La Presse Bisontine 245 - Novembre 2022

LE DOSSIER 20

La Presse Bisontine n°245 - Novembre 2022

FIN DE VIE : LE DÉBAT RELANCÉ

Avant la fin de l’année, une convention nationale sur la fin de vie va s’ouvrir à l’échelle nationale. L’enjeu est de taille : il s’agira de savoir si la France, comme son voisin suisse le fait déjà, ouvre la porte à l’autorisation du suicide assisté pour les personnes en bout de vie désireuse de choisir l’heure de leur mort. Dans ce numéro, le témoignage exclusif de Denis Pagnier, le mari de Paulette Guinchard qui avait choisi l’an dernier le suicide assisté en Suisse pour terminer sa vie.

(photo D.R.)

l Santé

Que permet la loi actuelle ? La loi Claeys-Léonetti du 2 février 2016 a d’abord complété le droit d’accès aux soins palliatifs expressément mis en place dans la loi du 9 juin 1999. Elle a également mis à disposition les directives anticipées et la désignation de la personne de confiance, pour per mettre à tous d’exprimer leurs volontés. Elle a également clarifié les conditions de l’arrêt des traitements au titre du refus de l’obstination déraisonnable, en réaffirmant le droit du malade à l’arrêt de tout traitement, à bénéficier de la sédation profonde et continue jusqu’au décès lorsque le pronostic vital est engagé à court terme, en plaçant le patient au cœur du processus décisionnel en rendant ses directives anticipées contraignantes pour le médecin. avec la loi Claeys-Léonetti, les directives anticipées deviennent l’expression privilégiée de la volonté du patient hors d’état de le faire et s’imposent désormais aux médecins. La loi du 2 février 2016 permet de mieux répondre à la demande à mourir dans la dignité par une meilleure prise en charge de la souffrance, et en clarifiant l’usage de la sédation profonde et continue, jusqu’au décès, en phase terminale. Concrètement, la loi permet de : réaffirmer le droit du malade à l’arrêt de tout traitement, rendre contraignantes les directives anticipées pour les médecins et développer les directives anticipées en les formalisant, prendre en compte les volontés exprimées par écrit sous forme de directives formalisées éventuellement contrai gnantes, et assurer leur accessibilité. À défaut de l’existence de directives anticipées, la loi permet aussi de prendre en compte l’expression des volontés exprimées par le patient, portées par le témoignage de la personne de confiance ou à défaut tout autre témoignage de la famille ou des proches, et d’améliorer l’accès et l’utilisation des directives anticipées pour les professionnels de santé et le public. Pour les professionnels de santé, la loi actuelle leur donne l’obligation de mettre en œuvre tous les moyens à leur disposition pour que toute personne ait le droit d’avoir une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apai sement possible de la souffrance (article 1 de la loi). n

Le suicide assisté et l’euthanasie Une convention citoyenne, avant une évolution de la loi ?

et les sénateurs. À l’issue de cette longue consul tation populaire, en cas de pré conisations pour une évolution du cadre légal, le chef de l’État pourrait choisir de passer par le Parlement ou par le peuple, par référendum pour faire évo luer la législation vers le suicide assisté (comme c’est possible en Suisse), voire l’euthanasie (sur le modèle belge). Ce n’est pas le premier président qui s’attaque à ce délicat sujet. Avant lui, François Hollande avait fait de la mise en place d’une “assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité” l'un de ses soixante engagements de campagne en 2012. La loi Claeys-Léonetti, votée en janvier 2016 après de longs débats, n’atteint pas cet objectif mais vient tout de même renforcer la précédente loi Léo netti de 2005 qui avait été mise en place après le drame de Vin cent Humbert, cet homme muet et quasiment aveugle après un accident de la route qui avait demandé, sans succès, à Jacques Chirac “le droit de mourir.” Le sujet de la fin de vie continue à faire l’objet de vifs débats dans la société. Des associations se sont d’ores et déjà prononcées, à l’image de la Société française d’accompagnement et de soins

situations éminemment person nelles, et qu’elle fait l’objet d’évo lutions notables ces dernières années, la question de la fin de vie doit être débattue de manière approfondie par la Nation” ajoute l’Élysée. Au terme de cette consultation citoyenne et en fonction des résultats, la loi pourra être ame née à évoluer “d’ici à la fin de l’année 2023” ajoute l’exécutif. La consultation se nourrira éga lement “d’autres travaux et concertations menés parallèle ment avec l’ensemble des parties prenantes” , précise l’Élysée, qui cite en particulier les profes sionnels de santé et notamment les équipes de soins palliatifs. Dans lemême temps, “des débats seront organisés dans les terri

Le 9 décembre doit s’ouvrir une convention citoyenne sur la fin de vie. Plusieurs mois de débats avant l’éventuelle évolution de la loi par un passage devant le Parlement, voire un référendum.

L e débat autour de la fin de vie s’apprête à être relancé par le gouver nement. C’était un des engagements du candidat Emmanuel Macron pour un secondmandat à la tête du pays. Après le mariage pour tous il y a dix ans, c’est un nouveau débat de société que s’apprête donc à ouvrir le chef de l’État, sous une forme inspirée de la convention citoyenne sur le climat qu’il avait testée au cours de son premier mandat. Cette convention sera lancée le 9 décembre, et doit rendre ses conclusions à la mi-mars, avant un éventuel passage devant le Parlement pour une évolution, ou pas, de l’actuelle loi sur le fin de vie, dite loi Claeys-Léonetti entrée en vigueur en 2016. Cette convention sera constituée d’un groupe de 150 Français tirés au sort, pondéré en fonction du sexe, de l’âge, du lieu d’habitation, du métier et du niveau d’éducation des personnes. Elle est donc cen sée être le reflet de la société française. La constitution de

cette convention a été confiée au Conseil économique, social et environnemental (C.E.S.E.). L’annonce du gouvernement de lancer un nouveau début autour de ce sujet très sensible faisait suite à la publication récente d’un avis du Conseil consultatif national d’éthique dans lequel siège notamment le Bisontin Régis Aubry, médecin chef du département douleurs-soins pal liatifs du C.H.U. de Besançon. Dans ce dernier avis, le Conseil d’éthique ouvre la voie à une “aide active àmourir” mais “sous certaines conditions strictes” notent ses membres. L’objectif de la convention citoyenne sur la fin de vie est de “donner à chacun de nos concitoyens l’opportunité de se pencher sur ce sujet, de s’infor mer, de s’approprier la réflexion commune et de chercher à l’en richir” , avaient précisé les ser vices de l’Élysée il y a quelques semaines. “Parce qu’elle est un sujet d’interrogations et d’in quiétudes pour nos concitoyens, qu’elle mêle enjeux collectifs et

toires par les espaces éthiques régionaux afin d’aller vers tous les citoyens et de leur permettre de s’informer et de mesurer les enjeux qui s'at tachent à la fin de vie.” Enfin, le gouvernement mènera “un tra vail concerté et transpartisan” avec les députés

“Des débats seront organisés dans les territoires.”

palliatifs (S.F.A.P.) qui en appelle à “trouver un modèle à la fran çaise et non plaquer chez nous celui d’un autre pays ou d’une autre culture qui ne nous cor respond pas.” D’autres comme l’Association pour le droit de

mourir dans la dignité poussent pour que la loi avance. Il reste à espérer que cette nouvelle convention citoyenne, à l’image de celle liée au climat, ne vire pas au fiasco. n J.-F.H.

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