La Presse Bisontine 48 - Octobre 2004

L ES TILLEROYES Les voisins souhaitent sa destruction Un terrain de sport construit sans autorisation Édifiée par la ville de Besançon dans un parc appartenant au Conseil régional, l’aire de loisirs a été réalisée au début de l’été sans aucu- ne déclaration préalable de travaux. Les riverains importunés par la proximité de la plate-forme crient au scandale. L’ACTUALITÉ DU MOIS

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U n petit pavillon blotti au fond d’une rue pai- sible du quartier des Tilleroyes. Délimitant la propriété, un mur de pierres sèches. De l’autre côté s’étend le vaste parc de Château Galland, un site qui abrite notamment l’A.D.A.P.E.I. et l’E.R.E.A., un centre de réinsertion géré par le Conseil régional. Le parc, planté d’arbres centenaires, constitue un havre de paix dans ce site classé. Le pavillon de Nathalie et David Bressand ne pouvait donc être plus à l’abri des bruits de la ville. Ce tableau idyllique s’est rapidement étiolé au cours de l’été lorsque les riverains de la rue Berthe Morisot ont vu débouler des engins de tra- vaux publics venus abattre des dizaines de plantations, dont plu- sieurs de ces arbres centenaires, et apporter des tonnes de remblais pour rehausser et niveler le terrain en bordure du parc. Le terrain de sport, une construc-

tion plutôt bien pensée, présente néanmoins un inconvénient de taille : il a été fait en dépit de toutes les règles en matière d’urbanisme. Sans déclaration de travaux préalable et qui plus est, sur un site boisé clas- sé ! Rapidement tenus au courant de ces étonnants oublis, Nathalie et David

que ce terrain était inconstructible et qu’ a priori , la ville était en totale infraction.” Le mal était fait. D’après nos infor- mations, la construction de ce ter- rain de sport a été décidée et finan- cée en partenariat entre le Conseil régional (gestionnaire de l’E.R.E.A.) et la ville de Besançon. Son coût -

Le terrain de sport a été construit à moins de 4 mètres de la copropriété habitée par David Bressand.

riverains ont d’autres craintes. “Le remblai vient appuyer contre le mur de pierres sèches qui a déjà bougé depuis quelques semaines. Imaginez qu’un jour, il s’écroule sur un de mes enfants !” Ce qu’attendent mainte- nant David et Nathalie Bressand ainsi que d’autres voisins proches, c’est la destruction pure et simple de ce terrain de sport. Une hypothèse improbable. Pourtant réclamée par les habitants des Tilleroyes, cette aire de loisirs est loin de faire l’unanimité. Une assemblée générale extraordinaire entre les trois copropriétés concer- nées devait être organisée dans les prochains jours. Une action en jus- tice pour contraindre la ville à répa- rer le préjudice n’est pas exclue. Une chose est sûre, les riverains ne comp- tent pas en rester là. ! J.-F.H.

chantiers. Pire : il n’y avait aucune trace de ce chantier au service urba- nisme de la ville, c’est un peu fort !” s’étonne David Bressand. Après une réunion des habitants du quartier le 15 juillet dernier, “on a réussi à fai- re cadenasser l’entrée et interdire l’ac- cès au terrain.” Au retour des vacances, nouvelle sur- prise : “L’entrée du terrain avait été forcée. Les jeunes jouaient au basket ou au foot jusqu’à 21 heures, voire minuit parfois. Certains soirs, il y avait jusqu’à 40 gamins ! Avec la dis- position des immeubles en amphi- théâtre, ça résonne, le bruit était infer- nal. Le 23 août, nous avons recontacté la mairie pour qu’ils ferment ce ter- rain. Depuis trois semaines, plus per- sonne n’y accède” ajoute David Bres- sand à demi-soulagé. Actuellement, la vie du quartier est à nouveau paisible. Seulement, les

110 000 euros - a été divi- sé en deux et l’utilisation de cette aire de jeux doit être partagée entre l’E.R.E.A. en semaine et en journée, et les enfants du quartier en soirée, le mercredi et le week-end. Courant juin et juillet, plusieurs rencontres entre les riverains mécontents

Bressand, les voisins les plus proches, ont pris le taureau par les cornes. Ils racontent : “Quand on a vu que les arbres étaient coupés et que les services de la ville commençaient le terrassement, nous sommes allés au service de l’urbanisme en mairie. On nous a répondu qu’il

“Imaginez qu’un jour, il s’écroule sur un de mes enfants !”

et les services de la ville n’ont fait que confirmer les torts des services municipaux. “Nous avons même lan- cé une pétition dans le quartier deman- dant plus de transparence dans les travaux : il n’y avait aucun panneau comme il y en a dans tous les autres

n’y avait pas eu de demande de construction en ce sens. Nous avons ensuite recontacté le service où on nous a répondu : “Je ne peux rien faire, c’est politique !” Puis nous sommes allés voir au plan d’occupa- tion des sols pour nous apercevoir

R ÉACTION Un avocat saisi La mairie reconnaît son “erreur”

R IPOSTE Constat d’huissier Que peuvent attendre les

A u cours de l’été, pendant les travaux, un huissier est venu constater l’ab- sence de déclaration de travaux et la construction de cette aire de jeux dans le parc de Château Galland. Sur le plan de la justice, il n’y a pas encore eu d’autres actions concrètes. Mais les habitants sont bien déterminés à faire entendre leur voix. Peu- vent-ils être entendus ? Selon un avocat bisontin spécialiste des ques- tions d’urbanisme, “cet aménagement sportif a eu lieu sur un site en espace boisé classé néces- riverains ? Les habitants des Tilleroyes ont pris des dispositions pouvant conduire à une action devant le tribunal administratif et pénal. Ils affûtent leurs arguments.

Les élus en charge du dossier font leur mea culpa , tout enmettant l’accent sur l’utilité d’un tel équipement. Ils n’envisagent pas sa démo- lition mais la pose d’une palissade anti-bruit.

tats du dépôt de la déclaration de travaux. L’aire de jeuxne sera pas rouverte tant que nous ne serons pas en conformité.” Cependant, Christophe Lime se retranche derrière le fait que “ce terrain de sport est une demande des habitants et du conseil de quartier depuis de nombreuxmois. Les travaux ont été décidés en conseil municipal cette année. Il faut dire que dès qu’on installe un équipement public, des riverains sont gênés. Quand une ville bouge, elle évo- lue, et parfois ça gêne. Nous avions estimé que l’endroit choi- si était lemoins gênant possible tout en n’étant pas trop éloigné du quartier et accessible aussi bien aux jeunes des Tilleroyes qu’aux élèves de l’E.R.E.A. Nous n’avions guère d’autres possibi- lités. Maintenant, nous devons trouver des solutions intelli- gentes.” Visiblement embarrassée par cette affaire, la mairie se pré- pare à devoir comparaîtredevant les tribunaux. Du côté des rive- rains, un avocat a déjà été sai- si du dossier. ! J.-F.H.

“L a ville reconnaît qu’il y a eu une erreur tech- nique administrative dans l’élaborationde ce dossier.” Beau joueur, l’adjointauxespaces verts Éric Alauzet fait amende honorable. Uneerreuraussi gros- sière paraît aberrante. L’adjoint aux espaces vers est formel :

Nous avons prévud’installer une palissade en bois.” Désormais, les élus de la ville disentvouloirsemettreenconfor- mité. Une déclaration de tra- vaux a posteriori a été prise, ce qui, sur le plan administratif, doit rectifier l’erreur initiale, mais n’enlève rien du caractère “illégal” de la construction. La vil- les’attenddoncàune riposte des riverains devantlajustice. “Les riverains ont décou- vert une faille, c’est normal qu’ils l’ex- ploitent. Si jamais, c’est le juge qui tranchera.” L’adjoint Christophe Lime, res- ponsable du patrimoine, nuan- ce un peu le discours. Lui aussi reconnaît qu’il yaeu “une erreur” et affirme vouloir “essayer de la rectifier.Nousattendons les résul-

impossible ou interdit de construire sur cette zone. Mais d’autre part, l’aire de loisirs peut être considérée comme un “ouvrage public”. Des photos ont été prises durant l’été pour montrer les carences de ce dossier.

“Nous sommes sur un site boisé classé donc inconstructible.” Pourtant, la mairie assure que “c’est au niveau des services que l’erreur s’est pro- duite. Cela arrive

“Ce terrain de sport est une demande des habitants.”

“Dans ce cas, il est beaucoup plus dif- ficile d’obtenir une démolition. Il y a confrontation entre des intérêts privés (le bruit, la gêne) et l’intérêt général.” Le juge administratif ne peut être concerné par l’affaire tant que les actes administratifs n’existent pas (autorisation ou déclaration de tra- vaux…). Quant au juge pénal, il peut

sitant une autorisation préalable d’abattage d’arbres que la collectivi- té n’avait même pas sollicitée.” Pre- mière faute. Ensuite, “cette construc- tion devait faire l’objet d’une déclaration de travaux, ce que la ville n’avait pas fait.” Deuxième négligence. Par consé- quent, dire que cette construction est illégale est “sans doute un résumé un peu brutal mais a priori exact.”

La première tranche terminée en octobre.

peut-être une fois tous les 30 ans. Maintenant, d’un point de vue administratif, politique et des nuisances aux riverains, nous allons faire le maximum. Nous allons rechercher avec les rive- rains des mesures compensa- toires pour limiter les nuisances.

être saisi en ce qui concerne les nuisances pro- voquées par cet équipement public et pour dévider d’allouer des dommages et intérêts aux plaignants. ! J.-F.H.

Dès lors, deux grands principes de droit peu- vent se heurter : certes l’aire de jeux a été édi- fiée sans déclaration de travaux. La démoli- tion pourrait donc être obtenue s’il était

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