La Presse Bisontine 261 - Mars 2024

L’événement 7

La Presse Bisontine n°261 - Mars 2024

l Commentaire La sénatrice Annick Jacquemet “La lumière artificielle contribue au déclin de la biodiversité” La sénatrice du Doubs Annick Jacquemet a été la rapporteure d’une note scientifique du Sénat dédiée à la pollution lumineuse.

L a Presse Bisontine : La pollution lumineuse est devenue un vrai sujet de société ? Annick Jacquemet : Oui, dont on ne parlait pas du tout il y a encore quelques années mais qui est arrivé sur le devant de la scène par le biais économique, avec la hausse des coûts de l’énergie qui ont amené les communes à réfléchir sur la pertinence de leur éclairage public. Mais la pollution lumineuse est un vrai sujet à part entière : aux États-Unis, 80 % des habitants ne peuvent plus voir la voie lactée, c’est 60 % en Europe. Et paradoxalement, cette pollution lumi neuse est un phénomène massif et en pleine extension au niveau mondial, notamment en raison du développement des Leds.

Annick Jacquemet a été la rapporteure d’un rapport sénatorial sur le sujet.

nationale sur cette question ! A.J. : Il y en a plusieurs, qui ont commencé avec les lois Grenelle 1 et 2 sur l’envi ronnement, mais les décrets paraissent beaucoup trop lentement. Des mesures sont désormais appliquées : par exemple, tout dispositif qui éclairait en direction du ciel est désormais interdit, les globes ne sont plus autorisés, mais il reste beaucoup à faire. Pour les collectivités, notre rapport suggère de changer de

est particulièrement néfaste à certaines phases de l’existence (période de ponte et de nidification pour les oiseaux…) et peut entraîner des déclins de population importants. Longtemps sous-estimée, la lumière artificielle est désormais considérée par les spécialistes comme une pression majeure qui contribue au déclin de la biodiversité.

pour faire des propositions pragmatiques sur l’éclairage public. L.P.B. : Quelles sont les conséquences principales de l’excès de lumière ? A.J. : Les lumières, bleues notamment, sont très novices aux insectes. Pour, les humains, elles ont des incidences sur le sommeil, l’hypertension, le diabète… Tout cela est très documenté. Pour la faune, la lumière artificielle nocturne

éclairer la Citadelle de Besançon ? A.J. : On peut considérer que c’est dom mage que ce monument ne soit pas mis en valeur, l’hiver notamment quand il fait nuit à 17 heures. Mais il faut sans doute désormais le faire en respectant toutes ces nouvelles contraintes, avec une moindre intensité, et en respectant les cycles de la biodiversité surtout à la tombée du jour. n Propos rcueillis par J.-F.H.

paradigme en passant d’un éclairage systéma tique à une adaptation fine selon le contexte en concevant l’éclairage à partir des besoins réels des usagers. Après ce rapport, on va conti nuer à travailler avec les associations d’élus

“Les lumières ont aussi des incidences sur les humains.”

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l Faune

L’impact de l’éclairage Hiboux, chauves-souris et insectes, les hôtes des remparts L a présence la plus remarquée ces der nières années sur les murs de la Citadelle, chauves-souris, “très sensibles à l’éclairage nocturne, notam ment les chauves-souris rhino lophes” , ainsi que les insectes “qui vont être profondément perturbés en fonction des lon gueurs d’onde émises par la lumière.” On ne voit plus par exemple de vers luisants en agglomération. oiseaux qui s’orientent aussi grâce aux étoiles, forcément moins visibles dans un envi ronnement éclairé en perma nence. Les murs de la Citadelle abritent une faune variée. C’est aussi pour cette raison que la maire de Besan çon a souhaité mettre l’éclairage en mode pause.

La lumière peut aussi être un allié des oiseaux de proie. Ainsi le faucon pèlerin se délecte d’une Citadelle éclairée la nuit car la lumière attire les oiseaux migra teurs de passage par Besançon. Des proies toutes trouvées pour ce chasseur nocturne. La L.P.O. de Bourgogne Franche-Comté est associée à la démarche entreprise par la Ville pour repenser l’éclairage du site. n J.-F.H.

pas de nuisance particulière” poursuit le spécialiste. Ce redou table oiseau de proie profite de ce promontoire pour chasser la nuit les espèces dont il se délecte, et notamment les rats et les surmulots de la ville, voire les hérissons… Si l’éclairage ne semble pas nuire aux deux hiboux de la Citadelle, il est bien plus nocif à d’autres espèces dites “luci fuges” (qui fuient la lumière). C’est le cas notamment des

c’est celle du hibou grand-duc dont un couple niche dans les anfractuosités de la muraille depuis 5 ans. Ce grand rapace nocturne est pourtant venu “en toute connaissance de cause” souligne Marc Giroud, chargé de mission à la L.P.O. (Ligue de protection des oiseaux) à Besan çon. “L’éclairage ne lui apporte

Les oiseaux migrateurs sont également perturbés par l’éclai rage nocturne. “Ils sont attirés par la lumière mais se retrou vent dans un habitat peu propice à leur vie, avec moins de nour riture, et sont ainsi soumis à des prédateurs tels que les chats” poursuit M. Giroud. Ces mêmes

Les remparts de la Citadelle abritent depuis deux ans un couple de hiboux grands-ducs (photo L.P.O. - P. Aghetti).

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