La Presse Bisontine 247 - Janvier 2023

4 L’interview du mois

La Presse Bisontine n°247 - Janvier 2023

CLIMAT

Un ancien membre du G.I.E.C.

“Il y a encore une porte de sortie si l’on s’y met tous ensemble”

“Sans les C.O.P., je pense que les émissions auraient crû encore davantage”, estime Yves Fouquart.

sphérique. Sa spécialité concernait les interactions entre le rayonnement élec tromagnétique et l’atmosphère. “Je me suis très vite intéressé aux conséquences de la concentration des gaz à effet de serre. Les études sur les nuages et les aérosols comportent des aspects expé rimentation in situ, des aspects modéli sation et des aspects observation depuis satellite. J’ai participé à ces trois types d’activité. Ce qui est intéressant, c’est cette approche qui comprend des allers retours incessants entre observation et modélisation.” Cet enseignant-chercheur en physique a participé à la réalisation des premiers modèles climatiques français. Membre du comité scientifique du programme mondial de recherches sur le climat, il a été l’un des rédacteurs du deuxième rap port du G.I.E.C. Un précurseur. n

Y ves Fouquart, 78 ans, habite dans le Haut-Doubs depuis qu’il a pris sa retraite en 2004. “Après un essai dans le privé, j’ai commencé un D.E.A. en 1967. Ma thèse d’État portait sur l’ana lyse des spectres d’absorption présents dans la lumière solaire réfléchie par Vénus. Je me suis ensuite reconverti vers l’étude de l’atmosphère terrestre dans le cadre de recherches sur la dyna mique du climat” dit-il. Professeur à l’Université des Sciences et Techniques de Lille 1, Yves Fouquart dirigeait le Laboratoire d’optique atmo Zoom Sa vie, son œuvre

Enseignant-chercheur aujourd’hui en retraite, Yves Fouquart est un spécialiste de l’effet de serre. Ancien membre du G.I.E.C., cet expert climatologue vit aujourd’hui dans le Haut-Doubs. Rencontre.

L a Presse Bisontine : Originaire du nord, qu’est-ce qui vous a poussé à venir vivre dans le Haut-Doubs ? Yves Fouquart : Je suis arrivé ici en 2004 au moment de la retraite. Je vivais à Lille. C’est une région assez plate. Ici il y a du relief, de la neige. On peut skier, faire du vélo, c’est ce que je recherchais. L.P.B. : Vous n’êtes pas un réfugié climatique ? Y.F. : Non ! (rires) L.P.B. : L’évolution climatique au cours de la der nière décennie est-elle conforme à ce que vous attendiez ? Y.F. : Je trouve que cela s’est beaucoup accéléré notamment en Europe de l’ouest où les températures progressent plus vite que prévu. Quand on parle de tem

pérature globale, n’oublions pas que cela inclut aussi les océans qui représentent les 3/5 èmes de la surface de la terre. La température augmente 1,5 à 2 fois plus vite sur les continents et la progression est encore plus rapide en Europe de l’ouest. L.P.B. : Comment se traduit cette différence ? Y.F. : Depuis 1980, la température globale augmente de 0,19 °C tous les dix ans contre 0,46 °C en Europe de l’ouest, soit une hausse cumulée d’1,6 °C en 40 ans. Quand on a prévu que la température va augmenter de 2,5 °C, cela signifie donc qu’elle pourrait progresser de 4,5 °C sur le continent européen.

Y.F. : Plusieurs raisons à cela. On constate que les éléments extrêmes ont tendance à se multiplier très fortement. C’est d’abord une question de vapeur d’eau qui est le carburant de toute cette dyna mique. Quand la température augmente d’1 °C, le volume de vapeur d’eau aug mente de 7 %. Plus il fait chaud, plus il y a de carburant dans l’atmosphère. Ce principe est plus intense sur le continent où l’évaporation est plus forte et la réserve en vapeur d’eau plus limitée que sur les océans. Quand la sécheresse perdure, les vagues de chaleur s’intensifient. Il existe d’autres facteurs favorables à ces blocages longs de périodes sèches ou froides. Je pense par exemple au jet stream qui perd de sa vigueur du fait que l’écart de température diminue entre

L.P.B. : Pourquoi une telle évolution ?

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