La Presse Bisontine 255 - Sepetmbre 2023

8 L’événement

La Presse Bisontine n°255 - Septembre 2023

l Sécurité routière Moins de morts Vigilance accrue pour éviter une hausse de l’insécurité routière Le retour des 90 km/h s’accompagnera d’opérations de sensibilisation et de contrôle pour éviter le scénario catastrophe d’une hausse des accidents sur les routes départementales.

l Associations Pas d’unanimité Les 10 km/h de la discorde Si certains se réjouis sent du relèvement de la vitesse à 90 km/h, à

Pour certains, la mesure des 80 km/h n’a pas prouvé son efficacité en termes de sécurité routière.

C ertains se réjouissent, d’autres sont atterrés. Et comme bien souvent, les arguments que chaque partie avance se heurtent entre eux. L’association 40 millions d’auto mobilistes a “applaudi” la décision du Conseil départemental du Doubs et appelle à généraliser cette mesure sur tout le territoire national. “Ce retour aux 90 km/h s’inscrit dans un mouvement qui prend de plus en plus d’ampleur à l’échelle nationale. Les dépar tements restés à 80 km/h sont désormais minoritaires. La néces sité d’améliorer la mobilité des usagers et la preuve de l’inefficacité de la mesure à réduire l’acciden talité routière incitent largement les Conseils départementaux à rétablir les 90 km/h” , argue ainsi l’association. Pour Philippe Nozière, président de l’association, il est “prouvé qu’une limitation de vitesse un peu plus élevée n’a pas de conséquence négative sur la sécurité. La voiture reste le pre mier moyen de déplacement, par ticulièrement dans les territoires qui sont peu desservis par d’autres modes de transport. Au quotidien, l’instar de l’association 40 millions d’automobi listes, d’autres comme la Ligue contre la vio lence routière déplorent des mesures contre productives pour la sécurité routière.

L a Direction départementale des ter ritoires du Doubs (D.D.T. 25), le service compétent en matière de sécurité rou tière a suivi de près la décision des élus départementaux de relever la vitesse sur une partie des routes du département. Selon Laurent Kompf, directeur par intérim de la D.D.T., “un travail objectif a été réalisé avant de prendre cette décision et le Conseil départemental a décidé de deux choses impor tantes : l’accompagnement de cette mesure par plus de signalisation, et l’engagement pris par Christine Bouquin de revenir vers la com mission départementale de sécurité routière pour faire un bilan de cette mesure du point de vue de l’accidentologie.” Au regard des récents chiffres, la variation des chiffres de mortalité sur les routes ne semble pas dépendre directement de la vitesse autorisée. En 2019, entre le début de l’année et la mi-juillet, 17 personnes avaient été tuées sur les routes du Doubs. Cette année, sur la même période, on ne déplore “que” 9. En revanche, plus de blessés : 265 en 2023 contre 155 en 2019. La D.D.T. déroule son document général

d’orientation (D.G.O.), sorte de planification départementale de la politique locale en matière de sécurité routière. L’actuel plan mettra l’accent sur deux points: l’alcool, la vitesse et les stupéfiants, d’une part, et ce qu’on appelle les “distracteurs” d’autre part, à savoir le téléphone, voire les vidéos que se risquent à suivre certains automobilistes tout en roulant. À l’automne, dans le cadre de son D.G.O. (document général d’orientation) qui prévoit des actions de prévention et de sensibilisation à la sécurité routière, la D.D.T. du Doubs insis tera sur quatre points : les deux roues moto risées (cyclomoteurs et motos), le partage de la voirie (et notamment les nouvelles mobilités : trottinettes électriques…), les plus “tradi tionnelles” conduites à risques (alcool, stu péfiants, vitesse excessive ou inadaptée, respect du Code de la Route…) et les risques routiers professionnels (trajet mission, trajet domi cile-travail). “À la rentrée, des opérations seront également mises en œuvre dans les établisse ments scolaires (tous niveaux confondus), dans les entreprises et lors de journées portes ouvertes” complète Laurent Kompf. n

le coût de l’insécurité routière. L’association Prévention routière ne dit pas autre chose. En 2018, elle s’était félicitée de la décision gouvernementale d’abaisser la vitesse à 80 km/h. “Notre ligne de conduite a toujours été la même, nous regrettons la décision de lais ser le choix aux Conseils dépar tementaux, souligne Philippe Surot, directeur régional de l’as sociation. La vitesse est un facteur aggravant dans un accident, elle induit des différences significatives en termes de collision, de distance de freinage.” Il regrette également le manque de recul depuis 2018. “L’analyse des 80 km/h n’a pas pu être faite. Nous ne sommes pas favorables au relèvement de la vitesse, c’est incohérent avec la volonté de faire baisser la morta lité. Même si, sur les portions départementales, il n’y a pas eu beaucoup d’accidents, cela ne répond pas à la question de la vitesse qui est un enjeu majeur de la sécurité routière.” Chaque année, en France, la route tue plus de 3 000 personnes. 3 000 autres deviennent lourdement handicapées. Si les causes d’accidents sont mul tifactorielles, la vitesse est bien souvent le dénominateur com mun. n

c’est l’efficacité qui prime.” De quoi hérisser le poil de la Ligue contre la violence routière, vent debout contre la mesure des 90 km/h. Outre le renoncement aux 80 km/h sur tout le territoire national, la Ligue contre la vio lence routière dénonce la sup pression des sanctions pour les petits excès de vitesse. Une mesure contre-productive pour l’association (comme celles d’ail leurs annoncées par Élisabeth Borne en juillet) alors que la France n’a connu aucune dimi nution de sa mortalité routière depuis dix ans. “Ce qui n’empêche pas Élisabeth Borne d’annoncer, dès le 1er janvier 2024, la sup pression du retrait de point pour les petits excès de vitesse, alors que tous les experts nous alertent sur le fait que pour environ la moitié des accidents graves, un petit excès de vitesse (inférieur à 10 km/h) est constaté” , relève ainsi la Ligue. Le Professeur Claude Got, accidentologiste, estime à 450 le nombre de vies qui pourraient être épargnées par une vitesse maximale de 80 km/h. La Ligue va plus loin et a calculé, en se basant sur des critères nom breux et fouillés, que la mesure des 80 km/h permettrait de réduire de 4,85 milliards d’euros

Évolution des accidents mortels sur les routes du Doubs depuis 2010 (source D.D.T. 25).

l Motards en colère Le coordinateur de la F.F.M.C. 25 “C’est une victoire en demi-teinte”

tions sur les secteurs les plus dangereux. On avait rencontré Christine Bouquin, la présidente du Conseil départemental à la Foire comtoise. Elle nous avait expliqué qu’il était préférable de s’aligner sur les départements voisins qui étaient déjà tous pas sés aux 90 km/h. Il s’agit donc d’uniformiser les grands axes. L.P.B. : Savez-vous si le passage aux 80 km/h avait réduit l’accidentologie chez les motards ? F.M. : Je ne pourrais pas répondre. En 10 ans en France, le parc de motos a augmenté de 30 % alors que les accidents mortels ont diminué de 10 %. Cette évolution s’explique avant tout par des équipements plus protecteurs. Autre chiffre: dans 66 % des accidents avec un motard, c’est l'automobiliste qui est respon sable. D’où l’importance d’aider

F.M. : Tout à fait. il y avait eu de grosses manifestations. On était totalement contre et le fait de revenir aux 90 km/h, c’est pour nous une victoire en demi-teinte car la mesure ne concerne même pas 1000 km de routes dépar tementales et ne s’applique pas sur les routes nationales. On se retrouve donc avec une accu mulation de limitations de vitesse différentes. Le risque d’erreur augmente et de verba lisation aussi. C’est flagrant sur certains secteurs comme entre Baume-les-Dames et Besançon où l’on observe aussi que les limitations ne sont pas les mêmes dans les deux sens de circulation. L.P.B. : Que faudrait-il faire ? F.M. : On aurait souhaité rester à 90 km/h sur l’ensemble du réseau routier avec des limita

Du côté des motards, le passage d’une partie du réseau départemental à 90 km/h est plutôt bien perçu, même si, au niveau de la F.F.M.C. 25, on souhaiterait que cette mesure s’applique à l’ensemble du réseau routier comme s’en explique Florient Monnin, le président coordinateur de la Fédération des motards en colère du Doubs.

“On aurait souhaité rester à 90 km/h sur l’ensemble du réseau routier”, estime Florient Monnin, le coordonnateur de la F.F.M.C. du Doubs.

L a Presse Bisontine : Il est peut être utile de rappeler ce pour quoi vous existez ? Florient Monnin : La Fédération Nationale des Motards en Colère rassemble 86 antennes dépar tementales dont celle du Doubs. Elle a vu le jour lors du projet de création d’une vignette moto. Son leitmotiv : défendre et pro mouvoir l’usage des véhicules deux ou trois roues motorisés. On fait des interventions dans

les écoles, on signale aux services compétents les points noirs rou tiers, on organise différents évé nements comme “Motard d’un jour” en invitant les décideurs à découvrir nos problématiques en les transportant à moto. Récemment, on a aussi fait une action “Relais motard calmos” dans la vallée de la Loue. L.P.B. : Étiez-vous opposé au passage à 80 km/h ?

les motards à mieux s’équiper pour se prémunir des accidents. On dénonce le fait que les équi pements de sécurité obligatoires, casques et gants, soient taxés à 20 %. La fédération des motards en colère demande qu’on passe sur une T.V.A. à 5 %.

F.M. : Oui, nos remarques sont mieux prises en compte quand on signale des inepties sur la route comme des plaques d’égout installées sur des trajectoires de sécurité et qui peuvent s’avé rer très dangereuses sur route mouillée. On est aussi plus écouté par les collectivités locales. n Propos recueillis par F.C.

L.P.B. : Le statut du motard évolue ?

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