La Presse Bisontine 271 - Décembre 2024 - Janvier 2025

8 L’événement

La Presse Bisontine n°271 - Décembre 2024 - Janvier 2025

l Parcours endométriose

Témoignages

Sortir de la toile d’araignée physique et psychique de l’endométriose

Les patientes du parcours endométriose passent une journée à l’hôpital de jour, puis ont une consultation trois mois après celle-ci avec un gynécologue. Maladie doulou reuse, difficile à diagnostiquer, elle plonge souvent les femmes souffrant d’endomé triose dans un parcours médical complexe émaillé parfois des réflexions violentes. Rencontre avec Marion Diaz, de l’association Endofahm et patiente experte.

Reconnue comme une Affection longue durée (A.L.D. 31) soit une maladie grave mais qui ne fait pas partie des A.L.D. 30, les patientes doivent notamment faire les avances de frais médi caux. Il est également devenu possible de déposer un dossier M.D.P.H. pour obtenir des postes adaptés ou une reconnaissance de travailleur handicapé. “Ça avance dans le bon sens, reprend Marion Diaz. Mais qu’au moins, les femmes soient entendues et prises au sérieux. Il n’est pas normal d’avoir mal pendant ses règles.” Paradoxalement, Astrée a été soulagée du diagnostic : “Ce n’est pas dans ma tête, je ne suis pas folle.” La jeune femme suit un traitement hormonal pour limi ter ses règles, les menstruations faisant flamber à chaque fois l’endométriose. “C’est une mala L’endométriose développe des tissus semblables à la muqueuse utérine qui vont coloniser les organes alentour (vessie, ovaires, etc.) et les figer, générant d’im portantes douleurs. L’endométriose, c’est quoi ?

P étillante et solaire. Ce sont les premiers mots qui viennent à l’esprit lorsqu’on croise Marion Diaz à l’hôpital de jour. Malgré la maladie et le handicap qu’elle a généré, la jeune Bisontine a de l’allant et va de l’avant. Elle vient tous les jeudis midi en tant que patiente experte pour parler de la maladie qui l’a durement touchée dans sa chair. C’est en 2008 qu’elle découvre qu’elle est atteinte d’endométriose. Marion Diaz subit 6 opérations pour retirer des nodules qui avaient envahi son corps, jusqu'au nerf sciatique et à la vessie, rendant la jeune femme invalide d’une jambe. “Je me suis retrouvée avec des séquelles handica pantes, j’ai été licenciée de mon poste de commerciale itinérante. C’est là que je me suis dit qu’il fallait que je fasse quelque chose pour que ça n’arrive pas aux autres femmes.” Elle crée en 2022 l’association Endofahm (femme accompagne

dévoilé (l’endométriose ne se voit pas aux imageries), le radio logue lui assène : “Vous n’allez pas emmerder pas un spécialiste pour ça.” Convaincue de souffrir d’endométriose, du moins elle voulait une confirmation ou infirmation de son intuition, “pour moi, tout concordait.” Sou tenue par sa famille, la jeune femme s’entête et se rend en consultation avec un gynéco logue. Il faudra qu’elle subisse une cœlioscopie de diagnostic pour que le corps médical recon naisse l’endométriose. Elle a dû être cautérisée à 4 endroits du corps. “En salle de réveil, j’étais perdue, j’ai vu 4 cicatrices au lieu des trois prévues. Effective ment, l’endométriose était plus étendue que ce que pensaient les médecins.” “Il y a encore des médecins qui ne connaissent pas la maladie” , intervient Marion Diaz. Même si elle constate une évolution depuis 5-6 ans, son objectif est de sortir la maladie de l’ombre.

ment humain multiple). Séve rine Bey, cadre de santé, la contacte pour intégrer le par cours endométriose en tant que patiente experte. “En 2008, l’en dométriose était totalement inconnue.” Marion Diaz a dû cheminer seule dans son par cours pour surmonter les dou leurs qu’engendre la maladie. Douleurs physiques mais aussi morales. Car encore aujourd’hui, les patientes qui partagent le repas avec Marion Diaz font écho de

Marion Diaz (en robe noire), avec une partie de l’équipe de l’hôpital du jour.

dométriose, tu es jeune, tu n’es pas grosse…” Un autre médecin m’a sorti : Tu veux une qualité de vie ou un enfant, il faut choi sir. L’endométriose, c’est une toile d’araignée physique et psy chique. On est atteint dans son psychique féminin. On est confronté à des questions pro fondes comme être mère ou pas. Ça peut détruire certaines femmes.” Astrée souligne : “Je ne veux pas d’enfants donc j’ai plus accepté la maladie.” Lors du parcours endométriose, les patientes ont droit à des entretiens avec une infirmière en éducation thérapeutique, avec une infirmière de la dou leur, avec une sexologue et psy chologue, une séance collective de kinésithérapie et de patiente experte en alimentation. n L.P.

die incurable , souligne Marion Diaz. Mais on peut soulager la souffrance. On ne sait pas com ment elle peut évoluer.” Des nodules peuvent se redévelopper, nécessitant d’autres opérations. À l’hôpital de jour, Astrée se sent accompagnée, elle apprécie notamment les séances avec une psychologue et une sexologue. “Seule, je ne serai jamais allée voir un sexologue, jamais je n’au rais pensé en voir un, un jour.” Et pourtant, à cause de la mala die, les rapports sexuels peuvent être douloureux et cela reste trop tabou. “Moi, un médecin m’a dit : Si tu veux garder ton copain, il va falloir se forcer, intervient une autre patiente. Ce sont des mots pas entenda bles, c’est de l’apologie du viol. J’ai aussi entendu tout un tas d’idées fausses, de représenta tions. “Tu ne peux pas avoir d’en

Une toile d’araignée physique et psychique.

réflexions mal veillantes, par fois violentes de la part de pro fessionnels de santé dans dif férents hôpi taux. Astrée, 24 ans, se souvient qu’après avoir passé un exa men d’image ries, qui n’a rien

l Association Vivre comme avant

Témoignages

Des échanges pour lâcher les tensions et décompresser Lors du repas partagé avec les bénévoles de l’association Vivre comme avant, Maryline, Nicole et Corinne ont accepté

de témoigner de leur vécu, de leur expérience, de leur ressenti face au cancer du sein. Une rencontre où, malgré la maladie, les rires fusent et les liens se nouent.

E lles ne se connaissaient pas au début de la journée et pour tant, la discussion coule entre elles avec facilité. Bien sûr, leur maladie est au centre des discus sions, c’est bien là tout l’objet de ces échanges entre patients et patients experts de l’association Vivre comme avant. Maryline, Corinne et Nicole sont entrées ce jour à l’hôpital de jour pour leur journée post-opératoire. Elles acceptent de se livrer sur leur maladie et leur vécu au cours du repas partagé avec les bénévoles. “C’est mieux de faire ces échanges plus tard. Quand les béné voles nous visitent juste après l’opéra tion, on n’a pas forcément les questions” , observe Corinne. “Il faut qu’on s’accepte, accepter son corps”, relève pour sa part Maryline qui subit une rechute de son cancer, le premier étant en 2018. La Haut-Doubienne a ainsi fait l’ex périence d’une prise en charge avec et sans l’hôpital de jour. Si elle a été extrê mement bien aidée la première fois par l’équipe médicale mais aussi par

la pratique du sport adapté, elle appré cie aujourd’hui de pouvoir échanger à plusieurs, de pouvoir exprimer les pen sées et les ressentis négatifs, “lâcher toutes les tensions, des choses qui restent coincées.” Seule avec ses deux enfants, Maryline “n’a pas envie de dire qu’elle est malade. Mais là, dans ce cadre, j’ai l’impression de décompresser complè tement, on lâche un coup de pression pour repartir, on s’autorise, on se donne

Maryline, Nicole et Corinne, trois

femmes qui ont partagé leur vécu pour s’aider et aider les autres.

le droit de lâcher des choses qu’on ne fait pas dans la vie actuelle. Ici, on est considérées.” Se sentir moins seules, aider avec leur expé rience pour se faire du bien et faire du bien aux autres, sont les autres bienfaits relevés. À ce moment, Nicole est appelée pour un soin : “Ça fait mal ? Non, pas du tout, je l’ai déjà fait trois fois” , rassure

“On est considérées” disent-elles en chœur.

fait même part à l’équipe soignante qui prend note. Les patientes se sentent libres d’aborder les soignants dans une ambiance légère et bienveillante. Ici, elles ne sont pas des patientes, elles sont Corinne, Maryline, Nicole, Fran çoise, Sylviane… Des femmes qui ne sont pas réduites à leur maladie. n L.P.

de jour, les trois femmes continuent de papoter. Elles entourent Nicole, assise, vêtue d’un sweat jaune pétant, clin d’œil au mouvement des Gilets jaunes qu’elle suit toujours activement. Un peu moins depuis sa maladie, elle en convient. Corinne livre une astuce pour améliorer son confort au niveau de la poitrine et de la cicatrice, elle en

Corinne. “Partager l’expérience ne serait ce que pour la douleur, ajoute-t-elle. Si un soignant nous dit que ça ne fait pas mal, on ne le croit pas, si c’est un patient, on le croit. Moi, c’est surtout la douleur qui me fait peur, mourir c’est une chose mais souffrir… la dou leur me fait plus peur que la mort.” Dans le couloir à l’entrée de l’hôpital

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