La Presse Bisontine 261 - Mars 2024
26 Le Grand Besançon
La Presse Bisontine n°261 - Mars 2024
MONTFAUCON
Immigration
Accueil des jeunes migrants : l’appel à solidarité est lancé La commune de Montfaucon accueille depuis début décembre une dizaine de jeunes migrants africains, qui se
O n s’en souvient. La Ville de Besançon avait procédé en octo bre à l’évacuation d’un cam pement de migrants, rue d’Arènes et proposé un reloge ment dans l’urgence, à Planoise. Ce, afin d’éviter qu’ils ne se retrouvent à la rue en plein hiver. Depuis, la situation de ces jeunes a peu évolué. Pas reconnus mineurs par le Département du Doubs, ni majeurs pour l’heure par l’État, ils n’ont pas de véritable solution d’héber gement dans l’attente de décision d’un juge. Certains se trouvent ainsi toujours à Planoise, d’autres sont accueillis dans une structure aux Chaprais ou dans un abri de nuit récemment ouvert par la préfecture à Tarragnoz, suite aux pres sions des associations. Une vague de solidarité s’est également mise en place dans les communes alen tour, avec un accueil temporaire d’abord organisé à Lombard, puis à By et aujourd’hui à Montfaucon. Une dizaine de jeunes, originaire du Cameroun, de Côte d’Ivoire, de Sierra Leone et de Gui trouvaient à la rue à Besançon. La solution provisoire trouvée perdure, et amène à mobiliser d’autres communes.
jardin. On joue aussi au Uno avec eux” , explique-t-elle. “Ils sont adorables, polis, reconnaissants” , abonde Vic, une autre habitante, qui dit avoir rapidement créé des liens avec certains. “Bien loin de l’image faussée que l’on peut avoir des migrants” , remarque-t-elle. “Je viens leur couper les cheveux, leur apporter de la musique ou des cachets… Quand j’ai été malade, ils ont pris de mes nouvelles. On est comme une famille.” Et si leur arrivée a d’abord généré de l’hostilité chez cer tains habitants, elle a eu, à l’inverse, un effet fédérateur pour une autre partie de la population. Une quarantaine de personnes se mobiliserait ainsi
née, sont accueillis ici. “On ne peut pas rester insensible. Ce sont des gamins, ils ne vont quand même pas dormir dans la rue !” , souligne Delphine, une des
habitantes investies à Montfaucon. Elle a pris l’habitude de venir tous les jours leur rendre visite et leur a même ouvert les portes de sa mai son, toute proche de la salle communale dans laquelle ils sont hébergés. “On leur a installé BeIN Sport dans le cabanon de
“Ils sont adorables, polis, reconnaissants”, sourit Vic.
L’exemple de Montfaucon pourrait nourrir “un beau projet collectif de solidarité à échelle de l’agglomération”, selon Catherine Pardonnet.
TÉMOIGNAGE
En quête de reconnaissance
Ni mineurs, ni majeurs, “on les abandonne à leur sort” Partis de Côte d’Ivoire dans l’espoir d’une vie meilleure, Aboubakar et Yacouba sont arrivés à Besançon en octobre. Avec des rêves vite déçus et la sensation d’une épreuve qui se prolonge, au-delà des kilomètres parcourus.
“O n a dû gérer dans l’urgence la prise en charge de nombreux jeunes et ça n’est pas fini. Le Département du Doubs continue de les mettre à la rue” , s’alarme Gilles Tissot, représen tant du collectif Sol Mi Ré (SOLi darité MIgrants REfugiés Besan çon). Le problème vient du fait qu’ils ne sont pas reconnus mineurs, à leur arrivée sur le ter ritoire, lors des procédures d’éva luation. Malgré parfois la présence de documents. Ce qui les exclut des dispositifs d’accompagnement et d’hébergement de la protection de l’enfance. Et l’État ne les consi dère pas plus “majeurs”. Du coup, ils se retrouvent dans une errance
administrative. “On les abandonne à leur sort. Ce n’est pas normal. Le Département du Doubs, qui a en charge les mineurs isolés et l’aide sociale à l’enfance, doit pren dre ses responsabilités et faire son travail” , estime Gilles Tissot. D’au tant qu’en l’état actuel des choses, “une non-reconnaissance de mino
juge, durant la période de tran sition qui permet de trancher sur leur statut.” À l’heure actuelle, 106 dossiers de recours seraient ainsi à l’étude à Besançon. Aboubakar et Yacouba font partie de ces jeunes en attente d’une décision. Ces deux Ivoiriens, qui seraient âgés de 15 et 16 ans, disent avoir rejoint la France dans l’espoir “d’avoir une vie meilleure.” “Là-bas, les conditions sont dif ficiles. C’est dur de s’en sortir financièrement et il n’y a pas vrai ment d’avenir” , confie Aboubakar, qui a décidé de quitter le pays après le décès de son oncle, lorsqu’il s’est retrouvé tout seul. Il a d’abord rejoint la Tunisie, où
Aboubakar et Yacouba veulent rester optimistes.
dinaire. Passionnés comme tous jeunes de ballon rond. Ils sont suspendus à l’attente d’une décision concernant leur âge, et leur avenir reste incertain. Quand on leur demande quelle étape on peut leur souhaiter pour la suite, ils répondent en chœur : “Aller à l’école.” Yacouba se rêve électricien et Aboubakar, soudeur. Des carrières qui resteront empê chées ou pas, soumises à la bonne volonté des autorités. n S.G.
accueillis à Montfaucon. “On a dormi dans des tentes sous un pont. Il faisait froid, ce n’était pas évident” , reconnaissent-ils. Ravis aujourd’hui d’ “être à l’abri” , ils tiennent à remercier Sol Mi Ré et les habitants bénévoles qui les accompagnent. Grâce à leur gen tillesse, ils ont même pu voir l’équipe de football de Côte-d’Ivoire remporter la Coupe d’Afrique des nations. Une petite bouffée d’air dans ces moments de tourmente, qui les a ramenés à un peu d’or
l’accueil était loin d’être cordial. “Ils n’aiment pas les noirs” , résume sobrement le jeune homme. Puis, il a rejoint l’Italie et finalement la France, dont il parle déjà bien la langue. Le périple n’a évidemment pas été simple et a été jalonné d’épreuves, que les deux préfèrent taire. Yacouba glisse toutefois qu’il a laissé “une connaissance en Tunisie” , dont il n’a plus de nou velles depuis. Tous deux ont d’abord vécu à la rue, avant d’être
rité, ne fait pas pour autant la majorité” , rap pelle ce repré sentant. “Il faudrait que ces jeunes res tent accompa gnés le temps de leur pas sage devant le
Le Département
doit prendre ses responsabilités.”
Made with FlippingBook Online newsletter creator