doubs sur la commune d’Avan- ne-Aveney n’a plus rien à voir avec les anciens locaux. Le nouveau centre a été totale- ment reconstruit et inauguré en 2000. Aujourd’hui, ce site est un modèle qui respecte toutes les normes environne- mentales alors qu’au milieu des années quatre-vingt-dix la Saria était au cœur de toutes les polémiques. L’usine d’équar- rissage “était en dehors de toutes les règles d’hygiène élé- mentaire” raconte Jean-Pier- re Taillard, le maire du village. Une situation contre laquelle s’étaient insurgées les asso- ciations de protection de l’en- vironnement. L’information fai- sait alors la une de l’actualité dans les médias. En 1997, en arrivant aux com- mandes des affaires munici- pales, Jean-Pierre Taillard prend le dossier en main. “J’ai demandé à Saria de trouver des solutions.” L’entreprise pro- pose alors de reconstruire le centre. 10 000 m2 de bâtiments seront démolis, pour recons- truire des locaux plus petits modernes et adaptés aux besoins de Saria. À l’époque, pour en arriver là et éviter de nouvelles polé- miques, tous les services de l’État se sont mobilisés sur ce dossier sous l’impulsion du maire d’Avanne-Aveney qui s’est investi pour maintenir Saria sur sa commune à une condition : que ce centre soit exemplaire. Il l’est. En géné- ral, c’est le genre d’équipe- ment que les municipalités ne préfèrent pas avoir sur leur ter- ritoire, même s’ils sont indis- pensables.

I.S.O. 14 001.

maux de compagnie unique- ment. L.P.B. : En revanche, vous ne pou- vez pas valoriser les abats des rumi- nants ? M.P. : La législation prévoit que tout ce qui concerne le rumi- nant soit transformé en farines, et les graisses valorisables par l’industrie oléochimique (fabri- cation de savons, cosmétique…). Ces farines sont systémati- quement détruites alors que dans le reste de l’Europe, on tolère qu’elles soient valorisées en engrais.

La Presse Bisontine : Le groupe Saria Industries est spécialisé dans l’équar- rissage. Est-ce son seul métier ? Michel Pélissier : Le groupe Saria, dont le siège se situe à Paris, a deux métiers. L’équarrissa- ge qui consiste à collecter les cadavres à la ferme et des déchets d’abattoirs. Nous les détruisons ensuite. Dans ce dispositif, le site d’Avanne-Ave- ney est un de nos centres de collecte. Le second métier de Saria Industries consiste à trans- former les sous-produits ani- maux qui ont passé la barriè- re des contrôles sanitaires à

L.P.B. : Comment s’organise la col- lecte ? M.P. : Ce sont les éleveurs qui nous appellent. Nous avons un numéro vert. Toutes les infor- mations sont traitées par un logiciel, et c’est à partir de là qu’on organise les tournées. Entre cinq et dix véhicules sillonnent cette zone. Le cadavre est enlevé dans les 24 heures voire dans les 48 heures qui suivent son signa- lement. Les cadavres sont transférés et incinérés direc- tement à l’usine de Bayet dans l’Allier. L.P.B. : Qui se partage le marché national du traitement des cadavres ? M.P. : Saria couvre 43 % de la collecte. De son côté, le grou- pe Caillaud qui se situe dans l’Ouest de la France occupe 35 % des parts. Nous sommes les principaux opérateurs. Il en existe trois autres dont un dans le Jura, un en Savoie et le dernier dans le Sud qui se partagent le reste du marché. L.P.B. : Le marché est caractérisé par une baisse d’activité. Le confirmez- vous ? M.P. : En effet, on enregistre une baisse d’activité de l’ordre de 3 à 4 % par an, mais le niveau des charges fixes est toujours le même. Des entre- prises comme les nôtres sont une des composantes de la filiè-

Le centre de collecte d’Avanne est le seul à être certifié I.S.O. 14 001 en France.

exportent très peu.

re viande. Le recul du volume s’explique par une baisse géné- rale de la consommation de viande, une baisse de l’éleva- ge, et une augmentation de l’importation en France de viandes déjà travaillées. En plus, les possibilités de valo- riser nos produits sont réduites. C’est un métier dans lequel la gestion se complique, et pour- tant, il est indispensable.

L.P.B. : Quel est le rôle du site d’Avanne-Ave- ney dans cette orga- nisation ? M.P. : Ce centre est une des usines de Saria Industries Sud-Est. Cette divi- sion en compte dix. Il est spécialisé dans la collecte de

l’abattoir. Ces deux métiers sont dis- tincts et se déve- loppent sur des usines différentes. Pour tout cela, le groupe emploie en France 1 300 per- sonnes et collecte 1,4million de tonnes de bêtes.

L.P.B. : Où sont incinérées les farines de ruminants ? M.P. : Les farines sont inciné- rées dans les cimenteries qui disposent d’un combustible intéressant pour leur activité. Je le répète, compte tenu du risque de l’E.S.B., tous les pro- duits issus du ruminant sont systématiquement détruits. Seuls les sous-produits de porc et de volaille peuvent être valorisés. ne sur la Côte d’Azur à 400 euros la tonne en Bretagne. Cette amplitude entre les coûts s’explique. Par exemple sur la zone de Saria, dans le Charo- lais, on enlève une bête tous les 10 km et elle pèse 400 kg. Dans le Gard, on enlève une bête tous les 35 km et elle pèse 40 kg, c’est donc moins ren- table. L.P.B. : Comment sont financés cet- te collecte et le traitement des car- casses ? M.P. : Pour l’éleveur, le service est gratuit. C’est pris en char- ge par le service public d’équar- rissage qui applique une taxe sur l’abattage. Cette taxe per- met de financer à la fois la col- lecte et la destruction. L.P.B. : Qu’advient-il des animaux morts sur la voie publique ? M.P. : Nous les traitons égale- ment. Mais dans ce cas, la col- lecte et le traitement sont sup- portés par le contribuable, via le service public de l’équarris- sage, et non pas par la taxe sur l’abattage. Ceci étant, cette activité est anecdotique.. Propos recueillis par T.C. L.P.B. : Combien coûte la collecte des cadavres ? M.P. : Cela peut aller de 1 200 euros la ton-

“Une baisse d’activité de l’ordre de 3 à 4 % par an.”

produits destinés à être détruits. Il rayonne sur le Doubs, une petite partie de la Haute-Saône, le Territoire-de- Belfort, et une partie des Vosges. Ce centre emploie une dizaine de personnes et col- lecte 5 000 tonnes de cadavres sur l’ensemble de ce secteur. Ils ne font que transiter par ce site. Il n’y a pas de dépôt au sol. Le centre d’Avanne est le seul en France à avoir la cer- tification environnementale

L.P.B. : Qu’entendez-vous par sous- produits animaux et en quoi sont- ils valorisés ? M.P. : Ce sont par exemple, les os, les abats, le gras, tous des produits qui ont été contrôlés et que nous pouvons valoriser. Nous avons un circuit qui est dédié à cela. Ce sont exclusi- vement des sous-produits de porc et de volaille qui sont transformés en pet food , c’est- à-dire la nourriture pour ani-

L.P.B. : Quelle répercus- sion a entraîné sur votre activité la crise de l’E.S.B. ? M.P. : Quand il y a eu la crise de l’E.S.B., il a fallu spécialiser les

“De 400 à 1 200 euros la tonne.”

usines dans un métier et orga- niser un circuit logistique autour de ça. Par exemple, un centre commeAvanne ne pour- rait pas être à la fois centre de collecte et de traitement des produits. D’ailleurs, il a été entièrement reconstruit il y a six ans. Il a fallu investir énor- mément pour moderniser tous les sites du groupe. Pour chaque métier, il faut dumatériel dédié. Depuis une dizaine d’années, en Europe, la profession est très réglementée. Mais en Fran- ce, il y a une surréglementa- tion qui nous interdit de valo- riser les sous-produits en engrais comme c’est le cas dans le reste de l’Union. Ici, ils sont brûlés. Résultat, dans les zones frontalières, on souffre de la concurrence de nos voisins qui achètent les sous-produits pour les valoriser. Il semblerait tou- tefois que la France se rap- proche de la réglementation européenne. C’est une ten- dance. L.P.B. : La Suisse est-elle un concur- rent ? M.P. : Non, c’est un pays qui fonctionne en vase clos sur ce point. Les Suisses traitent leurs produits, n’importent pas et

L’usine Saria d’Avanne-Aveney emploie 10 personnes.

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