La Presse Bisontine 251 - Mai 2023

24 Le dossier

La Presse Bisontine n°251 - Mai 2023

l Agence de l’eau Travaux Un travail au long cours pour restaurer la bonne santé des rivières Si l’Agence de l’eau ne mène pas des actions immé diates lors de crises de sécheresse, elle travaille au long cours pour corriger en profondeur les pro blèmes des rivières et de la ressource en eau. Efforts de longue haleine auxquels contribue chaque

les zones humides où elle peut s’infiltrer contrairement à du goudron qui favorise le ruissellement vers les rivières. “Ce n’est pas toujours com pris du grand public, mais désimperméa

mais que nous collectons nous mêmes auprès des usagers de l’eau sur leur facture”, précise François Rollin, délégué régional à Besançon pour l’Agence de l’eau. En clair, chaque citoyen paie une infime partie des tra vaux réalisés pour améliorer le bon état écologique des rivières

et zones humides. Un constat qui peut faire prendre conscience de l’importance de se responsa biliser dans son usage de l’eau et de lutter plus efficacement contre les pollutions. Parmi les travaux que l’Agence de l’eau supporte financièrement figurent ceux, indispensables, qui contribuent à la recharge des nappes phréatiques. Ces dernières accusent, après un automne et un hiver peu plu vieux, un niveau bas. “Avec le printemps, elles ne vont pas se recharger les prochains mois. Toute l’eau de pluie repart dans l’atmosphère par la végétation qui pousse et absorbe l’eau”, explique François Rollin. Ce phénomène d’évapotranspi ration est accentué par le chan gement climatique. “Quand bien même il pleut autant, comme il fait plus chaud globalement, les végétaux boivent plus d’eau. Une petite partie de l’eau de pluie est réellement infiltrée dans les sols.” Pour faciliter les infiltrations, les collectivités, à l’image de Besançon, désimper méabilisent les sols. Ce procédé permet de renvoyer l’eau vers

optique, l’Agence de l’eau agit au niveau du renouvellement des réseaux d’eau potable, cette dernière représentant une grosse partie des prélèvements dans le milieu. “Un litre sur cinq se perd entre le prélèvement et les lieux de distribution, estime François Rollin. On peut limiter les fuites et augmenter le ren dement du réseau, ce qui per mettrait de moins prélever dans le milieu.” De la même manière, pour limiter les pollutions, les stations d’épuration et réseaux d’assainissement sont réhabi lités. L’Agence de l’eau accom pagne aussi les acteurs écono miques locaux dans la réduction des rejets polluants. Elle demeure un partenaire financier des E.P.A.G.E. et de l’E.P.T.B. Saône-Doubs (Établissement public territorial de bassin) dans la restauration des rivières et des tourbières. Reste que malgré ces projets des collectivités, les comporte ments individuels doivent aussi changer. Le chemin est encore long, loin d’être un long fleuve tranquille. n L.P.

1 00 millions d’euros par an en Bourgogne-Franche Comté, c’est le montant des redevances de l’Agence de l’eau, qu’elle distribue ensuite

sous forme de subventions aux collectivités pour mener à bien leurs projets liés à l’eau. “Il faut préciser que ce ne sont pas des fonds issus du budget de l’État

Au risque de voir le trafic se reporter sur d’autres rues parallèles.

biliser et laisser des espaces avec des herbes folles, c’est indis pensable pour la ressource en eau”, observe François Rollin. L’Agence de l’eau finance éga lement des travaux de restau ration de la morphologie des rivières pour que l’eau, au lieu d’être canalisée et évacuée rapi dement, serpente entre les terres. “Ce sont des solutions basées sur la nature. De plus en plus de projets vont dans le bon sens mais cela ne va pas assez vite, il faut accélérer à cause du changement clima tique.” Autre levier d’action pour pré server la ressource est de moins puiser dedans. Dans cette

La désimperméabilisation des sols, comme ici place De Lattre de Tassigny à Besançon permet une meilleure infiltration de l’eau dans les sols (photo J.-C. Sexe - Ville de Besançon).

“Le plus grand danger reste la méconnaissance des pollutions par le grand public” l Association S.O.S. Loue Rivières comtoises Le collectif S.O.S. Loue Rivières comtoises alerte depuis de nombreuses années sur l’inquiétante santé des cours d’eau et l’état d’urgence dans lequel ils se trouvent. Et s’inquiète de l’approvisionnement en eau potable dans les années à venir.

E n février, le collectif avait envoyé à 120 destinataires des propositions pour amélio rer la qualité des rivières, sujettes à des vagues de mortalité pis cicole. Elle a une nouvelle fois souligné l’importance d’agir maintenant : “Les années qui viennent sont décisives, contraintes par la dérive climatique en cours qui remet en cause jusqu’à la sécurisation de l’approvisionnement en eau potable.” Le récent épisode de pollution au lisier d’une source à Scey-Maisières confirme leurs alertes. “C’est encore une preuve du problème du lisier, observe Manon Silvant, membre du collectif, ce dernier étant favorable à l’utilisation de fumier plutôt que de lisier. Cela s’est vu au robinet des habitants. C’est une illus tration de ce qui se passe dans la Loue, dès que du lisier est épandu. Mais ça ne nous gêne pas de le faire pour les

dables. “L’Europe a exigé que baisse la teneur des micropolluants dans l’eau. La France avait le choix de traiter en station d’épuration les micropolluants avec des filtres mais ça coûte très très cher. La France a choisi la réduction à la source. Mais comment demander aux gens, par exemple, de ne plus pren dre de médicaments (émetteurs de micropolluants, N.D.L.R.) ? Ce n’est pas en culpabilisant les gens que l’on va résoudre les problèmes, s’indigne Manon Silvant. En sortant des stations d’épuration, l’eau n’est pas du tout potable et on laisse partir dans les rivières les produits toxiques.” Le sujet de la pollution des rivières préoccupe pourtant les élus et notam ment ceux du groupe de la minorité départementale Doubs social, écolo gique et solidaire. Ce dernier a demandé mi-mars la création d’une mission d’information et d’évaluation

rivières !” Derrière ces pollutions se profile une autre crainte : celle de voir des sources de captage fermées, faute de protection. “On se prive de plein de sources, car le but est de simplifier. Mais ce sont des sources qui ont fait les villages, s’ils se

L’une des principales missions de Manon Silvant, et du collectif S.O.S. Loue Rivières comtoises est la sensibilisation du grand public sur les pollutions de l’eau.

(M.I.E.) sur la pollution de l’eau, une demande rejetée par la majorité des élus départementaux. Même si ce levier d’action ne s’est pas concrétisé, Manon Silvant retient une chose : “Cela montre que notre travail depuis des années porte ses fruits. Mais c’est la minorité qui a fait la demande alors que ça devrait être la majorité. Celle-ci répond qu’elle fait tout ce qu’elle peut. Mais non, sinon il y aurait plus de résultats. Et surtout, la majorité n’a montré à aucun moment (lors de la séance du Conseil départemental du 20 mars, la majorité a longuement exposé sa poli tique de l’eau, photos et vidéos à l’appui, N.D.L.R.) l’état réel des rivières, comme

s’il n’y avait aucun problème. Comment peut-on parler des rivières du Doubs et ne montrer aucune image d’eutro phisation des rivières ? , dénonce la militante. Le plus grand danger des rivières comtoises, ça reste la mécon naissance des pollutions par le grand public. Beaucoup de gens ne compren nent pas le problème parce que ce n’est pas forcément visible. Une personne, pourtant proche de l’écologie et de la nature s’est exclamée “C’est beau tout ce vert” , en parlant d’algues qui sont en train d’étouffer le cours d’eau.” Le chemin vers la sensibilisation, par fois glissant, reste long. n L.P.

construisent à cet endroit, c’est bien qu’il y avait une source” , poursuit Manon Silvant. L’autre combat du col lectif pour empêcher ou à tout le moins diminuer les pollutions des rivières est l’assainissement et le choix de ne pas faire de traitement du ter tiaire. Le tertiaire est une méthode de dépol lution des eaux usées qui consiste à éliminer les polluants non biodégra

Favoriser l’épandage de fumier plutôt que du lisier.

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