La Presse Bisontine 252 - Juin 2023

22 Le dossier

La Presse Bisontine n°252 - Juin 2023

l Histoire des cinémas Rencontre avec Michèle Tatu Lumières sur les cinémas de la ville, d’hier à aujourd’hui Fondue de cinéma, Michèle Tatu arpente depuis plusieurs décennies les salles obscures bisontines. L’auteure les a mis en lumière dans le livre, “Histoires du cinéma à Besançon”, co-réalisé avec Denis Bépoix. Petit tour d’horizon non exhaustif d’anecdotes historiques.

Dans les années 1970 et 1980, les ciné mas se divisent en plusieurs salles, les plus grandes restant de plus en plus vides. Ces multisalles (ancêtres des multiplexes) permettent une offre dif férente et engendre à plus ou moins long terme la disparition des cinémas de quartier. En 1976, la grande salle du Vox devient un complexe de quatre salles. En 1981, les 120 000 habitants bénéficient de 18 écrans en tout. Le Théâtre de l’Espace est créé en 1982, offrant une programmation cinéma orientée art et essai. Le Vauban ferme en 1985, le Paris en 1987, le Building en 1988. Le Vox fer mera en 2003 suivi du Plazza Lumière, les deux n’arrivant pas à survivre à l’arrivée des géants Mégarama à École Valentin et Marché Beaux-arts place de la Révolution. Aujourd’hui, des dizaines de salles de cinéma qu’a connues Besançon en plus d’un siècle, seul le cinéma Victor-Hugo, à côté des deux multiplexes Mégarama, résiste et propose des films Art et essai. n L.P.

cinéma, le Ciné-Excelsior. En 1976, il deviendra un lieu de répétition, connu aujourd’hui comme le C.D.N. (Centre dramatique national). En 1914, deux autres salles ouvrent : l’Excelsior (actuel Kursaal) et le Central. Celui-ci sera connu plus tard comme le Plazza Lumière. Ce dernier a fermé en novem bre 2003. Aujourd’hui, les livres ont remplacé les écrans blancs avec la librairie L’Intranquille. “Jusque dans les années 1930, le cinéma était muet. Des bruiteurs étaient présents dans la fosse à orchestre, ils remuaient par exemple l’eau dans un bassin pour le passage d’un bateau” , relève Michèle Tatu. En 1930, trois ans seulement après son apparition aux États-Unis, le cinéma parlant fait son entrée dans les salles bisontines. “Besançon est la 8 ème ville de France à proposer des films parlants. À cette époque, il y a un véri table élan. En 1936, Besançon compte 65 000 habitants. Le Central accueille entre 10 000 et 15 000 personnes. Tout le monde pouvait y aller” , poursuit l’au teure. À la même époque, la mairie exige la présence d’un pompier dans les salles car le risque d’incendie était très élevé avec l’utilisation des films “flammes” ou films nitrate. Le Building qui ouvre également dans les années 1930 rue Proudhon sera victime du feu le 2 octobre 1988. Non pas à cause d’un problème technique mais d’une bombe qui fera exploser le cinéma. Le Building avait diffusé le film La Der nière tentation du Christ de Martin Scorcese, qui a provoqué un énorme scandale. L’article de presse relatant l’attentat avait titré : “La main de Satan incendie la grande salle du Buil ding. ” En 1966, Besançon est la 3 ème ville de France en indice de fréquentation. Outre les salles de cinéma privées (le Stella rue de Dole, le Styx rue Battant, le Paris place Pasteur, etc.), la ville compte beaucoup de salles paroissiales

comme le Bousbo cinéma au 37, rue Bat tant, L’Union des tra vailleurs au 13, rue Ronchaux ou l’Aiglon rue du Pater. “ L’Union et l’Ai glon dépendaient direc tement de l’Église. Cette dernière s’est toujours rapprochée du cinéma car c’était un outil de propagande” , remarque Michèle Tatu. Les quartiers s’emparent également du septième

Besançon, 8 ème ville à proposer le cinéma parlant en 1930.

art avec la création des ciné-clubs comme le Montjoye en 1955 à Montra pon et le Lux en 1959 à Palente. “Dans les années 1950, les exploitants pres sentent l’arrivée de la télévision et ils améliorent le confort des spectateurs, avec du velours sur les sièges. Il y a aussi l’optimisme de l’après-guerre où l’on voit renaître l’idée de cinéma-spec tacle”, raconte Michèle Tatu. Les salles sont immenses et accueillent en moyenne 1 000 personnes. En 1964, Besançon compte 15 écrans.

Michèle Tatu, passionnée de cinéma, a écrit avec Denis Bépoix ses “Histoires du cinéma à Besançon”.

C’ est au détour d’un couloir du cinéma Victor-Hugo que Michèle Tatu sort de l’obs curité après une séance ciné. Le Victor-Hugo, elle le connaît bien. Déjà lorsqu’elle avait 20 ans, elle aimait se couler dans les fauteuils pour se faire une toile. Le Victor-Hugo s’ap pelait alors le Cinéma Gambetta, le C.G. “Dans les années 1970, quand j’al lais au C.G, on y mangeait des hot dogs. Les séances étaient entre midi et deux. Les hot-dogs étaient livrés direc tement dans la salle” , se souvient Michèle Tatu. Des anecdotes savoureuses, la Bisontine en recèle de nombreuses, qu’elle a cou chées sur papier dans son livre “His toires du cinéma à Besançon”, écrit avec Denis Bépoix en 1995. Pour faire naître le livre, faute de fonds d’archives existants, le travail a été gigantesque pour l’auteure et Denis Bépoix. Ce der nier était chargé des recherches en bibliothèque quand Michèle Tatu maniait la plume.

La date de 1995 faisait écho au cente naire de la première séance publique du cinématographe Lumière, à Paris en 1895. Un an plus tard, c’est au tour des Bisontins de découvrir la magie du cinéma. “C’était le 6 mai 1896, à la maison Savoye (7, clos Saint-Amour). La première projection des voitures qui passaient. Comme pour le train, le public a reculé devant l’image” , resitue Michèle Tatu. S’ensuit une période où le cinéma est nomade et s’incarne par tout : cafés, bars, salles de bal, fêtes foraines à côté des dresseurs d’animaux et diseuses de bonne aventure. La première salle de cinéma fixe ouvre en 1910. Il s’agit de l’Alca, rue des Cha prais. Né de la transformation de l’Al cazar (une salle de spectacles), il est composé de deux galeries et peut accueillir 1 000 spectateurs. Il prend le nom de Rex en 1934, puis celui de Vauban en 1971, avant de fermer ses portes définitivement vers 1985. Fin 1912, la salle des fêtes du Casino avenue Droz devient à son tour un

La salle des fêtes du Casino devient en 1912 le ciné-Excelsior avant d’être transformé en lieu de répétition, ce qui deviendra le C.D.N. (photo collection Le Rex rue des Chaprais a été la première salle de cinéma à ouvrir en 1910 (photo B. Faille).

Un nouveau livre “Fred portrait des jeans” Après Histoires du cinéma à Besançon, Balade cinématographique en Franche Comté (Prix Pergaud 2000) et des nou velles Fondus enchaînés, Michèle Tatu vient de publier un quatrième livre, Fred portrait des jeans. L’auteure y livre sa vie, une époque, mêlée de jazz, de cinéma, de voyages. Avec délicatesse et passion, elle couche sur papier le récit émouvant d’un amour sans fin avec Fred, son compagnon décédé. Édité par L’Harmattan, le livre est dis ponible aux Sandales d’Empédocle, Réservoir Books, et à la Maison de la Presse. Mais aussi sur commande dans toutes les librairies de la région. n

personnelle D. Bépoix).

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