La Presse Bisontine 245 - Novembre 2022

4 L’interview du mois

La Presse Bisontine n°245 - Novembre 2022

JUSTICE

Un nouveau procureur général à la cour d’appel de Besançon

“J’aimerais mettre en œuvre la justice restaurative qui peut apaiser les victimes”

Le 14 octobre dernier, Marie-Christine Tarrare a officiellement été installée

dans ses fonctions de procureur général à la

rais mettre en œuvre la justice restau rative. L.P.B. : Pouvez-vous expliquer ce qu’est la justice restaurative ? M.-C.T. : Il s’agit de dispositifs qui per mettent à des victimes et des auteurs de pouvoir échanger dans d’autres lieux que dans un tribunal ou le bureau d’un juge d’instruction.Une victime voudrait parfois que l’accusé réponde à des questions. Des gens sortent du procès sans avoir eu le temps d’obtenir des réponses. La justice restaurative permet aux personnes d’avoir du temps pour cheminer et avancer. Elles sont reconnues comme victimes mais après, cela peut les aider à redevenir des citoyens. Les dispositifs sont très larges, médiations restauratives, rencontre entre des condamnés à de très lourdes peines (assassinat) et des familles de victimes (les deux parties n’ont pas de lien entre eux). Ce sont des processus très normés qui peuvent à mon sens apaiser. Et per mettre aussi de voir le cheminement d’un auteur. L.P.B. : La cour d’appel de Besançon a-t-elle des particularités ? cour d’appel de Besançon. La magistrate qui a fait toute sa carrière au parquet succède à Christophe Barret. En place pour sept ans, elle dévoile les axes prioritaires qu’elle souhaite développer.

Marie-Christine Tarrare souhaite mettre l’accent en priorité sur les violences faites aux plus vulnérables, l’environnement et la justice res taurative, entre autres.

Marie-Christine Tarrare a été officiellement installée dans ses fonctions lors de l’audience de présentation du 14 octobre.

un échelon hiérarchique mais c’est aussi celui qui fait le même métier qu’eux. On partage la responsabilité d’une décision, il est un soutien pour le parquet de pre mière instance. L.P.B. : Vous avez fait toute votre carrière en tant que magistrat de parquet. Est-ce un plus dans votre mission de procureur général ? M.-C.T. : C’est certainement un plus car je connais les contraintes et la pression forte des parquets de première instance. En arrivant à l’école de magistrature, je voulais être juge aux affaires familiales. J’ai découvert le métier de magistrat de parquet qui est en prise directe avec l’évé nement et vous faites face à des parte naires variés. On est présent tout au long de la procédure. Un juge est beaucoup plus en retrait. Le métier de magistrat de parquet est en plein dans la cité, on apporte sa pierre dans le maintien de la paix et de l’équilibre social. L.P.B. :Vous assurez la gestion de la cour d’appel et les tribunaux sous son ressort en dyarchie avec la présidente de cour, Nathalie Delpey Corbaux. Est-ce rare d’avoir deux femmes à la tête d’une cour d’appel ? M.-C.T. : Le corps desmagistrats est extrê mement féminin, à plus de 60 %. En France, sur 36 cours d’appel, 10 procureurs généraux sont des femmes, et il y a 16 premières présidentes. L.P.B. : Doit-on vous appeler Madame le Procureur général ou la Procureure générale ? M.-C.T. : J’ai toujours laissé au masculin, non pas parce que je ne suis pas féministe. Être procureur général est une fonction, ce n’est pas ce qui me caractérise. Je suis fière d’être une femme qui exerce les fonc tions de procureur général. n Propos recueillis par L.P.

L.P.B. : Concrètement, quel est le rôle d’un procureur général ? M.-C.T. : Un procureur général est chargé de porter l’accusation au deuxième degré de juridiction, quand les personnes font appel. Il a le même rôle que le procureur de la République en première instance. Pour le reste, il est le magistrat qui dirige les tribunaux judiciaires de son ressort. Sa mission est de coordonner les actions des procureurs de la République de son ressort, il doit décliner au plan régional la politique pénale du garde des Sceaux. Le procureur général contrôle le bon fonc tionnement du parquet et procède à la notation des officiers de police judiciaire et a le pouvoir de sanctions disciplinaires. L.P.B. : Vous êtes le supérieur hiérarchique des cinq procureurs de la République sous votre ressort : Besançon, Montbéliard, Vesoul, Belfort et Lons-le-Saunier. Comment cela se passe-t il ? M.-C.T. : Il y a en tout 27 magistrats par quetiers. Les procureurs de la République sont libres de leur choix de poursuites qu’ils engagent. Le ministre ne peut pas donner des instructions précises sur un dossier déterminé, il ne donne que des instructions générales dans le cadre de sa politique. En revanche, un procureur général peut donner des instructions de poursuite au procureur de la République, mais c’est très peu utilisé. Sur une plainte, ce dernier estime qu’il n’y a pas d’éléments pour des poursuites et classe la plainte sans suite. Le plaignant peut saisir le procureur général pour un recours. Si celui-ci estime que des poursuites peuvent être engagées, le procureur de la Répu blique est obligé de poursuivre. Il retrouve sa liberté à l’audience où il peut ne pas requérir de peines. Le procureur général est effectivement

L a Presse Bisontine : Vous êtes arrivée à la cour d’appel de Besançon le 1er sep tembre, nommée pour 7 ans. Quels sont les axes que vous aimeriez développer pendant ces sept années ? Marie-Christine Tarrare : Je veux travailler sur le contentieux de l’environnement, impulser une politique pénale sur cette matière, définir des objectifs et des manières de les atteindre, de façon har monisée sur le ressort. Dans chaque res sort de la cour d’appel, il y a un pôle environnement. Unmagistrat du parquet de Besançon est en charge de ces ques tions pour les affaires les plus graves avec des enjeux importants. Le fonc tionnement de ce pôle se fait en lien très étroit avec le procureur général. J’aimerais qu’on avance aussi sur les violences intrafamiliales mais aussi les violences à l’égard des plus vulnérables, les enfants, les personnes handicapées, les personnes âgées. Comment faire pour que les personnes âgées puissent nous révéler les violences ? Il y a aussi une réflexion à mener avec les services de l’Éducation nationale pour un dispositif de repérage du harcèlement scolaire. Parmi les priorités, il y a bien sûr la lutte contre la criminalité organisée et la radicalisation violente. Enfin, j’aime

37 ans de carrière au parquet l 1985 : Entrée à l’école nationale de magistrature après un D.E.A. (aujourd’hui master 2) de droit de la famille. l 1987 : Premier poste de substitut du procureur à Mâcon l 1996 : Procureur de la République à Lons-le-Saunier l 2000 : Procureur de la République à Cusset (Allier) l 2003 : Magistrate à l’inspection géné rale de la justice à Paris l 2008 : Procureur de la République à Bourg-en-Bresse, sa ville de naissance l 2012 : Procureur de la République à Dijon l 2017 : Procureur général à la cour d’appel de Bourges. Elle y dirige l’expé rience d’une cour criminelle départemen tale. l 2022 : Procureur général à la cour d’appel de Besançon. Marie-Christine Tarrare est également officier de la légion d’honneur et officier de l’ordre national du mérite.

M.-C.T. : Comme au niveau national, il y a une explosion des violences intrafami liales. La cour d’appel de Besançon est ame née à statuer sur des affaires pénalement lourdes, notamment avec la criminalité organisée et le trafic de stupéfiants. La spécificité est la zone frontalière, ce qui amène forcément des affaires en relation avec nos homologues helvétiques.

“Il y a une explosion des violences intrafamiliales.”

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