La Presse Bisontine 261 - Mars 2024

Le Grand Besançon 25

La Presse Bisontine n°261 - Mars 2024

ENVIRONNEMENT Bientôt un arrêté ? Frelon asiatique : l’inquiétante invasion qui ne menace pas que les abeilles

Michel Mesnier présente ici

Alors que le printemps approche, collectivités et unions apicoles se mettent en ordre de marche et organisent la lutte contre le frelon asiatique dans le Doubs. Avec une solution trouvée dans le piégeage.

nid de frelons. C’est un vrai problème pour la biodiversité en général” , remarque Michel Mesnier. Il pose éga lement question du point de vue sani taire pour les personnes allergiques. Une réunion à destination des maires était organisée dans ce contexte le 16 février dernier, à Saône, à l’initiative du syndicat apicole du Doubs, du Grou pement de défense sanitaire apicole (G.D.S.A. 25), de l’association apicole du Haut-Doubs, de l’union apicole du pays de Montbéliard et du rucher péda gogique des Érauges. Son objectif ? “Informer et mettre en place une stratégie de lutte, avec le démarrage d’une cam pagne de piégeage des reines fondatrices au printemps.” Gille Lanio, apiculteur professionnel en Bretagne et ancien président de l’Union nationale de l’api culture française, est venu à cette occa sion exposer les méthodes expérimen tées. “Il s’agit de piéger les génitrices avant qu’elles établissent un nid pour enrayer leur développement. Ce qui suppose d’intervenir au bon moment, pendant environ six semaines. Sinon, on arrive souvent trop tard. La des truction des nids n’a pas d’incidence sur ces génitrices qui sont déjà parties, et on fait en prime plus de dégâts col latéraux par l’usage d’insecticide.” Il existe plusieurs modèles de pièges

quelques exemples de piège.

I l fait partie des espèces envahis santes jugées “préoccupantes” dans la réglementation européenne. Le frelon asiatique gagne du terrain depuis son apparition au niveau local, en 2016. Au point que s’engage une surveillance plus poussée dans le département. “Pratiquement toutes les communes du Doubs ont été touchées l’an dernier” , souligne Michel Mesnier,

hissante. La destruction d’un nid coû tant entre 100 et 150 euros. Un prix qui peut se montrer dissuasif pour cer tains particuliers. “Le frelon asiatique n’est pas classé nuisible, il n’y a donc aucune obligation d’intervenir en l’état actuel des choses” , rappelle Michel Mes nier. Un arrêté pour toute la Bourgogne Franche-Comté serait à l’étude et pour rait être pris sur ce début d’année, selon Laurent Rebillard. “On va former en 2024 un comité de pilotage et tenter de structurer un réseau. L’idée est d’avoir un référent sur tous les territoires, avec une liste d’entreprises formées et chartées pour détruire les nids. Il s’agira aussi de communiquer : le frelon se faisant plus présent, la population va de plus en plus le rencontrer. Il ne faut pas pour autant en avoir peur, mais prendre les mesures de précaution et de préven tion utiles, notamment pour les per sonnes allergiques ou travaillant à l’ex térieur.” n S.G.

homologués, plus ou moins coûteux. Ces systèmes, qui prennent la forme de boîtes que l’on suspend et dans les quelles on place un appât sucré, peuvent également être fabriqués. Bien sûr, “le but n’est pas de piéger pour piéger” , rappelle Michel Mesnier. “Il faut que ces pièges soient sélectifs et permettent aux insectes plus petits de ressortir, mais aussi en assurer le suivi et les reti rer quand ce n’est plus nécessaire.” Un peu partout, on commence ainsi à s’organiser, comme au niveau du signa lement des nids. “On travaille depuis quelque temps déjà avec les collectivités locales. La plateforme lefrelon.com, mise en place il y a deux ans, est de plus en plus utilisée” , note Laurent Rebillard, chargé de mission à la F.R.E.D.O.N. Bourgogne-Franche Comté. Les espoirs se tournent égale ment vers la possible mise en place d’un arrêté préfectoral, pour ordonner la destruction des nids dans le domaine public et privé. Car un problème éco nomique s’ajoute à cette présence enva

président du syndicat apicole du Doubs. “Le nombre de nids détruits a été mul tiplié par 10 en 2023 d’après les infor mations des désinsectiseurs.” Ce qui ne pas sans inquiéter. D’autant qu’au-delà de son impact sur les abeilles et les récoltes, le frelon asia tique représente un danger pour toute la faune entomologique. “Jusqu’à 11 kg d’insectes peuvent être engloutis par

Le frelon asiatique est reconnaissable à ses pattes jaunes et son

abdomen à dominante noire.

MONTBOILLON

D’importants dégâts causés Les apiculteurs locaux appellent à s’emparer du problème

Confrontée à de nouveaux enjeux ces dernières années (réchauffement climatique, pesticides, concurrence étrangère…), la filière apicole trouve désormais aussi dans le frelon asiatique l’une de ses préoccupations majeures.

car ils y ont été confrontés plus tôt.” Il y a, en tout cas, urgence à s’em parer du problème selon cet api culteur, pour empêcher le déve loppement de ce prédateur. “Car le risque, si on ne le freine pas, c’est de perdre non pas une mais trois ruches, voire tout le rucher complet.” Cette pression, qui s’ajoute aux autres, complexifie bien sûr le travail des apiculteurs et fragilise la biodiversité. Afin de leur apporter des solutions, une association locale s’est récemment créée. Baptisée “Donne-moi des ailes”, elle sou haite aider financièrement des apiculteurs, en proposant du mécénat de ruches auprès d’en treprises, de collectivités et par ticuliers. Un tiers de ce mécénat leur est ensuite reversé “pour l’acquisition de matériel apicole, de nouvelles ruches pour aug menter leur volume de produc

“Q uand on échange avec les anciens, ils sont nombreux à nous dire que c’est devenu trop compliqué de faire un kilo de miel” , remarque Richard Lefranc. Ce passionné d’apiculture, tombé dedans en 2011 après qu’un ami lui a donné deux ruches, reconnaît volontiers que la pratique a beaucoup évo lué. Y compris depuis qu’il s’est lancé - soit sur une période assez récente -, en lien avec le chan gement climatique. Il doit, comme tous, continuellement s’adapter. Banquier à la ville, il ne compte pas ses heures pendant la grosse période d’activité de ses ruchers de mi-mars à l’été. “L’hiver doux

qu’on a connu ces dernières semaines amène des sorties plus précoces et du coup, un apport en nourriture supplémentaire de notre part.” Installé aux portes du Grand Besançon, il dispose d’environ 150 ruches, dissémi nées dans les villages de Mont boillon, Boult, Bussières… De nature optimiste, il ne fait pas partie de ceux qui spéculent sur le devenir des abeilles, mais s’inquiète tout de même des autres dangers potentiels repré sentés par les maladies (var roa…), ou les prédateurs, comme le frelon asiatique. Ce dernier, qui était déjà installé localement quand il a commencé, a gagné en peu de temps énormément de terrain. “Sa pression et sa

prédation s’accentuent nettement depuis deux ans” , note Richard Lefranc.Leur prolifération aurait été facilitée “par les hivers moins rigoureux et le fait qu’ils s’adap tent.” Ce qui n’est pas sans inci dence, puisqu’ils causent des dommages croissants sur les ruches. “L’an dernier, j’ai subi pas mal de pertes sur l’un de mes ruchers d’élevage, qui s’est mal heureusement retrouvé à proxi mité d’un nid de frelons asia tiques.” Le piégeage constitue une des réponses possibles à son sens. Les mesures prises en ce sens dans d’autres régions semble raient donner des résultats. “On le voit notamment en Aquitaine. Ils sont plus en avance que nous,

Richard Lefranc devant l’un de ses ruchers, détient la marque “Richard cœur de miel”.

tion, de hausses ou même de pièges pour frelons asiatiques” , indiquent Hervé et Anne-Fran

çoise Belzung, à l’origine de l’as sociation. n S.G.

Made with FlippingBook Online newsletter creator