La Presse Bisontine 246 - Décembre 2022
14 Besançon
La Presse Bisontine n°246 - Décembre 2022
JUSTIC
Collaborateur du service public Les interprètes dans les tribunaux
font “un métier dangereux”
Confronté aux pires affaires pénales en région et aux alentours, un interprète judiciaire bisontin a bien voulu partager l’envers du décor et évoquer les écueils du métier. Entre menaces et assermentation un peu trop facile.
professionnels : dans l’urgence ou sur une langue rare. “À la diffé rence des grandes agglo mérations, on est moins bien dotés en interprètes. Du coup, on assermente un peu trop facilement des gens qui n’ont pas de compétences linguis tiques, ou qui ne maî trisent déjà pas à la base leur langue maternelle. Il faudrait mieux régu ler cela et imposer des formations.” Lui, qui traduit majo ritairement l’Albanais
lement confronté au pire : du crime en bande organisée jusqu’à l’infanticide. “On a pu l’éviter une fois, en agissant vite et en coopérant avec le parquet. La personne était en fuite. J’ai passé la nuit à traduire le mandat d’arrêt inter national, pour être sûr que l’interpel lation puisse se faire dans le pays. J’avais une responsabilité énorme. Pas de place au sommeil ou à la fatigue.” Il sait qu’il peut être mobilisé à tout moment et sur des temps variables. “Je suis resté jusqu’à un mois complet, à Mulhouse, pour une affaire qui ne devait me mobiliser qu’une heure !” Le métier est “ingrat et dangereux” et ne lui permet pas complètement d’en vivre. “Mais au moins mes compétences cri mino-linguistiques servent à quelque chose. À la fois, pour comprendre ce qui s’est passé et pour prévenir la délin quance et le crime.” On mésestime trop la place de l’inter prète selon lui. À l’image des avocats de la défense, qui n’hésitent pas à faire valoir la mauvaise interprétation des propos de leur client. “Il y a cette expres sion : “traduttore, traditore” qui résume bien la situation. Si je dénonce, je suis en tort et si je ne le fais pas, je le serai également. Mais j’aime servir la loi et la justice.” ■ S.G.
cès-verbaux.” Si ce Bisontin préfère rester discret, c’est aussi vis-à-vis des méthodes employées parfois à la limite de la léga lité. Les besoins divergeant selon les juridictions, on n’hésiterait pas à faire appel selon lui à des interprètes non
N ous l’appellerons Maxime. Habitué à faire l’objet de menaces par les criminels qu’il contribue à condamner, cet interprète préfère garder l’anonymat
pour témoigner. Une précaution qu’il aimerait voir appliquer y compris par la justice. “Ils ne nous ne protègent pas spécialement, dans la mesure où notre nom apparaît sur la plupart des pro
“On voit de tout et beaucoup de paumés !”
et les langues slaves, dispose d’un bagage suffisant à l’inverse. “Je suis de formation universitaire chez moi et en France, j’ai appris la phonétique, la grammaire, la syntaxe…” Arrivé du pays en 2005 pour finaliser ses hautes études en lettres modernes et en cri minologie, Maxime en a fait une spé cialité. Il se réjouit d’avoir déjà servi à boucler des affaires, en amenant parfois à avouer. “Certains ressortissants ont une grosse défiance de la police. Je leur explique qu’ici, les auditions se passent dans de bonnes conditions.” Il est éga
Maxime collabore avec la justice (tribunaux, police, gendarmerie, préfectures…) dans diverses régions.
CHAPRAIS
Un lieu ressource La Tente Beauté Mobile a posé ses valises aux Chaprais En itinérance jusqu’ici dans Besançon, l’association d’Hafida El Mokhtari a désormais aussi un local rue de Belfort. Ce qui permet un accès plus large aux soins socio-esthétiques et à l’entraide des personnes en situation de vulnérabilité.
S oigner les cœurs tout autant que les corps est une évidence pour Hafida, ancienne anima trice de quartier et éducatrice spécialisée, reconvertie aujourd’hui en socio-esthéticienne. Et l’on comprend assez vite l’impact que peut avoir le genre d’ateliers et de soins proposés ici, au regard des sourires affichés sur tous les visages. Ce jour-là, une poignée de bénéficiaires étaient venus simple
ment prendre un café, chercher un nouveau pull en ce début d’hiver ou encore rafraîchir sa coupe de cheveux. Des gestes d’apparence anodins, mais souvent difficiles d’accès pour les plus précaires. Jeanine en sait quelque chose. Longtemps isolée dans son appartement “par peur de la foule” , cette ancienne pupille de la D.D.A.S.S. au parcours difficile a trouvé, ici, “une famille de cœur” , qui lui a permis de
reprendre confiance en elle. “Je souris à nouveau naturellement” , observe-t elle. Battue par son père et son ex conjoint, elle a vécu une descente aux enfers (rue, alcool, drogue…). La reconstruction a pris du temps. Mais en renouant progressivement avec son image, elle a recouvré une meilleure estime de soi. “Je viens faire des soins, des coiffures, aider aux ate liers…” Jeanine a d’ailleurs choisi de fêter sa renaissance (marquée par un changement de nom), ici, à lami-décem bre avec les autres bénévoles et béné ficiaires de l’association. Comme elle, beaucoup ont trouvé dans ce local une seconde maison.À l’image de Chantal, Guillaume, Akram… “On intervient autant auprès des mamans solos, que des S.D.F., des personnes âgées ou des hommes de l’abri de nuit des Glacis” , résume Hafida. À son arrivée sur Besançon en 2014, cette socio-esthéticienne a commencé à sillonner la ville avec saTente Beauté Mobile, et vite trouvé un écho auprès des acteurs et centres sociaux. Puis elle a ouvert ce local en mars dernier,
L’association est désormais installée dans la rue de Belfort.
Ce lieu ressource, complété par un espace de convivialité (avec imprimante et wifi gratuit), pourrait prochainement s’agrandir. “On jouxte l’ancien local de La Chapraisienne. On a fait une demande auprès de Loge.G.B.M. pour l’occuper, ce qui permettrait d’accueillir aussi à l’avenir des familles avec enfants” , explique Hafida. Le public, adressé sur critères sociaux, y a accès trois jours par semaine. Le reste du temps, l’association continue de se déplacer au plus près des personnes vulnérables. Enedis vient d’ailleurs de lui faire don d’un camion aménagé, fraîchement customisé par l’artiste Gentil Godjo. L’élan de solidarité, ici, se partage largement. ■ S.G.
dans un immeuble de la rue de Belfort. “On y a installé une boutique solidaire de produits d’hygiène, mais aussi un coin dressing, en plus d’un mini-salon de coiffure et esthétique.” Le tout acces sible à petits prix (5 euros la coupe ou
le soin) et même gratui tement. “Divers parte naires comme l’associa tion Dons Solidaires, Kenzo ou L.V.M.H., nous donnent des produits.” Henda, qui réalise béné volement les coupes de cheveux, se réjouit de voir de plus en plus de demandes. “Tout le monde doit avoir le droit de prendre soin de soi.”
Progresser pour encore franchir des paliers.
Enedis a fait don d’un camion à l’association
pour ses tournées (photo L. Bohin).
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