La Presse Bisontine 58 - Septembre 2005

L’ÉCONOMI E

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Hubert, 46 ans, créateur d’entreprise dès septembre H ubert, lui, 46 ans, n’a pas été étonné du tout lors de l’annonce du entreprise, “pour faire un peu la même chose que chez Augé, de l’aide à l’investissement.” Depuis un mois, il monte son dossier, a fait le tour de toutes plan social. Les difficultés de l’entreprise, il les avait vus

E NTREPRISE Après le plan social

Que se passe-t-il après le plan social et le licenciement, quand la porte de l’usine se referme et que chacun se retrouve seul, dans son coin ? Parmi les quelque 300 salariés de l’entreprise Augé Découpage, à Besançon, 96 ont été licenciés début juin. Deux mois après, nous en avons rencontré quelques-uns et les avons suivis dans leurs recherches quotidiennes. grande majorité, 90 % des salariés est sui- vi par un cabinet de reclassement, mis en place lors du plan social. Mais pour cer- tains, il y a ces dossiers de formation qui “prennent la tête” , la réalité de la recherche d’emploi qui “ne se passe pas comme onnous l’avait dit.” O Lendemains de licenciement chez Augé D ans lagrande sallede réunion, ils sont une vingtaine de gaillardsplutôt costauds, assis sagement derrière des tables d’écoliers. Tousd’anciensd’Au- gé Découpage, licenciés lors dudernier plansocial, en juin. L’entreprise, au plusmal, a depuis été pla- cée en redressement judiciaire. Pour “res- ter solidaires” , ils ont décidé de s’organiser en collectif. Histoire de faire face. Sur 96 salariés, 11 ont retrouvé un emploi au bout d’unmois, 16 sont en attente de formation. Pour accélérer le retour à l’emploi, la très

les agences de l’em- ploi pour obtenir des aides. “Tout le mon- de vous dit qu’ils sont prêts à vous aider, A.N.P.E., Assedic…Mais à la fin, il y a tellement d’avis différents que

venir depuis long- temps. À la division chargée des inves- tissements, où il tra- vaillait depuis 11 ans en tant que chargé de projet, il n’avait plus de tra- vail depuis des

Hubert a un client pour le mois de septembre.

semaines et des semaines. “Depuis septembre 2004 en fait, plus rien ne se passait. Alors on se doutait bien que ça allait mal finir.” Après son licenciement, il a décidé de se lancer dans la création de son

c’est dur de savoir comment s’y prendre” , avoue-t-il. Hubert a déjà un client pour le mois de septembre. D’ici là, il doit suivre une formation de deux semaines, en informatique. O

Éric, 40 ans. Quitter l’usine pour le chauffage. P armi les anciens d’Augé, ils sont huit en tout à vouloir créer une entre- prise, quitter le monde de l’indus- charnière. Cela fait deux ou trois ans que j’y pensais. Mais à l’usine, il y avait un salaire, une bonne qualité de vie. Et puis c’est pas facile de partir, c’est toutes nos habitudes.”

trie et de l’usine. Près de 10 % de l’effectif, “beaucoup plus que la moyenne” , se félici- te le cabinet de recrutement. C’est le cas d’Éric, 40 ans. “Peut-être qu’il faut être un peu fou, mais cela faisait près de 20 ans que j’étais dans cette entreprise quandmême” ajoute-t-il. Cheveux roux en queue de che- val, tatouages sur le corps, il aimerait se lancer dans l’installation de chauffages et climatiseurs chez les particuliers. “Aumoins, c’est du travail qui ne partira pas à l’étran- ger.” Le licenciement, il le vit comme une “opportunité” , qui tombe à “une période

Depuis, il s’est lancé dans la recherche d’une formation. Elle commence le 26 sep- tembre. Pendant près d’un mois, Éric a bataillé pour réussir à faire financer sa for- mation, “car ni l’A.N.P.E. ni la Région ne voulaient payer en premier.” Un accord a finalement été trouvé entre les partenaires à la mi-juillet. “Je suis prêt à me bagarrer à fond pour l’avoir cette formation. C’est mon avenir. Et si je ne l’ai pas, je sais que je me retrouverai dans une usine.” O

À 46 ans, Hubert a décidé de créer son entreprise, en gestion d’investissement. Il a déjà un premier client pour la rentrée.

Après 20 ans passés à Augé, Éric, 40 ans, reprend le chemin des bancs de l’école. Il devrait commencer en septembre une formation de chauffagiste.

Jean-Jacques, 20 ans d’Augé. Des entretiens sans résultat pour l’instant P endant 20 ans, Jean- Jacques a été techni- cien en atelier, chez

Jean-Jacques Amet, cabinet SODIE. Confiance, le maître-mot.

prise “pour laquelle on s’est démené pendant des années. Alors la voir péricliter com- me cela, ça fait quelque cho- se. Il y a forcément un peu d’amertume.” Il n’a pas enco- re trouvé de travail. Depuis un mois, il multiplie les can- didatures spontanées, épluche l’annuaire des entreprises de découpage. “Ça occupe à plein temps” , s’amuse-t-il. Il a déjà passé “deux ou trois entre- tiens” , n’a pas encore eu de réponse ou alors les préten- tions salariales ne convien- nent pas. “Mais je reste confiant. C’est tout récent, un mois seulement. Je ne me sens pas demandeur d’emploi, non vraiment pas. Mais c’est sûr que si la situation venait à d’éterniser, dans deux mois, je verrai sans doute les choses autrement” , reprend l’hom- me encore jeune, silhouette longue et élégante. O

P our tous, il y a aussi l’an- tenne emploi, mise en place par le cabinet de recrutement SODIE. Depuis peu, elle s’est installée dans un appartement de Planoise, le photocopieur est à peine débal- lé. Un choix qui n’est pas ano- din. “On essaye toujours de ne pas rester dans l’usine, d’aller ailleurs. Ce sont des petites choses,mais c’est important pour tourner la page. Ça évite de reve- nir dans l’usine, de refaire le monde avec les collègues. Dou- cement la voiture apprend à suivre un autre trajet que celui qu’on a fait pendant 20 ans tous les matins” , explique Jean- Jacques Amet, le directeur de projet pour toute la région Est du cabinet SODIE. Pendant un an, le cabinet va suivre les salariés qui le sou- haitent dans leurs démarches, les aider à construire un “pro- jet réaliste par rapport à l’envi-

et les bas qu’il faudra gérer plus tard, dans quelques mois, lors que la recherche d’emploi s’éter- nise. “Pour ceux qui se démè- nent en cemoment, s’ils ne trou- vent pas, il y aura un creux de vague. On est là pour remobili- ser, dynamiser. Donner des coups de pied au cul s’il faut. ” Son cabinet affiche 80%de “solu- tions identifiées correspondant aux souhaits des personnes” , au bout d’un an. Mais pour cer- tains, le retour à l’emploi sera plus difficile. Au local de la C.G.T., à la fin de la réunion de solidarité, un des anciens sala- riés en est conscient. “Là, tous ont le moral. On est licencié en été, c’est quandmême agréable. Pour certains, c’est presque com- me de très longues vacances. Ils en profitent surtout les jeunes. Mais à la rentrée, il va y avoir des réveils douloureux. Et ce ne sera certainement pas la même ambiance.” O

ronnement.” Car beaucoup n’ont jamais été au chômage, connais- sent mal le marché de l’emploi actuel. “On est là pour les aider mais sans insister. Ils ne doi- vent pas être pris par la main” , ajouteJean-JacquesAmet. “Mais on est aussi là pour leur faire entendre un certain nombre de choses. Beaucoup sont las de l’usine, veulent changer. Notre rôle, c’est aussi de leur dire que cela va changer leur rythme de vie, les informer sur les risques, les freins, leurs atouts.” Il faut aussi savoir redonner confian- ce à ceux qui pensent “ne pas avoir de compétences particu- lières.” Et accompagner psy- chologiquement le choc du licen- ciement. “Beaucoup de choses ressortent au début. Ils n’ont plus les patrons en face d’eux, alors ils se défoulent sur le cabi- net. On est aussi là pour cela” , reconnaît Jean-Jacques Amet. Il connaît bien aussi les hauts

Augé Découpage. Presque la seule boîte qu’il ait connue. Lorsque l’entreprise a annon- cé son plan social, il s’est por- té volontaire pour partir. “Par- ce que j’avais appris des trucs chez Augé mais je ne pouvais pas les mettre en pratique. Je ne voyais plus d’évolution pos- sible pour moi, parce que tous les gens au-dessus avaient mon âge ou étaient plus jeunes” , explique-t-il d’une voix calme et posée. Dans l’usine, après l’annonce d’un plan social, l’ambiance s’est aussi dégradée. “Alors c’était pas mal de partir. On a eu le temps de se préparer. Il y a des gens qui n’auraient jamais cru être dans la charrette, là, c’est dur.” Avec une pointe de nostalgie, il évoque Augé, cette entre-

Directeur de projet au sein du cabinet de reclassement SODIE, Jean-Jacques Amet accompagne les salariés dans leurs démarches. “Beaucoup de choses res- sortent au début. Ils n’ont plus les patrons en face d’eux, alors ils se défoulent sur le cabinet. On est aussi là pour cela”, reconnaît-il.

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