La Presse Bisontine 238 - Avril 2022
26 Le dossier
La Presse Bisontine n°238 - Avril 2022
l Nancray
l Pelousey La vie quotidienne s’organise Douze Ukrainiens sous le même toit Daria Cadamen-Burckyk,
Quatre ré
Il n’a pas Stéphane Ginéprino a fait l’aller-retour jusqu’en Roumanie pour retrouver dans un camp de réfugiés Hélène, combats de près. Elles tentent de se reconstruire à Nancray où la solidarité est de mise. E lles ont les traits tirés, le regard dans le vague. Pourtant, elles esquissent un léger sourire au moment de nous recevoir dans leur nouveau “chez elles”. Une façon pour Alina,Hélène, Kristina etVladi, de témoi gner de leur hospitalitémalgré l’adversité. C’est ici, à cent mètres de la mairie de Nancray que ces Ukrainiennes venues de Kiev logent. Deux appartements leur sont gracieusement prêtés par les familles De Loustal et Bichet qui ont spontanément répondu à l’appel de Stéphane Ginéprino, un habitant, relayé par la mairie. Vladi, la petite dernière, se réveille parfois la nuit brusquement, marquée qu’elle est par le bruit des bombardements et par cinq jours passés dans un bunker à Kiev. Depuis le 4 mars, la fillette est tou tefois en sécurité à Nancray où, accom pagnée de sa maman, de sa grand-mère et de sa tante, elle tente de vivre comme des autres enfants de son âge. Ces quatre réfugiées sont arrivées dans le Grand Besançon grâce à Stéphane Kristina, Alina et Vladi. Originaires de Kiev, ces Ukrainiennes ont vu les
C’ est la belle histoire de cinq copines qui ne sont jamais perdues de vue depuis leurs études à Kiev il y a une vingtaine d’années. L’une d’elles, Daria Cadalen-Burchyk, s’est installée en France. Avec son mari Nicolas et son fils de 17 ans, elle vit dans une grande maison sur les hauteurs de Pelousey. “Quand la guerre a éclaté, j’ai immédiatement contactémes copines en leur disant que si un jour elles devaient partir, je les accueillerais chez moi” raconte Daria. Une copine avec sa fille et la meilleure amie de sa fille, puis un autre couple avec deux enfants, puis une troisième famille et leurs trois enfants…Au total, douze Ukrainiens ont trouvé refuge dans la grande maison de Pelousey. La table de la salle à manger a été ral longée et chaque famille dispose d’une chambre. C’est un peu le campement, mais un campement de luxe pour ces Ukrainiens qui ont fui l’enfer. “À leur arrivée, ils étaient sous le choc, épuisés, mais soulagés” résume Daria.Tous les matins, le premier réflexe de ces réfu giés est d’allumer leur portable et de demander des nouvelles de leurs d’origine ukrainienne, et son mari Nicolas, ont ouvert leur maison à trois familles. Depuis deux semaines, ils sont donc une douzaine à vivre dans ce foyer de Pelousey.
Nicolas Cadalen
(à droite) et son épouse n’ont pas hésité une seconde à ouvrir leur maison à 12 Ukrainiens.
copine Katia, elles, sont étudiantes dans le social, et c’est en visio depuis Kiev qu’elles continuent pour l’instant à suivre leurs cours. Les trois enfants de Taras et de Marina sont plus petits. L’un d’eux,Arsen, a déjà intégré le club de foot du village. Les plus petits des enfants réfugiés - Anastasia et Chris tian - sont scolarisés à Pelousey tandis que les ados (Mikita,Arsen et Yelysei) sont accueillis au collège voisin de Pouilley-les-Vignes. “On dirait qu’on ne vit pas la vie réelle, que demain on va se réveiller. Vivre tous ensemble ici sous le même toit paraît incroyable. Je
familles restées sous le feu des bombes. Certains n’ont pas pu quitter l’Ukraine, “trop encerclés par le conflit. Certains autres ont dit qu’ils resteraient jusqu’au bout…” Dehors, Taras prépare un barbecue. Ce père de trois enfants, visiblement un vrai cordon-bleu, n’est autre que le cuisinier personnel de Petro Poro chenko, l’ancien président ukrainien prédécesseur deVolodymyr Zelensky ! Depuis deux semaines, c’est comme ça que s’organise la vie à Pelousey. Chacun vaque à ses occupations et participe aux tâches du quotidien. Nadia et sa
crois qu’ils espèrent tous repartir le plus vite possible, ils ne veulent pas se projeter ici dans le temps” estime Daria. “C’est invraisemblable ce qu’on vit actuellement. Nos parents sont sous les bombes à cause d’unmeurtrier, d’un assassin, d’un terroriste militaire qui s’appelle Poutine. C’est tellement incroyable…” répète en anglais Nadia. Pendant ce temps-là, les enfants sont repartis jouer dans les chambres. La vie semble presque s’écouler norma lement pour cette famille devenue nombreuse. Presque normalement. n J.-F.H.
l Saône
Plusieurs familles accueillies Le Plateau de Saône solidaire C’est dans le foyer de Daniel Fabrègues que Nataliia et Marina ont trouvé refuge. Comme ce Saônois et son épouse, les habitants du Plateau se sont fortement mobilisés.
nienne a entamée sur le Plateau de Saône il y a deux semaines. Daniel Fabrègues a immédiate ment répondu favorablement à l’appel lancé par le maire Benoît Vuillemin lors d’une réunion publique organisée dans sa com mune le 9 mars dernier. “Cela m’a paru totalement naturel de m’engager, d’abord dans la pré paration de biens de première nécessité pour l’Ukraine et ensuite dans l’accueil de réfugiés” note Daniel Fabrègues qui met à dis position deux chambres de sa maison à Nataliia et à Marina. Peut-être aussi pour inconsciem ment expier son passé, lui qui travaillait dans l’armement ?… Une autre Ukrainienne, Svet lana, a trouvé refuge chez un autre habitant de Saône, une famille chez un couple de Mont
pérennes. Passé le nécessaire temps de l’acclimatation, ces familles devront forcément gagner un peu en autonomie” poursuit Daniel Fabrègues qui se dit d’ores et déjà “prêt à accueillir d’autres familles plus tard s’il le faut.” Marina a laissé son compagnon en Ukraine où il est militaire. Les larmes ne peuvent s’empê cher de couler sur ses joues quand elle nous montre des pho tos de sa ville assiégée sur son portable. “Je suis très inquiète parce que des amis à moi n’ont pas encore pu fuir Kharkiv. Quant à nous, peut-être que nous pourrons y revenir plus tard, peut-être jamais… C’est à un génocide du peuple arménien auquel nous assistons” com mente Marina en anglais, des sanglots dans la voix. Pendant notre visite chez M. et Mme Fabrègues, une bénévole du Secours catholique sonne à la porte. Dans ses mains, une petite palette de yaourts offerts par les agriculteurs du village. Et des tracts traduits en ukrai nien sur lesquels sont mention nés les horaires des cours de français réservés à cette nouvelle population réfugiée. La solidarité ici n’est pas un vain mot. n J.-F.H.
N ataliia a le regard un peu absent, sans doute l’esprit à Khar kiv, sa ville-martyr. Assise dans son fauteuil, dans le salon de Daniel Fabrègues et de son épouse dans ce quartier résidentiel de Saône, elle semble désœuvrée. Marina, sa fille, affiche un sourire un peu plus franc, sans doute s’adapte-t-elle un peu plus facilement à son nouvel univers. Seul le chien Amour, assoupi, semble serein. À quelques kilomètres de là, à Tarcenay, il y a Olena, la seconde fille de Nataliia. Là-bas, c’est Lise Descieux et sa famille (le couple a déjà 5 enfants) qui l’ont accueillie avec ses deux enfants et surtout sa dizaine de chiens qui ont également fait le voyage depuis l’Ukraine. Impensable de les laisser là-bas. Les deux enfants d’Olena, Léo et Gleb, ont démarré leur scolarité à l’école de Saône le 21 mars. C’est une nouvelle vie - provi soire ? - que cette famille ukrai
faucon et encore une autre du côté de Naisey-les Granges. Le Pla teau de Saône a largement répondu présent. “À mon avis, ces familles sont là pour plu sieurs mois. Je pense qu’il faudra réfléchir à des solu tions d’héberge ment plus
“Peut-être que nous pourrons rentrer plus tard, peut-être jamais…
Le Saônois Daniel Fabrègues a accueilli avec son épouse, Nataliia et sa fille Marina.
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