La Presse Bisontine 62 - Janvier 2006

7 L’ÉVÉNEMENT

D OMMAGES ET INTÉRÊTS 30 000 euros Les victimes gèrent leur argent comme elles le veulent

K elly le dit elle-même, elle n’a pas tour- né la page. Mais à l’écouter parler, elle donne l’impression d’être étonnam- ment forte. Cette jeune fille de 18 ans semble déployer une vraie énergie pour s’en sortir. Comme si elle parvenait petit à petit à prendre le dessus par rapport au drame qu’elle a vécu en mars 2002. Une réaction qui ne surprend pas le corps médical pour qui chaque victime réagit de manière très différente par rapport au traumatisme qu’elle a subi. “L’impact psychologique est très variable. Il n’est pas forcément proportion- nel à la gravité du traumatisme subi. Par- fois pour des traumatismes moins graves, on assiste à des réactions beaucoup plus fortes. Il y a des personnes qui ont plus de ressources que d’autres” indique un médecin-psychiatre bisontin. Chacun d’entre nous ne mesure pas son degré de vulnérabilité intérieur. Un traumatisme peut être le révélateur d’une histoire lour- de à assumer, de souvenirs enfouis au fond de soi-même. “Par exemple, il arrive qu’une femme adulte qui a été violée, s’effondre car elle a déjà été abusée sexuellement lorsqu’elle était enfant. Sa réaction n’est donc pas direc- tement liée au traumatisme lui-même, mais à des événements antérieurs qui ont fragili- sé la victime” ajoute le médecin. Finalement, dans ce genre de situation, on ne tourne jamais vraiment la page. “Cela signifierait qu’on l’ait lu de A à Z, pour ensui- te en tirer toutes les conséquences.” C’est sans doute pour cette raison que les victimes pan- sent rarement leurs blessures en totalité. Les séquelles se ressentent parfois à plus long terme, lorsque la personne croit avoir oublié. “Il y a des effets souterrains du trau- matisme qui apparaît des années après les faits.” n T.C. Chaque personne réagit diffé- remment par rapport au préju- dice qu’elle a subi. Parfois les séquelles se révèlent plusieurs années après les faits, quand la victimepense avoir tourné lapage. P SYCHIATRIE Les victimes ne guérissent jamais vraiment

senti ce tapage autour de votre his- toire ? K. : Franchement, çam’a ache- vé. On m’a envoyé deux semaines à l’hôpital, deux semaines au centre de soin de Bregille. Ensuite, je suis par- tie deux semaines à Paris chez des amis, tout cela pour me préserver des médias. Je suis finalement rentrée àmondomi- cile un mois et demi après les faits. Là, j’ai vu ce à quoi s’était livrée la presse. Dans certains journaux, on a écrit que mon père avait pris une arme pour me venger, que j’avais été brû- lée gravement, que je n’avais plus de main. Tout était faux. Suite à tout cela, des journa- listes sont allés jusqu’à inter- roger ma petite sœur dans sa cour d’école. Elle a 11 ans aujourd’hui. Elle a été trau- matisée. Ma demi-sœur qui a cinq ans maintenant n’a pas non plus été épargnée. C’est aussi tout mon entourage qui a souffert. L.P.B. : C’est important pour vous de témoigner aujourd’hui ? K. : Vous savez, les médias ont fait de la pub avec mon his- toire aumoment des faits.Mais après, qui se soucie de ce que devient la victime, comment elle vit, ce qu’elle ressent ? En fait, tout le monde s’en fout ! Si, à unmoment donné onm’a proposé de participer à deux émissions de télévision, mais je n’avais pas envie dememon- trer et puis je n’étais pas prê- te. Vous êtes la première per- sonne à me demander comment je vais. C’est proba- blement l’unique entretien que j’accorderai. L.P.B. : Là où vous allez, avez-vous des projets ? K. : Mon objectif est de vivre comme tout le monde. D’avoir un mari en qui je peux avoir confiance, des enfants et un beau métier. Si je reste ici, je sais que je finirai mal. Et puis la chance finit par tourner. J’espère qu’un jour,elle va tour- ner pour moi. L.P.B. : Vous reviendrez dans la région ? K. : Oui, je reviendrai. Mais pour l’instant, j’ai besoin de faire le vide. n Propos recueillis par T.C.

La question de l’utilisation faite de l’argent per- çu par les victimes qui obtiennent des dom- mages et intérêts fait souvent débat dans les couloirs des palais de justice.

fois à la tête de coquettes sommes. Il n’y a pas de suivi des personnes pour les accompagner et éviter qu’elles ne dilapident leur capital. La victime peut utiliser son argent comme elle veut. “Personne n’a droit de regard sur l’utilisation qui en est faite” indique unmédecin-psychiatre de Besançon souvent concerné par ce genre de dossier. Les débats sont souvent animés entre ceux qui esti- ment que tout cela devrait être enca- dré pour éviter les dérives et d’autres qui estiment qu’au contraire, la vic- time peut retirer certains bienfaits de dépenser son capital financier comme elle l’entend. Cela relève de la liberté individuelle. n

“J’ ai perçu des dommages et intérêts. 30 000 euros. En trois mois, j’avais tout dépen- sé. J’ai aussi beaucoup donné. Vous savez, quand vous vous retrouvez à la tête d’une somme d’argent, c’est étonnant comme d’un coup vous avez des amis. Aujourd’hui je n’ai plus rien” confie Kelly. Cette expérience

n’est pas isolée. Elle renvoie direc- tement à une question qui fait sou- vent débat dans les couloirs des palais de justice, à savoir l’utilisation que fait la victime des dommages et inté- rêts qu’elle perçoit. L’interrogation s’impose plus enco- re lorsqu’il s’agit de mineurs qui une fois leur majorité se retrouvent par-

J USTICE

5 mois par an L’incarcération est réduite par le jeu des remises de peine

P ar le jeu des remises de peines, les deux agresseurs de la jeu- ne fille de Saint-Vit sont sortis de prison avant la date prévue. C’est la loi qui réglemente cette pro- position qui est faite aux détenus d’être libérés avant échéance sous certaines conditions. Ils peuvent bénéficier d’un crédit de 7 jours par mois si la peine

est inférieure à un an et de trois mois par an (la pre- mière année seulement, ensuite ce quota passe à deux mois) si

Il n’y a pas de contre- partie.

L

La bonne conduite peut justifier une remise de peine par le tribunal.

réduite pratiquement de moitié dans le meilleur des cas qu’il sera placé sous surveillance une fois dehors. “Il n’y a pas de contrepartie” affirme le Tri- bunal. n

le cas échéant, ou alors de suivre des études dans le cadre de sa détention, il met autant d’atouts de son côté pour gagner du temps. Ensuite, il est libre. Ce n’est pas parce que sa peine est

réduction de peine” indique le Tribunal de Besançon. Par exemple, s’il fait preu- ve d’un comportement exemplaire, qu’il indemni- se les victimes, qu’il accep- te de suivre une thérapie

elle est supérieure à un an. Les remises de peines sont autorisées si le détenu fait preuve de bonne conduite. “S’il fait des efforts sérieux en prison, il peut donc obte- nir cinq mois par an de

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