La Presse Bisontine 273 - Février 2025
6 L’interview du mois
Février 2025
ÉTAT
Le préfet du Doubs Rémi Bastille
“Dans le Doubs, il n’y a pas de quartiers ou de secteurs à l’abandon” Tout juste un an après son arrivée à la tête de la préfecture du Doubs, Rémi Bastille balaie les principaux dossiers que les services de l’État auront à aborder cette année dans le Doubs. Avec une actualité chaude parmi d’autres, la lutte contre la criminalité liée aux trafics de stupéfiants.
L a violence liée aux trafics de stupéfiants s’amplifie, et gan grène jusqu’au centre-ville de Besançon. Comment réagis sez-vous ? Rémi Bastille : Ce qui s’est passé à Besançon avec des tirs à la kalachnikov est un fait aussi exceptionnel qu’intolérable. Ce sujet des tirs n’est pas complè tement nouveau, hélas, et c’est un sujet national qui justifie que le ministre de l’Intérieur et le garde des Sceaux en aient fait leur priorité numéro 1 de l’année. La montée en puissance des réseaux criminels liés au trafic de stupéfiants nécessite ici dans le Doubs comme ailleurs un tra vail en profondeur, c’est ce que nous avons engagé ici depuis plu sieurs années. De gros efforts ont été employés à Planoise notam ment pour reprendre en main la situation et éradiquer de nom breux points de deal. Il en reste quelques-uns, trois ou quatre, mais bien sûr que l’objectif est de les éliminer tous. Tout en sachant que les modes de trafics ont beaucoup évolué et nécessi tent des moyens d’enquête diffé rents. À Planoise par exemple, il faut aussi voir le positif, cette lutte sans relâche contre ce fléau a permis une forme d’apaisement depuis quelques mois. Les forces de l’ordre et la police ne relâchent pas leurs efforts contre un trafic qui est bien réel. L’an dernier dans notre département, le nom bre de mis en cause pour trafic a augmenté de 40 % par rapport à l’année précédente. Les opérations dites “place nette” sont elles vraiment efficaces ? R.B. : Elles sont efficaces quand elles sont adossées à des procé
dures judiciaires. Il ne faut donc pas les faire n’importe quand, mais uniquement quand le travail des enquêteurs les rend perti nentes. Il y en a déjà eu deux à Planoise, une dans le secteur de Montbéliard, une à Battant qui nous a aussi permis de contrôler les commerçants dans un quartier qui a exprimé ses attentes en matière de présence des forces de l’ordre. Nous allons continuer à conduire de telles opérations. Dans le Doubs, il n’y a pas de quartiers ou de secteurs à l’abandon. Où en est la F.A.R. (Force d’action répu blicaine) annoncée à grand renfort de communication il y a plus d’un an ? R.B. : Tout le monde aura remar qué qu’avec les différents chan gements de gouvernement, le por tage politique de cette opération
l’A.R.S., etc. L’annonce phare est évidemment la création d’un nou veau commissariat à Planoise. Les études ont été faites, l’aspect foncier réglé, il faut désormais que ce projet à 10 millions d’euros soit calé dans les prochains bud gets du ministère de l’Intérieur. La sécurité reste la préoccupation prin cipale des habitants. Quels sont les derniers chiffres de la criminalité à l’échelle du Doubs ? R.B. : En volume, on constate que les faits augmentent un peu chaque année. En 2024, on a enre gistré une augmentation de + 5,7 % des faits de délinquance. Si on entre dans le détail, on constate que les atteintes aux biens (cambriolages et vols) sont stables, voire en légère régression, et d’un niveau très en deçà de ce qu’il était il y a encore dix ans. En revanche, on déplore une aug mentation très forte des faits d’atteinte à l’intégrité physique dans la sphère familiale ou la sphère des relations proches. Quelle part est liée à la libération de la parole des victimes, à la tolérance plus faible de la société vis-à-vis de ces violences ou une réelle augmentation des faits ? C’est plus difficile de le savoir. R.B. : Les violences intrafamiliales ont augmenté de + 8,2 % en 2024, avec plus de 4 000 faits constatés à l’échelle du département. Les violences sexuelles, elles, ont bondi de + 37,9 %, avec plus de 800 faits constatés. Cela dit sans doute aussi à quel point la société a été aveugle jusqu’ici par rapport à ces violences dont la lutte est une priorité toujours plus affirmée. En chiffres, que représentent ces vio lences ?
Vous êtes arrivés il y a un an avec une première sortie au rond-point de l’Al liance à Étalans face aux agriculteurs en colère. Les choses se sont-elles apaisées pour l’agriculture locale ? R.B. : Le Doubs a la chance d’avoir une agriculture solide avec des filières porteuses, ce qui explique sans doute le peu de manifesta tions constatées. Les questions de simplification administrative touchent bien sûr les exploitants du Doubs aussi. Mais sur ce volet administratif, tout est en cours de traitement et la loi d’orientation agricole devrait être votée assez rapidement. De notre côté aussi, on continue à soutenir la Région pour le versement du F.E.A.D.E.R. Les prochains défis de notre agri culture, c’est notamment l’adap tation à l’évolution du climat, éga lement l’application de la loi Égalim. Sur ce point, on a lancé un travail de fond sur la fourniture de produits issus de l’agriculture locale dans les cantines des col lectivités locales. Il y a encore des marges de manœuvre. La question de l’épandage des boues dans le cadre de l’évolution du cahier des charges des A.O.P. fromagères sera également à traiter. Qu’en est-il du loup dans le massif jurassien ? R.B. : Le nouvel arrêté intermi nistériel est en cours de valida tion. Il permettra de sécuriser juridiquement les tirs de défense. Cela permettra aussi de conforter ce que nous avons mis en place concernant la protection des éle vages bovins, spécifiques à notre massif.
se conjuguent avec des secteurs comme l’automo bile qui souffrent et une horlogerie, notamment côté suisse, qui traverse une période très compliquée. Cela se ressent immé diatement sur les chiffres du chô mage. L’autre fac teur, c’est que des entreprises arri vent au bout des aides auxquelles elles ont droit depuis 2020 dans l’activité partielle de longue durée. Certaines aussi remboursent leur P.G.E. et présen tent des trésoreries
Fermons le chapitre sécurité avec le volet routier. Certains s’étonnent que le préfet du Doubs n’ait toujours pas ordonné la remise en service des radars qui quoi qu’on en dise participent à la baisse de l’insécurité routière. Qu’en est-il ? R.B. : Je suis dans la situation de tous les préfets de France : l’en tretien et la réparation des radars font l’objet d’un marché public et les détériorations de ces radars, on l’a vu encore récemment avec la colère agricole notamment, sont encore nombreuses. La remise en état des radars ne va sans doute pas aussi vite qu’on le souhaiterait mais une chose est sûre, ils seront remis en état et je n’ai aucune tolérance vis-à vis de ces faits-là. Quant aux chif fres de l’insécurité routière, ils ont été stables en 2024 avec 26 tués sur les routes du Doubs, comme l’année précédente. À ce niveau-là, on atteint une sorte de palier en dessous duquel il devient difficile d’agir. On est évi demment bien loin des 170 morts par an constatés sur nos routes dans les années soixante-dix. La prévention et les radars ont bien sûr montré leur efficacité. Vous avez fait de l’emploi et de l’activité économique une autre grande priorité de cette année 2025. Que peut faire l’État à l’échelle du Doubs pour lutter contre une conjoncture économique qui s’annonce compliquée ? R.B. : Le rôle de l’État en matière économique est d’accompagner le mieux possible les entreprises. On constate dans le Doubs que plusieurs facteurs conjoncturels
“Les violences sexuelles ont bondi de + 37,9 %.”
a été quelque peu chamboulé. Mais sur le fond, au ser vice du territoire, l’essentiel des actions contenues dans ce pro gramme F.A.R. sont conduites. Le travail de diagnos tic sur les enjeux de Planoise a été conduit et il a per mis de cibler les forces et les fai blesses de ce quar tier, de lancer des actions dans le cadre de la cité éducative (qui sera bientôt éten due à tous les quartiers priori taires de la ville), sur le plan de la santé avec
“Nous allons continuer à conduire des opérations place nette.”
fragiles, avec déjà des licencie ments dans certains secteurs. Raison pour laquelle nous avons mis en place une cellule de suivi de l’activité économique notam ment dans le Nord Franche Comté, et nous continuons à sou tenir les gros investissements productifs avec des dossiers d’im portance comme Sycrilor à Char quemont par exemple. Le dispo sitif France 2030 de soutien aux projets se poursuivra, en dépit du petit stand-by lié à l’attente de vote du budget en France. Sur le plan économique, la majorité des programmes de soutien seront renouvelés. Mais il va en effet falloir de l’engagement de tous les acteurs de l’économie.
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