La Presse Bisontine 257 - Novembre 2023
Mensuel d'informations de Besançon et du Grand Besançon
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NOVEMBRE 2023
Mensuel d’information de Besançon et du Grand Besançon
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ILSDISENT STOP ! HARCÈLEMENT SCOLAIRE
ILS SERAIENT 20 000 ÉLÈVES HARCELÉS DANS L’ACADÉMIE DE BESANÇON
À l’image des élèves du lycée bisontin Saint-Jean qui ont fait de cette question une priorité.
Immigration, islam… Le premier adjoint bisontin P. 10
P. 6ET7 Magistrats et greffiers La justice bisontine crie sa colère
Abdel Ghezali met les points sur les i
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2 Retour sur info - Besançon
La Presse Bisontine n°257 - Novembre 2023
Le réseau de chaleur urbain prolongé de 6 km
Le réemploi de matériaux prend de l’essor
D ans le cadre de son nouveau pro gramme immobilier baptisé “L’In temporel”, dans le quartier Saint Claude à Besançon, la société S.M.C.I. a ouvert une matériauthèque. Ce concept, le plus important de Bourgogne-Franche Comté pour un chantier privé, sera ouvert pendant deux mois aux professionnels comme aux particuliers désireux de rache ter souvent à bas prix des éléments de chantier récupérés à l’occasion de cette opération de réhabilitation de l’ancienne école Saint-Jean. “Cette matériauthèque ouvre au public le samedi 4 novembre, puis un samedi toutes les deux semaines et sinon sur rendez-vous” détaille Stéphane Fare de la société Made in Past spécialisée dans la récupération et la revente de maté riaux de récupération de chantiers. Pour Fabrice Jeannot, le promoteur, cette pratique innovante “est totalement dans l’air du temps. Quand je vois ce qu’on jette
On y trouve de tout, y compris des téléphones d’époque !
T elle une toile d’araignée, le réseau de chaleur de Besançon s’étend. Parti de Planoise à la fin des années soixante, reliant depuis longtemps le quartier popu laire à l’hôpital puis au quartier des Hauts du Chazal, il fait depuis quelques semaines l’objet d’une nouvelle extension avec la création d’une branche de 6 km dans les quartiers de Saint-Ferjeux et de la Butte, qui viennent s’ajouter aux 23 km déjà existants. Six mois de travaux sont prévus pour installer le réseau, pour un investissement de 17,5 millions d’euros. “Cette nou velle branche permettra de chauffer l’équivalent de 14 000 logements” souligne la maire de Besançon Anne Vignot. Ces travaux “entraîneront pendant les 18 mois des fermetures de circulation plus ou moins com
plètes” ajoute Anthony Nappez, conseiller communautaire en charge des bâtiments. Le réseau sera éga lement prolongé jusqu’à la Grette via la rue du Polygone, avant de relier, dans une autre tranche (après 2027) le centre-ville et le secteur Saint-Jacques par un tronçon de 5 nouveaux kilomètres. Pour les abonnés en logements col lectifs, cette solution de chauffage urbain représenterait “une économie d’au moins 20 % de leurs coûts de chauffage” précisent les services de G.B.M. qui donnent un tarif indi catif moyen : 700 euros par an contre 1 000 euros avec un chauffage au gaz. L’objectif final de G.B.M. est d’atteindre d’ici une quinzaine d’an nées un réseau de chauffage urbain de 100 km en reliant également l’Est de la ville. n
comme matériaux sur des chantiers de rénovation, je me dis que le réemploi est un vrai sujet, en phase avec l’actualité et avec l’avenir de la construction” dit-il. Pour S.M.C.I., la solution du réemploi représente un surcoût de 50 000 euros sur la facture finale de ce chantier, mais “c’est aussi une manière d’être en avance sur nos obliga tions futures” ajoute le promoteur.
Dans cette matériauthèque, on y trouve, dans leur jus, plus de 100 tonnes de maté riaux à récupérer, de la lampe de bureau aux éléments de charpente, en passant
par des lavabos et des tuiles. Plus d’informations sur le lien
https://plateforme.raedificare.com/public catalogs/63beb3c437834d6392082baa/ma terials?modal= n
Le Pixel, c’est (bientôt) fini
nôtre. Le nouvel appel d’offres, c’est quasiment 100 % de la restauration. Nous, on a toujours été un peu à contre-courant de ça, de la restauration oui, mais solidaire. Les retours des gens sont assez forts, c’est d’autant plus dommage que les institu tionnels ne sont pas intéressés à la dynamique autour du Pixel” , regrette Anne-Lyse. Pour finir l’aventure en beauté, le 1 er décembre est prévu une grande soirée de clôture. Puis le 9 décembre, le Noël solidaire aura lieu avec l’association les Bisons Teints. Enfin, l’association Miroir du Monde ouvre prochainement son café associatif à Planoise dans l’ancienne brasserie de l’Espace. L’équipe du Pixel sou haite faire la transmission. Une page se tourne, une autre s’ou vre. n
L e rideau va définitivement tomber sur le Pixel à la fin de l’année. Une décision qui attriste mais loin d’être dou loureuse pour l’association la Furieuse qui a créé et géré ce café associatif situé au sein de la Cité des arts. C’est plutôt une page qui se tourne, un nou
choses reposent un peu. Et après, l’association poursuivra ses objectifs de mixité sociale et de temps d’échange entre personnes qui ne se croisent pas forcément” , explique Anne Lyse, gérante du Pixel et mem bre de la Furieuse. Créé en 2018 après l’appel d’of fres lancé par Grand Besançon Métropole et la Région, le Pixel avait signé un bail de six ans, la Furieuse ayant été la seule à répondre. Arrivée au terme de la période, l’association n’a pas souhaité répondre au nou vel appel d’offres. “La dyna mique n’était pas suffisamment là. Cela fait un an et demi qu’on y réfléchit. C’est un lieu très institutionnel qui n’était pas en attente d’un projet comme le
veau départ pour les bénévoles, qui avant de se lancer dans un autre projet, vont prendre un repos bien mérité après six années intenses de rencontres, de restauration, de spectacles, de liens sociaux… “Il y a eu beaucoup d’activités pendant six ans, c’est bien que les
Anne-Lyse (à gauche) a assumé la fonction de gérante pen dant six ans et s’est notam ment formée en cuisine et engestion d’entreprise.
Les travaux se concentrent actuellement aux deux extrémités de l’avenue Clemenceau, avec des circulations interdites ou perturbées.
E n ce numéro automnal, nous entrons dans un mois de commé morations, voilà 105 ans que le Premier conflit mondial et ses hor reurs ont versé le monde dans l’abîme. Un siècle plus tard, qu’en reste-t-il des leçons qu’on se doit de tirer de ces céré monies du souvenir. Pas grand-chose hélas. Ce travail de mémoire est pourtant plus que jamais nécessaire dans cette période secouée par de nouveaux conflits qui rugis sent aux portes de l’Europe. Et dans un contexte où tentent de souffler sur les braises certaines franges de la représen tation nationale qui pensent cyniquement servir leurs intérêts électoralistes en jouant la carte du chaos et de la division. Le débat que ces élus nationaux nous infligent n’est pas à la hauteur. On évoque entre autres une bonne part des membres Éditorial Fragmentation
de fragmentation avancée de notre démo cratie que les extrêmes, qu’ils soient de droite comme de gauche ont réussi à pro voquer, rendant toujours plus fragile l’édi fice républicain. L’embrasement du Proche Orient par une frange de plus en plus fanatisée, et ses dramatiques résurgences qui ont frappé une nouvelle fois la France, et symbole suprême, un enseignant chargé de transmettre à ses élèves les notions du bien vivre ensemble, ne peuvent que nous rappeler l’indiscutable nécessité de se souvenir de notre histoire et de ceux qui ont contribué à sauver nos valeurs démocratiques. Ni passéiste, ni étriqué dans un patriotisme suranné, le travail de mémoire est au contraire un rempart indispensable au retour toujours plus menaçant de nouvelles formes de barbarie et une ouverture indispensable à transmettre aux nouvelles générations comme un rempart à l’absurde et à l’obs curantisme ? ■ Par le directeur de la rédaction Jean-François Hauser
de La France Insoumise devenus les indignes représentants de ceux qui ont contribué à les élire. Leur abjecte réaction suite au déclenchement des attaques bar bares perpétrées ce mois-ci en Israël en dit long sur la véritable nature de ce parti qui n’aspire qu’à une chose : le désordre. Il n’est pas surprenant dès lors de consta ter que dans l’opinion, ce parti d’extrême gauche est désormais jugé par les Français plus dangereux pour la démocratie que le Rassemblement National ! Même si une analyse plus fine au regard de l’his toire pourrait tout de même démentir ces impressions sondagières. C’est dire l’étiage de considération que les représentants insoumis ont su inspirer à l’opinion publique en moins de deux ans de présence sur les bancs de l’Assemblée. Il n’est certes pas plus rassurant de constater qu’une moyenne de plus en plus nette de Français considère le R.N. comme apte à gouver ner. Ces réactions en disent long sur l’état
Directeur de la publication : Éric Tournoux Directeur de la rédaction : Jean-François Hauser Rédaction : Frédéric Cartaud, Thomas Comte, Jean-François Hauser, Laurine Personeni. Ont collaboré à ce numéro : Alexandre Arbey, Sarah George. Directeur artistique : Olivier Chevalier. Conception pubs : Éloïse Perrot. est éditée par la société “Publipresse Médias” S.I.R.E.N. : 424 896 645 Rédaction et publicité : 03 81 67 90 80 E-mail : redaction@publipresse.fr
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Crédits photos : La Presse Bisontine, G. Hutin, Musée du Louvre, Dist. RMN-Grand Palais / Hervé Lewandowski, Élodie Ocler - O.B., F.F. Tir., Rectorat. Imprimé à Nancy Print - I.S.S.N. : 1623-7641 Dépôt légal : Octobre 2023 Commission paritaire : 0225 D 80130
4 L’interview du mois
La Presse Bisontine n°257 - Novembre 2023
MÉDIAS
Le fondateur de Médiapart Edwy Plenel
“Les raccourcis risquent de nous faire entrer dans une guerre des mondes qui serait fatale”
Le fondateur et dirigeant de Médiapart a fait de l’extrême droite un de ses thèmes de prédilection. C’est notamment de ce sujet qu’il viendra débattre dans le Doubs le 8 novembre (à Morteau) à l’invitation d’un collectif citoyen.
de Daech, et l’écroulement de pays comme l’Irak ou la Syrie. Il ne faut pas bargui gner pour condamner tout crime terro riste et de guerre contre des civils, évi demment, mais il ne faut surtout pas ajouter de la passion à la passion, on voit où cela conduit. L.P.B. : Les tergiversations d’une partie de la France Insoumise sur ce sujet vous choquent elles? E.P. : Le débat politique français n’est vraiment pas à la hauteur de la situation et de sa gravité. Je ne veux pas rentrer dans le ridicule de cette polémique natio nale qui entraîne l’ancienne droite répu blicaine et de la gauche issue du socia lisme à adopter une posture qui ne fait que le lit de l’extrême droite. L.P.B. : L.F.I. ne s’est pas disqualifié à vos yeux ? E.P. : L.F.I. fait partie de ces courants politiques et intellectuels qui défendent les principes contenus dans ce qui fondent nos valeurs, à savoir la déclaration des Droits de l’Homme française de 1789, universelle de 1946, basées sur l’égalité des droits. D’autres courants, ceux d’ex trême droite notamment, prétendent l’inverse, c’est-à-dire qu’il y a des civi lisations, des religions supérieures à d’autres. Ce suprémacisme identitaire est d’ailleurs présent dans de n ombreux pays comme aux États-Unis avec M. Trump, c’est aussi le cas de M. Poutine en Russie, du Premier ministre indien également, de dirigeants fondamenta listes comme en Iran. Ce refus de la plu ralité est ce qui permet à l’extrême droite de s’imposer et de progresser. On ne peut pas comparer les partis qu’on qua lifie d’extrême gauche à ceux de l’extrême droite. Et cette digue, elle n’est hélas plus tenue correctement par les forces démocratiques. René Cassin, qui est le père de la déclaration universelle des Droits de l’Homme devant les Nations Unies en 1948, avait bien compris qu’on ne pouvait pas faire confiance aux Nations qui se revendiquent d’un seul peuple, d’une seule identité, et qu’il était nécessaire d’avoir des droits fondamen taux au-dessus des États. L.P.B. : Depuis quand cette digue que vous évoquez a commencé à s’ébrécher ? E.P. : Depuis Nicolas Sarkozy quand il a voulu créer un ministère de l’immigration et de l’identité nationale. En faisant cela, il a lié la question du rapport au monde, à l’autre, à l’étranger, à la question de l’identité en instillant donc que l’idée de l’identité serait à racine unique. Per
sonnellement, je suis un Breton d’ou tre-mer né d’un père catholique et d’une mère protestante, j’ai grandi en Marti nique puis en Algérie, je suis le père d’une fille juive par l’histoire de sa mère, j’ai une culture française et une histoire française, mais cette histoire est faite du monde. Si on rentre dans ces consi dérations, on donne la main à ceux qui pensent que l’identité est liée au sol et au sang. C’est faire entrer un renard dans le poulailler, le poison dans la soupe. L.P.B. : Les présidents suivants n’ont pas su consolider cette digue ? E.P. : Sous la présidence de François Hol lande, on a ressorti cette idée de déchéance de nationalité comme si elle était une protection, et depuis ce récent attentat d’Arras, on va durcir les condi tions pour les migrants. On s’apprête à discuter de la 29 ème loi sur l’immigration en 40 ans : est-ce qu’une seule de ces lois a résolu nos urgences sociales et démocratiques, voire écologiques ? Est ce que c’est cette question que les Fran çais souhaitent vraiment qu’on traite ? Quand il y a un grand mouvement qui vient du bas comme les Gilets jaunes, ou du haut sur la question des retraites avec les organisations syndicales, entend on parler des questions d’immigration ? La question de l’autre est une diversion qui ne sert qu’à éviter de faire face aux vraies questions, celles des fins de mois, de l’égalité, des retraites… Tous ceux qui en ajoutent dans la surenchère com mettent des manquements. Au risque de surprendre, je suis nostalgique d’une droite républicaine incarnée par exemple par Dominique de Villepin qui savait éviter tous les amalgames. L.P.B. : Ces questions d’immigration qui nourrissent l’extrême droite, vous les évacuez alors ? E.P. : Non, je dis juste qu’elles ne font qu’attiser les haines. Je rappelle que le fascisme italien et le nazisme sont arrivés par un vote, pas par un coup d’État. Je sais que si le R.N. se retrouvait à posséder ce pouvoir incommensurable que confère laV ème République, on s’apprêterait à vivre des temps difficiles. Nous sommes dans une République où le pouvoir d’un seul peut s’imposer à la volonté de tous. Et sur ce point, rien ne s’est amélioré, au contraire depuis François Mitterrand qui a encore accru les pouvoirs du pré sident. Emmanuel Macron n’a fait jusqu’ici que montrer cet absolutisme présidentiel. Si le R.N. gagnait un jour, il aurait tous les leviers de l’État à sa disposition. Les responsables de cette
L a Presse Bisontine : On ne peut pas éviter d’évoquer pour commencer les deux questions d’actualité, mêlées ou pas, de l’attaque du Hamas et de la riposte d’Israël, et du meurtre de ce professeur à Arras. Quelles répercussions sur l’opinion française pourront avoir ces événements tragiques ? Edwy Plenel : Je ne prédis pas l’avenir. Dans notre métier de journaliste, on ne doit pas faire de pronostics. Notre métier est de traiter le présent et être disposé à accueillir ce genre d’événements impré visibles ou dramatiques. Mais ces deux événements ne sont pas de même nature. Le premier est le énième rebondissement d’un conflit qui n’en finit pas depuis 75 ans et qui risque d’entraîner le monde dans un abîme. Sur ce point, il n’y a qu’une seule éthique, qu’une seule morale à mettre en avant, c’est celle de la décla ration universelle des Droits de l’Homme qui a accompagné la création d’un État d’Israël au sortir de la guerre en raison des crimes commis en Europe à l’encontre du peuple juif et, à travers lui, contre l’humanité toute entière. Nous avons donc voulu réparer une faute, mais sans nous occuper de l’injustice qui était créée en réparant cette faute, c’est-à-dire sans donner aux Palestiniens le droit d’avoir également un État. L’État d’Israël et sa sécurité sont entièrement légitimes mais les droits des Palestiniens d’avoir une terre le sont tout autant. C’est cette question d’égalité à laquelle nous n’avons jamais répondu, nous la communauté internationale, qui continue à produire tous ces monstres comme cette récente attaque terroriste du Hamas avec des tueries abominables contre des civils israéliens.
L.P..B. : Il s’agit donc bien de terrorisme ? E.P. : Il n’y a pas de débat là-dessus. La population de Gaza, elle, ne considère pas le Hamas comme n’étant pas une organisation légitime, c’est la nuance, et il faut essayer quand on est journaliste de tenir cette ligne de crête, une ligne éthique et morale. Il faut expliquer que la qualification d’organisation terroriste du Hamas fait l’objet d’un débat inter national. Le Hamas n’est pas assimilable à Daech, c’est aussi un mouvement poli tique et social, d’ailleurs soutenu et financé par le Qatar qui est accueilli en France les bras ouverts ! Le Hamas a certes commis des actes terroristes, mais qualifier l’ensemble de l’organisation
situation sont les forces politiques démo cratiques qui font la courte échelle à l’extrême droite. L.P.B. : Vous n’avez pas répondu précisément sur L.F.I., un parti que les Français considèrent aujourd’hui plus dangereux que le R.N. L.F.I. n’est en aucun cas à comparer avec le R.N. ? E.P. : L.F.I. est une organisation qui a été trop marquée ces derniers temps par une forme d’absolutisme de son chef, c’est indéniable. Mais son idéologie n’est pas la même du tout. C’est un parti qui est dans le camp de l’égalité. En même temps, quand on promeut une république démocratique, on doit également être plus démocratique au sein de son parti, ce qui n’est pas tout à fait le cas de M. Mélenchon. Mais la méthode qui consiste à mettre à égalité l’extrême gauche et l’extrême droite est la meilleure façon de faire monter l’extrême droite. Faire passer M. Mélenchon pour un illuminé d’extrême gauche, c’est créer un faux équilibre. Pareillement, comparer le communisme au nazisme en poids de cadavres n’est pas la bonne méthode. On n’a jamais entendu de retours cri tiques d’anciens cadres du fascisme, une idéologie basée sur la haine de l’Homme alors que le communisme a eu des oppo sants radicaux venus de son camp et des autocritiques de ses anciens militants. Il faut sur cette question tenir la ligne des principes, de l’exigence démocra tique. L.P.B. : Selon vous, le R.N. d’aujourd’hui n’est pas plus fréquentable que le F.N. d’hier ? E.P. : Les forces d’extrême droite savent se rendre fréquentables comme Mme Melloni en Italie, mais là-bas on est dans un régime parlementaire, c’est à-dire moins à risque que notre régime présidentiel. En France, Marine Le Pen continue à entretenir des relations avec ses copains de l’ex-G.U.D. qui ne font
comme terroriste, c’est ne pas voir et ne pas comprendre la nature complète de cette orga nisation. Il y a une chose à éviter absolu ment, c’est l’amalgame et les raccourcis qui risqueraient de nous faire entrer dans une guerre des mondes qui serait fatale. L.P.B. : Des pays occiden taux se tromperaient donc dans leur jugement ? E.P. : On l’a bien constaté après le 11 septembre 2001 : les États-Unis sont entrés dans une guerre des mondes qui n’a fait que produire le pire. Pire que Ben Laden avec la création
“L’idéologie de L.F.I. n’est pas la même que celle du R.N.”
Bio express l Edwy Plenel est né en 1952, il est journaliste professionnel depuis 1976. D’abord à Rouge (1976-1978), l'hebdomadaire de la Ligue Communiste Révo lutionnaire. Il s’éloigne ensuite de l’extrême gauche et entre au service Éducation du Matin de Paris, et surtout, il fait une grande partie de sa carrière au Monde pendant vingt-cinq ans (1980-2005). l Il est le cofondateur et président de Médiapart depuis sa création en 2008. l Il est également auteur d’une trentaine d'ouvrages. l Il sera le 8 novembre à 20 h à la salle des fêtes de Morteau (entrée libre)
L’interview du mois 5
La Presse Bisontine n°257 - Novembre 2023
ENBREF
Latino La 14 ème édition du festival “Latino Corazón” est programmée du 20 au 25 novembre. Au programme, 8 films latino-américains récents ou à paraître. Un focus sur le Chili complétera la programmation. Plus d'informations sur latinoamericalli.blogspot.com/l atinoamericalli9@gmail.com Livre “Cette Autriche qui a dit non à Hitler, 1930-1945”, c’est le nouveau livre de Jean Sévillia à lire aux éditions Perrin. Une contre-histoire d’un pays trop souvent associé comme complice au nazisme. Formation Ouverture d’un nouveau Master intitulé Management de Projet et d’Affaires (M.P.A.) par le C.N.A.M. (Conservatoire national des Arts et Métiers) en partenariat avec le Centre de formation C.F.P.P.A. de Châteaufarine à Besançon. Plus d’informations au 03 84 58 20 13. Festival Le Festival des Solidarités est programmé du 13 novembre au 4 décembre ! Le collectif bisontin Recidev propose 12 événements, 4 expositions et ainsi que des interventions scolaires dans deux établissements bisontins. Plus d’infos au 06 50 62 81 69 ou www.recidev.org
toute la différence. Et si on laisse faire, on peut aboutir à des situations drama tiques comme ce fut le cas au Rwanda avec la Radio des 1 000 collines : c’est par elle que s’est fait le génocide, c’est par elle que les Rwandais ont vu tout à coup leurs voisins comme des non-humains à éliminer. Tout cela ne s’est produit que par des mots. J’estime que l’A.R.C.O.M. ne fait pas son travail dans le monde des médias. Dans la Constitution française, l’égalité est un principe et le racisme n’est pas une opinion, mais un délit. Une chaîne comme CNews viole les valeurs fondamentales de la démo cratie. La campagne de M. Zemmour lar gement relayée par cette chaîne a permis
pas moins que de véhiculer des références nostalgiques au nazisme. Tout le thème de mon dernier livre est de tenter d’ex pliquer que les pires dangers viennent juste par les mots, par la banalisation de concepts comme l’identité nationale qui n’est que le cheval de Troie pour détruire nos principes d’égalité et de droits. Or, l’égalité est le moteur de l’émancipation humaine. C’est avec la question de l’im migré qu’on va fonder l’idée que certains n’ont pas de droits universels. Mon propos est une alarme à toutes les bonnes volontés citoyennes. C’est à nous de tenir cette ligne-là. L.P.B. : Les réseaux sociaux, les chaînes d’information en continu, ont-ils tué l’information juste et le sens de la mesure et du débat ? E.P. : Je ne diabolise pas les réseaux sociaux où il y a le pire et le meilleur. Je pense plutôt au danger que représentent leurs propriétaires, comme M. Musk qui est un suprémaciste blanc et antisémite. Quant aux chaînes d’info ou aux médias de masse, il n’est pas tolérable qu’ils deviennent, à l’image de CNews ou d’Europe 1, des médias d’opinion. L.P.B. : Médiapart est bien un média d’opinion ! E.P. : Non, c’est un média d’information, connu pour ses révélations d’intérêt public, dont le seul engagement éditorial est de radicalité démocratique. Par ailleurs, Médiapart est un média en ligne, payant, auxquels s’abonnent ceux qui le veulent bien. Ce n’est pas un média de masse gra tuitement et facilement accessible. C’est
de légitimer l’idéologie de l’extrême droite. Un espace public démocra tique est un espace où on fait en sorte que le débat soit ouvert, pour ou contre, et pas la guerre de tous contre tous. C’est ce que nous, journalistes, sur la base de la loi sur la presse de 1881, devons tou jours continuer à défen dre : que dans le débat, il y ait d’abord des informations. Réduire le débat public à l’af frontement des opi nions est particulière ment dangereux. n Propos recueillis par J.-F.H.
“CNews viole les valeurs fondamentales de la démocratie.”
Le journaliste Edwy Plenel donnera vient dans le Doubs le 8 novembre pour une conférence débat qu’il donneraà Morteauà l’invitation d’un groupe de citoyens (photo D.R.).
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6 L’ÉVÉNEMENT
La Presse Bisontine n°257 - Novembre 2023
LA JUSTICE, À BOUT DE SOUFFLE, MENACE DE PERDRE L’ÉQUILIBRE
l Tribunal de Besançon Manque de moyens Magistrats non remplacés, la profession sur la corde raide Au tribunal de Besançon, le manque d’effectifs, notamment de magistrats et de greffiers, se fait cruellement sentir. Depuis septembre, huit audiences correctionnelles du mercredi ont été supprimées et renvoyées. Pour les autres, la voilure est réduite. Le manque d’effectifs et de moyens dans la justice n’est pas nouveau. Mais depuis septembre, au tribunal de Besançon, des audiences sont supprimées et renvoyées, faute de magistrats. Le désarroi des magistrats s'ajoute à celui des greffiers dont la colère gronde depuis cet été.
Alexandra Chaumet est substitut du procureur, et déléguée syndicale pour le Syndicat de la magistrature.
L a balance de la justice est-elle sur le point de vaciller ? Car si d’un côté, les magistrats, per sonnel de greffe et administratif tentent de garder l’équilibre grâce à leur investissement et conscience profession nelle, ils ont, d’un autre côté, de plus en plus de mal à faire le poids face au manque de moyens récurrent et notam ment d’effectifs. À Besançon, depuis septembre, huit audiences correctionnelles du mercredi ont été supprimées (c’est-à-dire renvoyées dans un avenir plus ou moins proche). À titre d’exemple, fin septembre devait avoir lieu une audience dans laquelle la fromagerie Mulin de Noironte était appelée à comparaître pour répondre d’atteintes environnementales. En pre mier lieu, cette audience était prévue début février 2023. Elle est finalement reportée au 29 mars 2024, soit plus d’un an d’attente ! Certes, les audiences consa crées à l’environnement sont rarement prioritaires face à la masse d’affaires liées au trafic de stupéfiants, aux vio lences conjugales, aux conduites dange reuses, cambriolages, vols, etc. Reste que
cet exemple illustre bien un système judiciaire grippé. “En septembre, nous sommes à moins 5 magistrats. Sur trois départs, il y a deux arrivées de magistrats mais qui sont en formation, donc ils ne sont pas tout de suite en juridiction, relève Alexandra Chaumet, substitut du procureur et déléguée pour le syndicat de la Magistrature. Au niveau des magis trats du siège, ils sont moins 3, avec un poste vacant de juge pour enfants et deux congés maternité. Au Parquet, le départ pour Lons-le-Saunier de la substitut Julie Fergane n’a pas été remplacé.” À cela s’ajoute le manque de juges ou de substituts placés dont l’objectif prin cipal est de pallier temporairement les départs, congés, maladies… Or, avec le surcroît d’activité, ils sont utilisés pour les postes vacants. Le service d’applica tion des peines comptait un seul magis trat en septembre alors que la maison d’arrêt de Besançon est l’une des plus importantes de Franche-Comté. “Les débats ont été renvoyés, seules les urgences ont été traitées comme le non-respect de sursis probatoire, des évasions, des com parutions immédiates” , souligne Alexan
dra Chaumet. Les audiences collégiales au civil ont été réduites de 30 %, le pôle social de 10 %, les traitements du contentieux des affaires familiales réduit de 20 %. Or, le juge aux affaires familiales traite un gros volume d’affaires, qui peuvent devenir des nids à problèmes si elles ne sont pas traitées à temps. “On a conscience que derrière les dossiers, il y a des vies qui sont impactées, c’est pour
poursuit la substitut qui dénonce en outre le sous-dimensionnement du tri bunal de Besançon par rapport aux effec tifs. Le syndicat de la magistrature réclame une véritable prise en compte de la charge de travail, ainsi que plus de magistrats et de greffiers, rapidement. “Comme à l’hôpital public, comme les médecins, on s’habitue à travailler dans l’indigence, sauf qu’on n’a pas leur vie entre nos mains mais leur liberté.” Usés, certains magistrats n’attendent plus rien, lassés par des promesses qui ne débouchent sur rien. Pire, ils déplorent la vision de l’opinion publique, mécon tente, sur une justice lente, laxiste, vision qui contribue un peu plus au découra gement de la profession. n L.P.
déléguée syndicale. Les conséquences se font ressentir phy siquement : burn-out , accidents vascu laires cérébraux… certains sont sur la corde raide. “On peut constater qu’il y a des efforts sur les effectifs, mais combien de temps on va pouvoir encore tenir ?” , s’interroge Alexandra Chaumet. Le bud get de la justice prévoit le recrutement de 10 000 fonctionnaires d’ici 2027, 1 500 dans la magistrature, 1 800 pour les greffes ainsi que la création de la fonction d’attaché de justice. “Banco pour les ren forts, même si va se poser la question de la place pour les accueillir. Par ailleurs, tout le monde ne bénéficie pas de l’aide des contractuels, qui ne sont pas non plus assez nombreux. En plus, cela pro voque une surcharge de travail des gref fiers qui s'ajoute à celle des magistrats” ,
ça qu’on accepte les heures supplémentaires, qu’on ramène du travail le week-end parce qu’à un moment donné, on n’a plus le choix. Certains collègues partent à 21 heures parce que le tribunal ferme, sinon ils resteraient. Si quelqu'un tombe malade, tout se grippe. Globalement, j’es time avoir un salaire décent avec les primes, mais ça ne vaut pas les heures et les responsa bilités” , remarque la
“On s’habitue à travailler dans l’indigence.”
L’événement 7
La Presse Bisontine n°257 - Novembre 2023
l Témoignages Personnel en colère Le ras-le-bol des greffiers,
usés par le manque de reconnaissance
Une dizaine de greffiers a témoigné de leurs conditions
Depuis juillet dernier et le mouvement de grève, le personnel de greffe n’hésite plus à manifester sa colère. Alors, lorsque le micro leur est tendu - rarement, ils en conviennent - ils sont une dizaine à se déplacer pour témoigner de leur quotidien, du manque de moyens et des conditions de travail.
de travail et de leur usure.
I ls sont un rouage essentiel de la justice. Ils sont le visage qui accueille le jus ticiable perdu dans le tri bunal à la recherche de sa salle d’audience. Ils sont ceux que l’on voit à peine en audience, installés sur un côté, à moitié cachés par l’écran d’ordinateur - le seul dans la salle. Eux aussi portent la robe noire mais le pres tige des avocats ou magistrats n’y est pas forcément associé. Pourtant, quiconque souhaite un renseignement est renvoyé au personnel de greffe. Sans eux, pas de procédure, ils en sont le garant et en portent donc la res ponsabilité en cas de vice. Sans les greffiers, la justice ne fonc tionne pas au même titre que les magistrats. Pourtant, depuis des années, ces fonctionnaires et per sonnel de l’administration subis
Le paraître au détriment du fonctionnel
sent une invisibilisation de leur métier et un manque de recon naissance, tant dans leur statut que leurs salaires. À Besançon, une dizaine s’est rassemblée pour témoigner de leur quotidien, devenu de plus en plus dur. Tous parlent d’une même voix, même s’ils travaillent dans des services différents et n’ont pas les mêmes missions au quotidien. L’invisibilisation “Des logiciels qui ne fonctionnent pas nous obligent à reprendre tout le travail depuis le début, le rem placement de collègues au pied levé. S’il y a une instruction, un jugement, des émeutes urbaines, des permanences, on vient chercher les greffiers. La justice, c’est 24 heures sur 24. On a l’impression qu’on est indispensables mais invi sibles. À chaque fait divers, il y a
un greffier. Le week-end, trois magistrats sont de permanence, un du Parquet, un de l’instruction et un des juges et libertés pour un seul greffier.” La rémunération “Dans le contexte actuel, il est dif ficile de faire grève même une journée, si on ne veut pas s’arrêter de manger le 25 du mois. La rémunération n’est pas à la hau teur de ce qu’on nous demande. Quand on a une augmentation de 10 euros sur la paie, ou 50 euros bruts, c’est insultant quand les magistrats prennent 1 000 euros bruts par mois de prime en plus. Et on nous dit qu’il n’y a pas d’ar gent pour nous augmenter.” Le manque d’effectif “On est un peu tout à la fois, tech niciens de la procédure, de l’in
mentation, on a eu deux greffiers pour nous aider mais qui étaient à 50 % sur un autre service. On a le double du volume à traiter avec une personne en plus au lieu de trois. Il y a eu beaucoup d’em bauches d’assistants de justice pour aider les magistrats mais nous, ça nous demande plus de boulot derrière. Tout est un cercle vicieux, les gens sont démotivés, usés donc en arrêt, donc il y a moins de personnel. Si on n’en parle pas des greffiers, on a quand même à cœur le ser vice public. Car derrière les dos siers, ce sont des divorces, des dettes, des victimes. Le justiciable en pâtit avec des délais de trai tement qui se rallongent. On prend sur nos heures, notre santé et quand on demande une simple reconnaissance, on ne l’a pas.” n L.P.
formatique, techniciens de surface pendant le Covid. Il y a les contractuels mais il faut les for mer, ils n’ont pas la culture juri dique, ils n’ont pas fait 18 mois d’école et ils sont plus payés, ils ne prennent pas d’audience ni ne signent de jugement, ils n’ont pas de formation sur les statuts. On forme énormément de stagiaires mais on a plutôt l’impression de les utiliser. Quand un collègue se plaint qu’il ne peut plus y arriver, on lui colle un stagiaire. Et il ne faut pas oublier les problèmes logistiques, pas de wi-fi pour l’or dinateur personnel du stagiaire, pas d’accès informatiques, etc. On passe du temps pour ça à un moment où on est déjà submergé. De toute façon, le concours n’est plus attractif, à Besançon, il y a eu 13 présents sur 50 inscrits au concours.”
“Ici, au Palais, on est dans le paraître. C’est beau, il y a de grands écrans mais ce n’est pas fonctionnel. Les copieurs ne mar chent pas, il n’y a pas d’argent pour faire fonctionner la chau dière. L’hiver, il fait 12 °C, sous la robe, on a doudoune, des mitaines… Et l’été, il fait plus de 35 °C dans les bureaux. Il paraît qu’il n’y a pas assez d’électricité, c’est pour ça que l'informatique rame.” La multiplication de la charge du travail “Sur le même nombre d’heures, on est sur plusieurs services à la fois donc on est en mode dégradé. Par exemple, au bureau d’aide juridictionnelle, il faudrait 3 per sonnes en plus. Dans une expéri
l U.N.S.A. Services judiciaires Le personnel des greffes “Le manque d’ambition vient s’ajouter à des années de manque de moyens” Depuis juillet dernier où leur colère a débordé, le personnel de greffe de Besançon a suivi plusieurs journées de grève. Il réclamait une revalorisation de leur métier. Hervé Bonglet, secrétaire général de l’U.N.S.A. Services judiciaires fait partie des quatre organisations syndicales qui ont participé aux négociations avec le ministère de la Justice à la suite de ce mouvement de grève.
greffiers de base auront la possibilité de passer un concours interne pour passer en catégorie A, les greffiers principaux le seront sur examen professionnel. Cela permettra de continuer à alimenter le corps. Je pense que d’ici une dizaine d’an nées, la totalité des greffiers seront en catégorie 15. L’U.N.S.A.-S.J. milite depuis 15 ans pour ça. L.P.B. : C’est donc une victoire ? H.B. : On a plutôt gagné une bataille. On nous a présenté un protocole d’accords, maintenant, il faut le signer avec une majo rité dans les quatre organisations syndi cales (U.N.S.A.-S.J. majoritaire à 34 %, la C.G.T., la C.F.D.T., et Force ouvrière). On s’est beaucoup battu. À la base, nous vou lions que tous les greffiers passent en caté gorie A. Et puis, le ministère a imposé une nouvelle grille salariale, effective au 1 er novembre. On demandait 25 points d’indice supplémentaire pour tout le monde (le point d’indice s’élève à 4,92 euros bruts) pour environ 100 euros nets sur la paie. La nouvelle grille propose de 10 à 22 points supplémentaires selon les échelons. L.P.B. : Quelle est la suite si ces accords ne sont pas signés par les syndicats ? H.B. : La dernière réforme remonte à 2014, puis encore avant à 2003. Si on ne signe pas, peut-être qu’on est reparti pour dix ans sans rien. Il n’y aura pas forcément la volonté politique de rouvrir des négo ciations si celles-ci n’aboutissent pas. Dans tous les cas, on doit savoir début novembre si la réforme est signée ou pas. n Propos recueillis par L.P.
L a Presse Bisontine : La colère et la las situde du personnel de greffe (greffiers et personnel administratif) grondent depuis un moment. Quel événement a mis le feu aux poudres, conduisant à plusieurs journées de grève, notamment celle du 3 juillet dernier, qui a été très suivie ? Hervé Bonglet : Il est vrai que la journée du 3 juillet avait été suivie par 40 % du personnel de greffe au niveau national. Celui-ci compte 22 000 personnes dont 11 000 greffiers. Ce qui a mis le cirque dans les juridictions, c’est que depuis plu sieurs années, le ministère dit que les greffiers méritent une reconnaissance, cette dernière passe par une modification de leur statut. En 2021, Éric Dupond Moretti annonce à l’école des greffes le passage des fonctionnaires de catégorie B + en catégorie A. Finalement, tout est repoussé après les États généraux de la justice dont le rapport est sorti en juil let 2022. Puis, début 2023, le ministère propose une nouvelle grille de salaire qui ne valorise pas le greffier en catégorie A. Il s’agissait de l’ancienne grille de salaire des conseillers d’insertion et de probation,
de loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice prévoit le recru tement de 1 800 greffiers en 5 ans, hors remplacement des départs en retraite. On arriverait ainsi à 13 000 greffiers quand il en faudrait 16 000, c’est mieux, même si ce n’est pas assez. L.P.B. : Quid des contractuels qui sont arrivés massivement sous le ministère d’Éric Dupond Moretti et qui s’ajoutent aussi à la colère des fonctionnaires greffiers ? H.B. : Il y a eu une arrivée importante de contractuels, environ 2 000. Malgré tout, ils apportent une aide. En revanche, un contractuel recruté au niveau local, touche le salaire d’un greffier avec 7 ans de car rière (sans les primes). Quand un fonc tionnaire qui passe le concours puis suit 18 mois de formation est obligé de passer par la case mobilité. Il peut se retrouver à faire 2, 3, 5 ans à Bobigny, Créteil, etc. Et les contractuels n’ont pas les contraintes des audiences et des perma nences les week-ends.
abandonnée en 2019 car elle bloquait les fonctionnaires qui souhaitaient partir sur d’autres services. Et ça, ça a été la goutte qui a fait déborder le vase. Ce manque d’ambition pour le personnel de greffe vient s’ajouter à des années de manque de moyens. L.P.B. : Justement, comment s’incarne ce manque demoyens? H.B. : En France, on compte 22 000 per sonnels de greffe. Pour s’aligner sur les standards européens, notamment l’Italie, l’Espagne, le Portugal, il faudrait arriver à 39 000, dont 16 000 greffiers. À cela s’ajoutent des logiciels qui déconnent depuis plus de dix ans. Il y a une fatigue et une usure qui montent petit à petit et cette grille de salaire déceptive a tout fait déborder. Sur les 5 dernières années, il y a eu une augmentation de 400 % de demandes de greffiers pour partir dans d’autres admi nistrations que la justice. C’est un indi cateur fort. Si on revalorise le métier, on ne partira plus, l’administration com mence à partager ce constat. Le projet
éventuelle réforme statutaire du personnel de greffe, à la suite des journées de grève ? H.B. : Le 13 juillet, un protocole d’entrée en négociations a été signé. Les négocia tions statutaires et salariales ont eu lieu en septembre et octobre avec le ministère. On nous propose une possibilité d’ouver ture en catégorie A pour 3 200 greffiers dans les trois ans, notamment les greffiers principaux et les plus anciens pour qu’ils soient valorisés le plus possible. Comme c’est un grade supplémentaire, il faudra reconstituer le grade de greffier principal en catégorie B +. Donc 25 % des greffiers de base devraient passer en greffier prin cipal. C’est un appel d’air intéressant dans l’immédiateté des trois ans. Sur le territoire, un millier d’adjoints adminis tratifs (catégorie C) font fonction de gref fiers, un plan de requalification est pro posé. 700 vont devenir greffiers, sans mobilité et sans concours. Et il ne sera plus possible de faire “fonction de”, on arrête d’obliger les gens à travailler dans une catégorie supérieure sans être payé en conséquence. Enfin, sur une période plus pérenne, les
L.P.B. : Aujourd’hui, quelle est la situation sur une
8Besançon
La Presse Bisontine n°257 - Novembre 2023
POLITIQUE
Besançon Maintenant
Ludovic Fagaut plus vert que Les Verts ? La réunion de rentrée politique du groupe de Besançon Maintenant a été placée sous le signe de l’écologie. L’occasion pour Ludovic Fagaut de dénoncer les actions de la majorité municipale en termes de développement durable. Morceaux choisis.
L e groupe Besançon Maintenant, ancré à droite, a teinté son bleu d’un peu de vert, à l’occasion de leur réunion de rentrée, début octobre. Face à un public largement conquis et déjà convaincu, salle Courbet, Ludovic Fagaut et ses colistiers ont souhaité montrer comment ils conce vaient la transition écologique. Aux dépens, évidemment, de la majorité municipale. “C’est une thématique qui n’appartient à personne” , a ainsi asséné Ludovic Fagaut avant de laisser la
parole à Alexandre Benoit-Gonin. L’hydrogéologue et directeur du syn dicat mixte du marais de Saône (dont Ludovic Fagaut est le président) a pré senté les impacts du changement cli matique sur les ressources en eau. Si les données apportées sont toujours intéressantes et édifiantes, l’hydrogéo logue est resté prudent et a préféré se contenter de chiffres de commentaires déjà largement connus et diffusés. Tou jours est-il que souligner que, depuis 1900, sur les dix années les plus
L’élu d’opposition a ensuite repris cer tains dossiers, déjà très souvent mis en avant : l’éclairage de la Citadelle “éteinte 95 % du temps par idéologie” , alors que le coût de l’éclairage s’élève à 11 000 euros par an “sur un budget global de 210 millions d’euros.” Tout en ne comprenant pas l’argument de la biodiversité puisque la chauve-souris pipistrelle “se nourrit grâce à l’électricité qui apporte les insectes nécessaires.” Les requalifications de la voirie qui viennent “scléroser la ville, alors que 84 % des actifs sur Besançon prennent leur voiture pour aller au travail” ,ont été longuement détaillées. Le projet d’autoroute cyclable de Besan çon Maintenant a été de nouveau sou ligné. Ainsi que le stationnement place De Lattre de Tassigny pour lequel le groupe politique propose des capteurs sur les places libres en temps réel pour une “smart city”. Végétalisation de la place de la Révolution, écoquartier Vauban “qui n’a rien d’écologique, mais seulement pour montrer la doctrine écologiste sur Besançon” , le quartier Saint-Jacques et la volonté d’Anne Vignot d’y faire 70 % de logement social,
chaudes en France, huit ont eu lieu dans la dernière décennie, fait froid dans le dos. L’hydrogéologue a notam ment relevé une prise de conscience des pouvoirs publics sur les ressources en eau, car bien que la population aug mente sur Grand Besançon Métropole, les “besoins en eau sont plus réduits en termes de pompage qu'auparavant” , ce qui met en avant une bonne gestion des ressources. Reste que, dans son intervention poli tique suivant la petite conférence, Ludo vic Fagaut, à grand renfort de phrases percutantes, a vivement critiqué les actions de l’équipe d’Anne Vignot, son intervention prenant la forme d’un réquisitoire. “Cette majorité n’a rien d'écologiste, rien en termes de transition, rien en matière de développement dura ble. Mais une idéologie qui va amener à un changement de civilisation. On ne nous parle jamais de développement durable. En revanche, on parle de phé nomènes de société. Cette majorité n’a pas le monopole sous couvert de leur étiquette politique. Elle n’a rien proposé en termes d’innovation pour le territoire bisontin.”
“pas sûr qu’on redonnera de l’attractivité avec du logement, spécialement social” , les emprunts verts au détriment des banques locales “qui participent à la vitalité du territoire” , le plan école que le groupe a validé sans problème avec 60 millions d’euros d’investissement mais… 14 millions pour une école à Planoise qui compte 400 élèves en tout, “c’est plus cher qu’un collège, est-on obligé de faire si grand ?” s’est interrogé celui qui exerce la profession de prin cipal de collège. Bref, même en dehors de la salle du conseil, Ludovic Fagaut ne désamorce pas et la passe d’armes avec Anne Vignot et son équipe continue. L’élu prépare-t-il le terrain pour 2026 ? “On verra, a-t-il répondu. Ce n’est plus une histoire de droite ou de gauche mais plutôt quel projet on veut pour la ville de Besançon. L’objectif est de rassembler le plus largement possible.” Reste que pour la rentrée politique de Besançon Maintenant, seul Ludovic Fagaut a tenu le micro pendant plus d’une heure. On aurait peut-être aimé entendre d’autres voix… n L.P.
Ludovic Fagaut n’a
pas dit un oui franc quant à se représenter
pour 2026. “On verra”, a-t-il sobrement répondu. POLITIQUE
Un futur candidat ?
Éric Delabrousse : 2026 comme horizon ? Le délégué départemental d’Horizons, le parti d’Édouard Philippe, travaille à structurer ses troupes. Sans cacher des ambitions sérieuses pour la Ville de Besançon en 2026. Explications.
Alors non, Éric Delabrousse ne cache pas ses ambitions pour cette ville. Une base nautique du côté de Thise, une salle mul timodale de concerts et de congrès, une ville plus tournée vers sa rivière et ses quais, une ville fleurie mieux garante de la sécurité selon lui, voilà autant de sujets sur lesquels le médecin a déjà réfléchi et travaillé. Sur l’écologie, son avis est bien tran ché. “Ce ne sont pas les gens qui s’installent pour produire du fro mage dans le Larzac qui vont sauver la planète ! Ce sont les scientifiques, les chercheurs de Total énergies ou les ingénieurs qui réfléchissent à des nouvelles techniques propres de création d’énergie. L’écologie ne doit pas être une idéologie, il faut laisser faire eux qui savent faire” estime le Bisontin. “Ma seule boussole est de faire des propositions qui rejoignent les attentes et les préoc cupations des Bisontins, c’est pour cela que je porte une ambi tion pour cette ville” poursuit-il. Un réquisitoire en forme de déclaration de candidature pour le délégué Horizons qui estime aussi que “l’attitude de M. Fagaut au conseil ou sur les
S es détracteurs disent de lui qu’il est le candidat des réseaux sociaux, tant son activité numérique est intense, sur tous les sujets qui concernent Besançon. Lui s’en moque et assume, car pour l’instant, dit-il, “c’est ma seule tribune possible.” Ses détracteurs toujours lui reprochent de pla gier les bonnes idées des autres. “Ce n’est pas parce que Ludovic Fagaut dit que la Terre est ronde que je vais dire le contraire. Quand il y a des bonnes idées quelque part, il faut les promou voir” répond Éric Delabrousse qui ne se lasse pas de donner ses positions étayées sur la façon dont il verrait bien conduire
cette ville de Besançon. Troquer ainsi sa blouse de radiologue hospitalier contre un costume de maire. Évidemment, si l’heure n’est pas encore aux déclarations de candidature, le chef du pôle imagerie au C.H.U. de Besançon n’élude pas la question. Et compte bien se faire investir candidat officiel du parti Hori zons pour 2026. Pour l’instant, il travaille à soi gner ses réseaux. Il était en début de mois au congrès du parti d’Édouard Philippe à Angers. Localement, il s’attache à muscler les rangs de son parti qui compte aujourd’hui “unecen taine d’adhérents qui ont payé leur cotisation à l’échelle du
Doubs, dont une bonne moitié dans le Grand Besançon. La stratégie du parti Horizons, contrairement à Renaissance dans ses débuts, c’est d’avoir un ancrage local, donc des élus dans des villes importantes” observe Éric Delabrousse. Pour l’instant, ce jeune parti né en octobre 2021 n’a qu’une représentante au conseil municipal de Besançon en la personne de Karima Rochdi. Bien insuffisant pour peser. “Mais ça avance assure M. Delabrousse. Des personnes qui avaient fait partie de la liste de Ludovic Fagaut et d’Alexan dra Cordier en 2020 ont déjà rejoint les rangs d’Horizons. Et ce n’est que le début.”
Éric Delabrousse, délégué local et départemental du parti Horizons, ne cache plus ses ambitions pour Besançon.
le second, Laurent Croizier, aurait peut-être trop à y perdre. L’hypothèse Delabrousse pour Besançon 2026 semble ainsi convenir parfaitement au prin cipal intéressé. Qui fera sans doute son maximum pour obte nir l’investiture Horizons, la première marche à franchir. Une visite d’Édouard Philippe à Besançon dans les prochains mois pourrait valider cette hypo thèse. n J.-F.H.
réseaux attire trop de réactions violentes” ? Pas encore, même s’il discute régulièrement de cette hypothèse avec Éric Alau zet et Laurent Croizier, membres eux aussi de la grande coalition présidentielle. Mais Éric Dela brousse ne déploierait pas autant d’efforts pour réfléchir aux grands dossiers bisontins si un de ces deux députés avait signifié son intention de briguer la mairie de Besançon. Le pre mier, Éric Alauzet, a déjà donné,
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