La Presse Bisontine 243 - Septembre 2022

4 L’interview du mois

La Presse Bisontine n°243 - Septembre 2022

BESANÇON

Thierry Trottier, président du tribunal administratif “La médiation préalable devient obligatoire pour certains litiges”

Juridiction moins médiatisée que la correctionnelle, le tribunal administratif traite pour autant plus de 2 000 affaires par an. Thierry Trottier, président du tribunal administratif de Besançon lève le voile sur cette juridiction qui compte plusieurs nouveautés cette année, notamment la médiation préalable obligatoire pour certains litiges.

Le tribunal administratif de Besançon, présidé par Thierry Trottier, couvre les quatre départements de la Franche Comté.

L a Presse Bisontine : Depuis le 1er juillet, la médiation préalable obligatoire pour certains contentieux, notamment ceux liés à Pôle Emploi, devient obligatoire. De quoi s’agit-il exactement ? Thierry Trottier : Il s’agit d’offrir un nouveau service au justiciable. Depuis cinq ans, la médiation permet de régler un certain nombre de litiges sur la base du volon tariat. Elle a des avantages : plus rapide et moins cher. En trois à six mois, il peut y avoir une réponse pour un coût moyen de 1 000 à 1 500 euros. Nous avons un objectif modeste de régler une vingtaine d'affaires par le biais de la médiation volontaire. La médiation préalable obligatoire avant de saisir un juge, elle, est mise en place pour certains contentieux après une expérimentation qui s’est terminée en 2021. Elle concerne les litiges les moins complexes opposant les agents de l’Édu cation nationale ou des collectivités ter ritoriales à leurs employeurs. Comme des reclassements, la rémunération, l'adaptation d’un poste de travail, etc. Cela entrera en vigueur bientôt, au 1 er janvier 2023. Les différends entre Pôle Emploi et les usagers de ce service font effectivement l’objet depuis le 1er juillet d’une média tion obligatoire. Il peut être question des radiations, des calculs d’indemnités, etc. L.P.B. : Concrètement, comment cela fonctionne ? T.T. : La médiation peut être à l’initiative des parties ou du juge. Les membres de la juridiction peuvent aussi faire de la médiation.Mais il existe des médiateurs professionnels en fonction des litiges, des médiateurs institutionnels dans chaque ministère, dans les grosses col lectivités et à Pôle Emploi. Leur rôle est de rapprocher les points de vue, et il n’est pas là pour donner son sentiment. L.P.B. : Favoriser la médiation est-il une façon de moins encombrer le tribunal administratif ? T.T. : Certaines requêtes, environ 25 %, ne vont pas au bout du processus judi ciaire. Elles sont traitées par voie d’or donnance pour plusieurs raisons : le tri bunal administratif n’est pas compétent, la requête est incomplète, il y a un pro blème de délai. Et puis, il y a les arrêts en cours d’instruction si un requérant se retire ou si l’administration donne raison. La médiation est un mode de résolution des litiges plus discret et plus rapide. L.P.B. : Le temps de la justice n’est pas celui des médias ni des citoyens. Quel est le délai

moyen de jugement à Besançon ? T.T. : Il est actuellement de 7 mois et 12 jours, soit deux mois inférieur à la moyenne des tribunaux administratifs. Pour les affaires ordinaires (hors pro cédures d’urgence et affaires nécessitant des délais particuliers notamment pour le contentieux des étrangers, N.D.L.R.), le délai est de 13 mois. L’époque où on jugeait en cinq ans est révolue. L.P.B. : Comment expliquez-vous cette baisse ? T.T. : Entre juillet 2021 et juin 2022, nous avons jugé 2 107 affaires pour 2 100 enregistrées. Par rapport à 2019, nous observons une baisse des affaires, et nous ne sommes toujours pas revenus au nombre d’avant Covid. Le tribunal juge plus d’affaires qu’il n’en reçoit. Fin 2021, le stock des affaires en instance était de 1 366, dont seulement 48 affaires de plus de deux ans, des chiffres en baisse constante. Depuis 20 ans, la juridiction adminis trative a obtenu de gros moyens. On compte 1 200 juges administratifs contre 67 il y a trente ans. Il y a eu des créations de postes et de juridictions.À Besançon, moins de 5 % des affaires sont en juge

ment depuis deux ans, la moyenne nationale se situant à 10 %. L.P.B. : Depuis le 30 juin, les décisions du tribunal adminis tratif sont mises à disposition du public, gratuitement sur une plateforme spécifique, ce qu’on appelle l’open data. Pourquoi maintenant ? T.T. : Nous rendons la jus

“Le délai de jugement est environ de 13 mois.”

Zoom L’audience solennelle

le 16 septembre Comme chaque année, le tribunal admi nistratif se prête à l’exercice de l’au dience solennelle le 16 septembre à 11 heures Lors de cette réunion, tous les magistrats du tribunal siègent tandis que le président présente le bilan de l’activité et fait le point sur l’actualité du tribunal, notamment l’arrivée et le départ de juges, les réformes en cours, etc. Les justiciables et notamment les dif férentes administrations sont invités. n

Comment fonctionne le tribunal ? L e tribunal rend des jugements sur des affaires qui concernent les par ticuliers ou entreprises face à l’ad

juge le fond des dossiers. “La juridiction administrative ne s’autosaisit jamais, et on ne répond qu’à ce qu’on nous demande, on ne va jamais au-delà” , précise le président du tribunal, Thierry Trottier. Le tribunal prononce des conclusions à la suite d’une analyse juridique menée d’un point de vue indépendant. Avant le

jugement, le rapporteur public donne son avis, tout comme les avocats des diffé rentes parties. Dans 90 % des cas, le tri bunal suit les conclusions du rapporteur public. Il est toujours possible de faire appel du jugement devant une cour admi nistrative d’appel. Besançon relève de celle de Nancy. n

ministration. La plupart concerne les contentieux des étrangers, les contentieux de la fonction publique, les contentieux sociaux et les contentieux fiscaux. Droit essentiellement jurisprudentiel, le tribunal

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