La Presse Bisontine 245 - Novembre 2022

10 Besançon

La Presse Bisontine n°245 - Novembre 2022

BESANÇON

Quel bilan pour la monnaie locale comtoise ? Cinq ans après, la Pive est-elle rentable ? La Pive a fêté mi-octobre ses cinq ans d’existence. Si la monnaie locale comtoise a réussi à tenir debout après le Covid, les subventions qu’elle reçoit et son bilan comptable ont soulevé des questions sur la santé financière de l’association qui la porte.

I l a réitéré ses mails jusqu’à avoir une réponse. Jean PhilippeAllenbach duMou vement Franche-Comté n’a pas lâché le morceau jusqu’à recevoir les bilans finan ciers de l’association La Pive de ces dernières années. Et sa réponse avec toute la retenue qu’on lui connaît ne s’est pas fait attendre. “La Pive apparaît aujourd’hui comme un véritable fiasco financier. Il faut donc au plus vite limiter les dégâts en stoppant toutes les subventions versées à la Pive, car c’est un gadget écolo-bobo sans la moin dre utilité économique ou finan cière, qui coûte une fortune au contribuable et qui relève d’une pure visionwokiste de la société.” Au-delà du verbiage, le prési dent du Mouvement Franche Comté a ressorti deux chiffres : L’ association La Pive a lancé mi-octobre une application facilitant le paiement et l’achat de pives numériquement. “C’est un besoin qui est remonté très tôt, il était parfois fastidieux d’échan ger les Pives dans des comptoirs d’échanges” , explique Marion Fichet, chargée de communica tion. À partir d’une interface, l’uti lisateur peut payer le commer çant en direct, et effectuer des virements entre particuliers. Les professionnels peuvent se payer entre eux et ne paient pas de frais bancaires. N’en déplaise à Jean-Philippe Allenbach qui

près de 83 000 euros de dettes, pour 200 000 euros de subven tions touchés depuis la création de la Pive. Il ajoute à cela une baisse des adhérents depuis 2020. Sur ce point, l’association convient que le Covid n’a fran chement pas aidé, période où le sans contact avec les cartes bancaires était plébiscité et où les comptoirs d’échanges de Pives étaient fermés. Mais elle mise sur un nouvel engouement à l’image de celui de 2019, notamment grâce à l’arrivée de l’App’Pive, un moyen de paie ment numérique (voir ci-contre). Ensuite, Marie-Odile Crabbé Diawara, co-présidente de l’as sociation nuance les chiffres. “Il faut aussi lire l’autre côté du bilan comptable, soit les dis ponibilités. Nous avons la capa dénonce un “don forcé” parce que la monnaie ne pouvait être rendue en Pives, l’application résout ce problème. “À partir d’un portefeuille numérique, on crédite des euros à partir de sa carte bancaire qui sont changés en Pives” , reprend Marion Fichet. Avec l’App’Pive, qui a tout de même coûté 100 000 euros, l’as sociation espère séduire de nou veaux adhérents. Le montant de la cotisation est libre. Créée en 2017, la monnaie locale comtoise a pour but de se réap proprier l’économie locale, favo riser les circuits courts et lutter contre la spéculation autour de

Avec le lancement de l’App’Pive, l’association espère séduire de nouveaux adhérents.

Un moyen de paiement par une application

l’euro. “La Pive reste dans l’éco nomie réelle, elle ne passe pas par le système financier et le marché spéculatif” , souligne Marion Fichet. À chaque Pive échangée, un euro est déposé sur un fonds de garantie déposé à la N.E.F., banque éthique indé pendante. La N.E.F. double cet euro, pour financer des projets locaux. Si le président de Mou vement Franche-Comté juge cette pratique “inflationniste” , elle a permis de financer à Besançon le restaurant L’Una lôme tout comme le magasin coopératif T’as meilleur temps. Prochainement, un café-librairie l’Interstice verra le jour. Si sur le papier, la Pive semble coûter cher, les effets sur le ter ritoire commencent à se faire sentir. n

vant en effet obtenir une partie de leurs indemnités en Pives. “On espère avoir plus d’adhé rents, plus de cotisations, reprend la co-présidente. Il faut que toutes les collectivités s’en emparent et le fassent vivre sur leur territoire, il y a un besoin de relocaliser l’économie, pour que les gens aient du tra vail sur leur territoire” , se défend Marie-Odile Crabbé-Diawara qui souligne la non-apparte nance politique de la Pive. “ On identifie à tort ce projet comme un projet de gauche. Mais c’est un projet de territoire, des com munes identifiées de droite nous soutiennent. Alain Joyandet (sénateur Les Républicains, N.D.L.R.) a défendu la Pive à la Région. On défend aussi la Franche-Comté.MonsieurAllen bach ne nous a jamais rencon trés. Peut-être que notre projet peut être amélioré, si Monsieur Allenbach a des propositions, nous sommes ouverts à la dis cussion. Nous ne sommes pas binaires.” Essaimant sur toute la Franche Comté, la Pive compte 900 adhé rents, dont 300 professionnels pour 134 000 Pives échangées en 2021. En France, il existe 82 monnaies locales. Celle de Gre noble, le Cairn n’a pas survécu après le retrait du soutien finan cier de Grenoble-Alpes Métro pole.Avec seulement 300 adhé rents et 70 000 cairns en circulation, sa situation n’était plus viable. En comparaison, la Pive ne s’en sort pas si mal pour l’instant. n L.P.

cité de faire face à nos dettes car nous avons 60 000 euros de disponibilités.” En clair, si l’as sociation devait régler pour une raison ou une autre ses dettes, elle serait en mesure de le faire immédiatement à hauteur de 60 000 euros. “Le reste comprend notre emprunt de 21 000 euros. Or, par nature, un emprunt n’est pas à rembourser dans l’immé diat. Le bilan est une photo à l’instant T, soit le 31 décembre 2021. À cette date, certaines sommes étaient en suspens mais réglées en 2022, comme les 30 000 euros que nous devions à l'association qui a développé l’App’Pive” , souligne Marie Odile Crabbé-Diawara, qui se dit sereine face à ce bilan comp table. Quant aux subventions reçues depuis la création de la Pive, la co-présidente les chiffre à 180 000 euros, au lieu de 200 000 euros avancés par M. Allenbach. “La Ville et G.B.M. nous ont fourni une aide au démarrage jusqu’en 2018. Et nous avons des subventions que n’importe quelle association peut recevoir, notamment celle pour l’emploi associatif (La Pive emploie quatre équivalents temps plein, N.D.L.R.) et les aides Covid que beaucoup d’as sociations et entreprises ont eues même celles réalisant un beau bénéfice…” Aujourd’hui, la Pive est subventionnée par la Région, l’A.D.E.M.E., et le fonds de déve loppement de la vie associative. En 2022, la Ville a donné 1 000 euros de cotisation pour son adhésion, certains élus pou

EN BREF

Circulation Pour aider la Ville à recenser précisément les lieux où les riverains vivent des désagréments liés à la circulation une carte interactive est accessible aux Bisontins sur l’adresse https://www.besancon.fr /actualite/pour-une circulation-apaisee/ Elle est remplissable jusqu’à la fin de l’année. À l’issue de cette campagne interactive, un diagnostic sera réalisé. La municipalité s’en inspirera pour prendre des mesures globales et adaptées afin d’améliorer le partage des espaces publics et leur utilisation dans les déplacements de chacune et de chacun. Citadelle Un ibis chauve de la Citadelle de Besançon né en 2022 est parti le 13 octobre pour être réintroduit en Espagne, aux côtés de jeunes ibis nés au zoo de Mulhouse, dans le cadre du projet de sauvegarde “Proyecto eremita”. Cet oiseau classé “en danger critique d’extinction” par l’Union internationale pour la conservation de la nature (I.U.C.) va rejoindre une colonie vouée à être relâchée dans leur milieu naturel.

Les élus de Besançon peuvent même être payés en partie en Pives désormais.

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