La Presse Bisontine 246 - Décembre 2022
32 Économie GRAND BESANÇON
La Presse Bisontine n°246 - Décembre 2022
Suppression de la C.V.A.E. “On assiste à un mouvement de recentralisation” Lors du dernier conseil communautaire, les élus ont voté une motion contre la suppression de la C.V.A.E. (Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises), prévue dans le projet de loi de finances 2023. Nicolas Bodin (P.-S.), vice-président en charge de l’économie, s’inquiète de l’avenir des impôts en France et de l’autonomie des collectivités locales.
L a Presse Bisontine : A l’échelle de Grand Besançon Métropole, combien a rapporté la C.V.A.E. ? Nicolas Bodin : La C.V.A.E. est une recette importante pour G.B.M. : 13,6 millions d’euros en 2021, pour 5 413 contributeurs. Cela représente 18,2 % des recettes fiscales, 10 % de ses recettes totales de fonc tionnement du budget principal. L.P.B. : Une somme non négligeable mais qui sera compensée grâce à la T.V.A. ? N.B. : Il y a encore beaucoup d’interro gations. Est-ce qu’on sera compensé à l’euro près (quid de l’inflation,N.D.L.R.). D’une part, on ne sait pas comment vont évoluer les compensations dans le temps. D’autre part, pour moi, la Pour le député et élu communautaire Renaissance-MoDem Laurent Croizier, favorable à la suppression de la C.V.A.E., l’objectif de cette mesure est clair : amé liorer la compétitivité des entreprises et des industries. “Cette taxe touche par ticulièrement les industries, un domaine où la compétitivité est nécessaire. En France, les impôts de production sont très lourds. Est-ce que vous croyez qu’on va pouvoir réindustrialiser le pays avec des impôts de production en France trois fois plus élevés qu’enAllemagne ?” a-t-il argué lors du dernier conseil com munautaire. Selon lui, en 2023, la sup pression de la C.V.A.E. permettrait aux industries et entreprises une économie de plus de 4 milliards d’euros. Quant aux arguments avancés par la majorité et notamment le lien rompu entre elle et les entreprises, le député les balaie d’une remarque : “Les col lectivités n’ont aucun pouvoir de taux sur la C.V.A.E. De plus, c’est l’État qui collecte l’impôt qui le reverse ensuite. Le lien entre la C.V.A.E. et la collectivité locale qui se fait par la localisation de l’entreprise est très très loin.” Le manque à gagner ? “Totalement faux car le mon tant sera compensé par la T.V.A. qui est une taxe beaucoup plus dynamique.” De manière plus générale, le député a mis en avant la politique de baisse des impôts, de réindustrialisation et de recherche de compétitivité des entre prises qui a permis la création d’1,5 mil lion d’emplois entre 2017 et 2022. “Donc moins de chômage, plus de cotisations, plus de rentrées fiscales pour l’État et les collectivités.” ■ “Une mesure de compétitivité pour l’industrie”
La C.V.A.E., c’est quoi ?
T.V.A. est l’impôt le plus injuste car elle est payée par tout le monde, même les revenus les plus modestes. D’un autre côté, l’Exit tax et la Flat tax reviennentt à de l’exonération fis cale. La redevance audiovisuelle a été supprimée. Le prési dent Macron s’attaque aux impôts. C’est quoi la suite ? Est-ce qu’on n’est pas en train de supprimer l’impôt ?
L.P.B. : Quelles conséquences pourrait avoir ce mouvement de recentralisation ? N.B. : Cela pourrait inciter à l’absten tion ou au vote extrémiste. Les col lectivités sont bientôt exsangues, j’ai peur qu’elles ne répondent bientôt plus aux besoins des citoyens et que cela débouche lors des prochaines élec tions sur des votes radicaux. L’État délègue parce qu’il n’a plus les moyens, mais où va-t-on aller ? Il y a un vrai débat à avoir sur les rôles des collec tivités et leur autonomie, les élus locaux sont démonétisés. ■ Propos recueillis par L.P. 34 amendements avaient été déposés sur l’article 5 du projet de loi de finances 2023, qui prévoit donc la suppression progressive de la C.V.A.E. Cette mesure a été actée après le vote de la première partie de la loi de finance le 19 octobre, passé aux forceps avec le 49.3. ■ La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est un impôt dont le taux varie selon le chiffre d’affaires. Toute personne ou entreprise exerçant une activité professionnelle non salariée et qui génère un chiffre d’affaires hors taxe supérieur à 500 000 euros est redevable de la C.V.A.E. Cet impôt est l’une des composantes, avec la cotisation foncière des entreprises, de la Contribution éco nomique territoriale (C.E.T.).
“L’État décide, les collectivités paient.”
Une motion contre la suppression de cet impôt sur les entreprises
L.P.B. : En quoi cela est-il inquiétant ? N.B. : Il faut que les impôts soient sanc tuarisés. Je souhaiterais réhabiliter l’impôt comme principal outil de redis tribution des richesses. C’est un débat qui politiquement n’a jamais été ouvert. D’autre part, il ne reste comme impôts locaux que la taxe foncière sur le bâti et non le bâti, la taxe G.E.M.A.P.I. et sur les ordures ménagères. La Région n’a guère plus que la taxe sur les cartes grises. L’autonomie financière des col lectivités est petit à petit grignotée. On assiste à un mouvement de recen tralisation. Contrairement à l’État, les collectivités doivent présenter un bud get à l’équilibre, et on ne peut pas jouer sur la fiscalité. Par exemple, dans le budget fonctionnement, il faut rajouter 1,2 million d’euros pour la revalorisa tion du point d'indice des fonctionnaires, ce qui est très bien comme mesure. Mais l’État décide, les collectivités paient. Sans offrir de services supplé mentaires aux citoyens.
tend à rompre - de façon préjudiciable - le lien qui doit exister entre les entreprises et le territoire où elles sont implantées” , dénonce la collectivité. Cette dernière s’inquiète également de la pérennité des compensations par une fraction de T.V.A. “Une compensation de la suppression de la C.V.A.E. par une fraction de T.V.A. conduit en effet l’État à renoncer à une part supplémentaire de ses propres recettes fiscales (après la réforme de la taxe d’habitation et la suppression de la part régionale de C.V.A.E.), à un moment où l’endettement public atteint des records : près de 113 % du P.I.B. à fin 2021.” Sur 116 votes exprimés, 91 ont été favo rables à la motion, 4 “contre” ont été comptabilisés pour 21 abstentions. ■
Lors du dernier conseil communautaire, une motion contre la suppression de la C.V.A.E. a été votée à une grande majo rité. À travers cette motion, Grand Besan çon Métropole, à l’instar des associations d’élus (Association des maires et prési dents d’Intercommunalités de France et France Urbaine) manifeste son opposition à cette mesure programmée dans le projet de loi de finances 2023 du gou vernement. Pour G.B.M., cette mesure qui “fait suite à une première suppression en 2021 de la part régionale de ce même impôt, vient amplifier encore le déséqui libre entre fiscalité professionnelle et fis calité des ménages. La suppression de cette nouvelle et dernière part de C.V.A.E. prévue en 2023 et 2024 témoigne de la poursuite d’un mouvement de fond qui
À l’échelle du Grand Besançon, la C.V.A.E. a représenté une recette de 13,6 millions d’euros en 2021.
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